Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNC " La caille de la Montagne Noire " (SOCAMONO) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 19 mai 2016 par le maire de Tourrettes, pour un montant de 149 133,40 euros au titre de la participation pour voirie et réseaux (PVR).
Par un jugement n° 1602193 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé ce titre exécutoire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 juillet 2019, le 26 février 2020 et le 11 mai 2020, la commune de Tourrettes, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la SNC " La caille de la Montagne Noire " (SOCAMONO) la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen selon lequel les bases et les éléments de calcul du titre exécutoire attaqué n'étaient pas suffisamment précisés ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2019 et le 1er avril 2020, la société " La caille de la Montagne Noire " (SOCAMONO) conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Tourrettes la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Tourrettes.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Tourrettes a émis le 19 mai 2016 un titre exécutoire à l'encontre de la SNC " La caille de la Montagne Noire " (SOCAMONO) pour un montant de 149 133,40 euros pour le règlement de la participation pour voirie et réseaux (PVR), suite à l'obtention le 11 octobre 2006 par la SCI Faoux Laous, d'un permis de construire pour le changement d'affectation et la création de locaux pour activités artisanales, sur les parcelles cadastrées section I n° 22 à 25, appartenant à la société SOCAMONO. La commune de Tourrettes interjette appel du jugement du 17 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé ce titre exécutoire.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Le tribunal a annulé le titre exécutoire attaqué en relevant que s'il n'était pas contesté qu'avaient été joints au titre exécutoire la délibération du conseil municipal de Tourrettes du 1er décembre 2003 instituant le principe d'une PVR, la délibération du 6 juin 2006 par laquelle le conseil municipal a décidé d'engager des travaux de voirie et réseaux divers de la zone UF de Saint-Simon et les Faoux-Laous, le permis de construire du 11 octobre 2006 et le bail à construction conclu le 2 avril 2007, le titre exécutoire attaqué se borne à faire état d'un terrain d'assiette du projet cadastré section I n° 22 à 25 d'une superficie de 28 150 m², situé lieudit Saint Simon et les Faoux-Laous, et a prescrit, à son article 7, une contribution au titre de la PVR pour une valeur de 20 euros HT le m² de terrain desservi, sans indiquer le montant global de cette participation, ni le nombre de m² de terrain desservis au sens de ces dispositions, alors que cette participation ne concerne que les tènements qui sont situés à 100 mètres de part et d'autre de la voie concernée. Il en a déduit qu'en l'état du dossier, en l'absence de toute précision quant au nombre de mètres carrés de terrain desservis soumis à la PVR, la SNC SOCAMONO ne pouvait être regardée comme ayant été mise en mesure de connaître, et utilement contester, les éléments de calcul et bases de liquidation du titre exécutoire attaqué, d'un montant de 149 133,40 euros.
3. Un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette. En application de ce principe, une commune ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 19 mai 2016, que la commune produit pour la première fois en intégralité en appel, qu'étaient joints à ce courrier, outre les pièces mentionnées au point 2, un " calcul de la PVR " établi le 26 avril 2016 précisant que, suite au permis de construire n° PC 083 138 06 CC021, accordé le 11 octobre 2006, la superficie du terrain d'assiette concerné par la participation était de 6 456,57 m². Contrairement à ce que soutient la société SOCAMONO, ces précisions n'avaient pas à figurer obligatoirement dans le permis de construire accordé mais pouvaient être jointes au titre exécutoire qui lui a été adressé, ainsi qu'il a été dit au point 3. Dans ces conditions, la commune est fondée à soutenir, par les nouvelles pièces qu'elle produit, que c'est à tort que le tribunal a annulé le titre exécutoire qu'elle avait émis le 19 mai 2016.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SOCAMONO, tant en première instance qu'en cause d'appel.
Sur les autres moyens de première instance et d'appel :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : [...] 2° [...] la participation pour voirie et réseaux... ". Et selon l'article L. 332-11-1 du même code : " Le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions./ Le coût de l'établissement de la voie, du dispositif d'écoulement des eaux pluviales, de l'éclairage public et des infrastructures nécessaires à la réalisation des réseaux d'eau potable, d'électricité, de gaz et d'assainissement est réparti au prorata de la superficie des terrains nouvellement desservis, pondérée des droits à construire lorsqu'un coefficient d'occupation des sols a été institué, et situés à moins de quatre-vingts mètres de la voie.[...] Le conseil municipal arrête par délibération pour chaque voie nouvelle et pour chaque réseau réalisé la part du coût des travaux mise à la charge des propriétaires riverains ". L'article L. 332-11-2 du même code, alors en vigueur, précise en outre que " La participation prévue à l'article L. 332-11-1 est due à compter de la construction d'un bâtiment sur le terrain. / Elle est recouvrée, comme en matière de produits locaux, dans des délais fixés par l'autorité qui délivre le permis de construire. / Toutefois les propriétaires peuvent conclure avec la commune une convention par laquelle ils offrent de verser la participation avant la délivrance d'une autorisation de construire... ". Enfin l'article L. 332-28 du même code dispose que les contributions telles que la participation pour voirie et réseaux " sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire [...] Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 précitée. ". Il résulte de ces dispositions que la participation qu'un conseil municipal peut instituer pour le financement de voies nouvelles ou des réseaux réalisés afin de permettre l'implantation d'une nouvelle construction ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l'autorisation de construire et que le propriétaire riverain est le redevable de la participation à la date de délivrance de l'autorisation de construire, même lorsqu'il n'est pas le bénéficiaire de cette autorisation.
7. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à la date de délivrance du permis de construire, le 11 octobre 2006, la société SOCAMONO était le propriétaire riverain des parcelles en cause. Elle ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle avait signé un protocole d'accord le 29 juin 2005 avec la SCI Faoux Laous pour la signature d'un bail à construction, lequel n'a été conclu que le 2 avril 2007, et en tout état de cause n'emporte pas transfert de propriété du terrain. En outre, la société requérante ne peut davantage utilement se prévaloir de la circonstance que la société Faoux Laous, pétitionnaire, a été désignée par l'article 7 du permis de construire précité comme étant tenue " au versement de ladite participation ", alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, seul le propriétaire riverain est le redevable légal de cette participation. La circonstance que la commune de Tourrettes ait cru devoir rapporter le titre de recettes émis le 26 mars 2010 suite à la réclamation de la société SOCAMONO pour un tel motif est à cet égard inopérante. Et la société requérante ne peut par ailleurs, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circulaire n° 2004-8 du 5 février 2004, qui prévoit que " lorsque le dossier de demande est présenté par une personne bénéficiant d'une promesse de vente [...] la participation pour voirie et réseaux est mise à sa charge " alors que la SCI Faoux Laous ne bénéficie pas d'une promesse de vente, mais d'un bail à construction. Enfin, elle ne peut davantage utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 251-4 du code de la construction et de l'habitation en vertu desquelles le preneur du bail à construction est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant aux constructions qu'aux terrains, ces dispositions relevant d'une législation distincte.
8. En deuxième lieu, la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le titre exécutoire contesté ferait double emploi avec celui émis le 9 juillet 2013, qui a été définitivement annulé par un jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1302842 du 17 mars 2016, confirmé par un arrêt de la Cour n° 16MA01789 du 31 octobre 2018 devenu définitif.
9. En troisième et dernier lieu, la circonstance que le titre exécutoire ne mentionne pas le " délai de paiement " de la participation voirie et réseau réclamée n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tourrettes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé le titre exécutoire émis à l'encontre de la société SOCAMONO le 19 mai 2016.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société SOCAMONO dirigées contre la commune de Tourrettes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SOCAMONO la somme de 2 000 euros, à verser à la commune de Tourrettes en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1602193 du 17 mai 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société SOCAMONO devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société SOCAMONO formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La société SOCAMONO versera la somme de 2 000 euros à la commune de Tourrettes, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tourrettes et à la SNC " La caille de la Montagne Noire " (SOCAMONO).
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2021.
Le rapporteur,
Signé
I. A...La présidente,
Signé
L. HELMLINGER
La greffière,
Signé
D. GIORDANO
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 19MA03065
hw