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22/04/2021 | FRANCE | N°19MA00819

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 avril 2021, 19MA00819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free mobile a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2018 par lequel le maire de Marseille lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour une antenne de téléphonie mobile.

Par un jugement n° 1805690 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et le 30 septembre 2019, la SAS Free Mobile, représe

ntée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free mobile a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2018 par lequel le maire de Marseille lui a refusé la délivrance d'un permis de construire pour une antenne de téléphonie mobile.

Par un jugement n° 1805690 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et le 30 septembre 2019, la SAS Free Mobile, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont, d'une part, insuffisamment motivé leur jugement et, d'autre part, méconnu le principe du contradictoire en procédant à une substitution de motifs sans en avoir informé préalablement les parties ;

- le refus de permis de construire est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a invalidé le motif de la décision attaquée et a estimé que l'antenne de téléphonie mobile ne correspondait à aucun " aménagement léger " limitativement énumérés par les dispositions de l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme, alors que la zone " NL " dans laquelle se trouve le terrain d'assiette du projet correspond non seulement aux espaces remarquables mais aussi aux espaces littoraux ;

- à supposer que le terrain d'assiette du projet soit classé en espace remarquable, il est excipé de l'illégalité de ce classement, qui est entaché d'erreur d'appréciation.

- le tribunal a invalidé à bon droit le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que le motif tiré de la méconnaissance de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison, d'une part de l'existence d'un risque d'incendie et, d'autre part, de l'existence d'un glissement de terrain, que la commune propose de substituer, n'est pas de nature à fonder légalement la décision attaquée ;

- de même le motif tiré de la méconnaissance de l'article 26.2 des dispositions générales du PLU n'est pas davantage de nature à fonder légalement la décision attaquée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 avril 2019 et le 11 octobre 2019, la commune de Marseille conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et demande à la Cour, en tout état de cause, de substituer le motif tiré de l'existence d'un risque d'incendie et de glissement de terrain, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ainsi que sur celui tiré de la méconnaissance de l'article 26.2 des dispositions générales du PLU.

Par courrier du 1er avril 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible d'enjoindre d'office à la commune de Marseille de délivrer le permis de construire sollicité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Marseille.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Marseille a été enregistrée le 8 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Marseille a, par arrêté du 16 mai 2018, refusé d'accorder à la SAS Free mobile un permis de construire pour l'édification d'une antenne de relais de téléphonie mobile sur un terrain cadastré section B n° 21 situé 84, chemin du Vallon de Toulouse, dans le 9e arrondissement. La SAS Free mobile relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. La décision de refus attaquée se fonde, d'une part, sur le fait que le projet méconnait l'article 2 de la zone N du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Marseille, la création d'un relais de téléphonie mobile étant " incompatible avec les aménagements autorisés au titre de la loi littoral (article L. 121-1 et suivants du code l'urbanisme) " et, d'autre part, sur le fait que le projet porte atteinte à l'intérêt des paysages naturels environnants, en méconnaissance de l'article 11.1 du règlement de la zone N et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Le tribunal, après avoir invalidé ce second motif, a écarté les moyens dirigés contre le motif fondé sur la méconnaissance de l'article 2 de la zone N du PLU.

3. Le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Marseille définit les secteurs NL comme des " secteur(s) d'espaces naturels remarquables au sens de la loi littoral et d'espaces littoraux " dans lesquels l'article 2 du règlement du PLU autorise les " aménagements, installations et constructions autorisés au titre de la loi " littoral " ". Dès lors que le classement en zone NL recouvre tant des secteurs d'espaces naturels remarquables que de simples espaces littoraux, les dispositions de l'article 2 du règlement du PLU doivent être comprises comme renvoyant ainsi à l'ensemble des dispositions régissant la construction en zone littorale, soit la restriction de l'extension de l'urbanisation " en continuité avec les agglomérations et villages existants " ou " en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ", en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision attaquée, anciennement codifié au I de l'article L. 146-4, la limitation de l'extension de l'urbanisation des espaces proches du rivage, en application de l'article L. 121-13 du même code, anciennement codifié au II de l'article L. 146-4, l'interdiction des constructions ou installations " sur une bande littorale de cent mètres ", en application de l'article L. 121-16 du même code, anciennement codifié au III de l'article L. 146-4 et, enfin, s'agissant des espaces naturels remarquables, la liste limitative des aménagements légers qui peuvent y être implantés, en application des articles L. 121-23 et L. 121-4 du même code, anciennement codifiés au premier et deuxième alinéa de l'article L. 146-6, et de l'article R. 121-5.

4. Le tribunal, en relevant qu'il n'était pas contesté que le terrain était classé en secteur NL et que le projet ne correspondait pas à un " aménagement léger ", tel que limitativement énumérés à l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme, a implicitement mais nécessairement estimé que le terrain d'assiette du projet se trouvait au sein d'un espace naturel remarquable, au sens des articles L. 123-23 et L. 123-24 du code de l'urbanisme qu'il a d'ailleurs cités, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, cette qualification ne résultait pas nécessairement du classement du terrain en secteur NL.

5. L'article R. 121-4 du code de l'urbanisme dispose que : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique :/ [...] 7° Les parties naturelles [...] des parcs nationaux créés en application de l'article L. 331-1 du code de l'environnement... ". Pour apprécier si les parcelles en cause présentent le caractère de site ou de paysage remarquable à protéger au sens des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme, l'autorité compétente ne peut se fonder sur leur seule continuité avec un espace présentant un tel caractère, sans rechercher si elles constituent avec cet espace une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable à préserver.

6. S'il ressort des pièces du dossier et de la délimitation géographique du parc national des Calanques (PNC), librement accessible sur son site internet, que le terrain d'assiette du projet se situe à l'intérieur de l'aire d'adhésion du PNC et que la parcelle d'assiette en cause n'est pas bâtie, qu'elle comporte quelques arbres et qu'elle jouxte au sud ouest des parcelles non bâties et arborées, elle se trouve toutefois à plusieurs kilomètres du rivage, dans le prolongement d'un secteur largement urbanisé, plusieurs immeubles collectifs étant à proximité. De plus, elle jouxte à l'est la carrière de Saint-Tronc. Le secteur ne présente donc pas de caractère remarquable. Par suite, la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir qu'il devait être qualifié d'espace naturel remarquable, au seul motif que la parcelle constitue un espace non bâti au sein du PNC, ses caractéristiques propres ainsi que celles de son environnement immédiat n'étant pas de nature à justifier une telle qualification, en application de l'article R. 121-4 précité du code de l'urbanisme.

7. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception d'illégalité du classement de la parcelle d'assiette du projet en espace naturel remarquable qu'elle invoque dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 ce classement ne résulte pas des dispositions du PLU, la société Free mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a validé le motif de refus fondé sur la méconnaissance de l'article 2 de la zone N du règlement du PLU en estimant que le projet ne correspondait à aucun aménagement léger limitativement énuméré par l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme.

8. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant les premiers juges que devant la Cour.

Sur les autres moyens de première instance et d'appel :

9. En premier lieu, en vertu de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, le refus de permis de construire doit être motivé.

10. La décision attaquée, qui se borne à viser les articles L. 121-1 et suivants du code de l'urbanisme, et à mentionner que le projet est incompatible avec les aménagements autorisés au titre de la loi littoral, sans préciser quelle disposition, parmi les articles rappelés au point 3, était ainsi appliquée, est insuffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, à supposer que la décision attaquée puisse être regardée comme fondée sur la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, qui autorise seulement l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou de l'article L. 121-16 du même code, qui interdit les constructions en dehors des espaces urbanisés sur une bande littorale de cent mètres, un tel motif ne peut légalement fonder la décision de refus attaquée, alors que le terrain d'assiette du projet se situe à plus de quatre kilomètres du rivage, dont il est au demeurant séparé par une zone urbanisée.

12. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, le projet se situe dans le prolongement d'un secteur largement urbanisé, plusieurs immeubles collectifs étant à proximité, et jouxte à l'est la carrière de Saint-Tronc. Par suite, la commune de Marseille n'est pas davantage fondée à soutenir que sa décision de refus pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en vertu duquel l'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 11 du règlement de la zone NL, qui pose des exigences qui ne sont pas moindres que l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions à édifier ou à modifier, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

14. Ainsi qu'il a été dit aux points 6, 11 et 12, le terrain d'assiette du projet se trouve à plusieurs kilomètres du rivage, dans le prolongement d'un secteur largement urbanisé, en bordure d'une voie publique et se situe dans une zone d'urbanisation hétéroclite composée notamment d'immeubles d'habitation collectifs et d'une carrière. Ni la présence à proximité immédiate du canal de Marseille, ni la circonstance que le terrain d'assiette du projet se situe à l'intérieur de l'aire d'adhésion du PNC ne sont suffisantes pour caractériser un intérêt paysager. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que ce motif n'était pas de nature à justifier la décision attaquée.

15. Aucun des motifs de la décision initiale n'est donc de nature à justifier légalement la décision attaquée. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision.

Sur les demandes de substitution de motifs :

16. La commune propose tout d'abord de substituer le motif tiré de l'existence d'un risque, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme selon lequel : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

17. Toutefois en se bornant à se prévaloir du fait que le projet se situe en secteur rouge, inconstructible, du plan de prévention des risques incendie, approuvé le 22 mai 2018, soit après la décision attaquée, mais dont les éléments pourraient révéler l'existence d'un risque, elle n'apporte pas d'éléments suffisants pour démontrer l'existence, en l'espèce, d'un risque d'incendie justifiant le refus du projet d'implantation d'une antenne relais de téléphonie mobile. De même le maire de Marseille ne justifie pas davantage l'existence d'un risque de mouvement de terrain en se bornant à se prévaloir du fait que le terrain se situe en secteur B2 du plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé par arrêté préfectoral du 27 juin 2012, correspondant à une zone faiblement à moyennement exposée, et de prescriptions de construction qui ne sont pas applicables à une antenne relais qui ne constitue pas un bâtiment, au sens de ces dispositions.

18. Le maire de Marseille ne pouvait donc pas légalement fonder son refus sur l'existence d'un risque en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

19. Ensuite, la commune ne peut utilement soutenir que le dossier était incomplet au regard du f) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, en l'absence d'une attestation établie par l'architecte ou un expert certifiant la réalisation et la prise en compte d'une étude géotechnique, exigée, dans les zones B2, par l'article II.1.1 du plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé par arrêté préfectoral du 27 juin 2012, pour assurer la stabilité des bâtiments, l'antenne-relais ne constituant pas un bâtiment, ainsi qu'il a été dit au point 17.

20. Enfin la commune de Marseille n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle pouvait légalement fonder sa décision de refus sur l'article 26 des dispositions générales du PLU imposant une marge de recul de 8 mètres le long du canal de Marseille et de ses dérivations, alors que la société Free mobile soutient, sans être sérieusement contestée, qu'il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation, et notamment du document PC2.1, que le projet est implanté à plus de 10 mètres des berges du canal.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que la société Free mobile est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du maire de Marseille lui refusant la délivrance d'un permis de construire.

Sur l'injonction d'office :

22. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

23. Lorsque l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt implique normalement, eu égard aux motifs de ce jugement ou de cet arrêt, une mesure dans un sens déterminé, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées ou d'office, de se prononcer sur la nécessité de prendre une telle mesure, en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si, au vu de cette situation de droit et de fait, il apparaît toujours que l'exécution du jugement ou de l'arrêt implique nécessairement une mesure d'exécution, il incombe au juge de la prescrire à l'autorité compétente.

24. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol [...] a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation [...] ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande [...] soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". L'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. ... ". Et selon l'article L. 424-3 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 108 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Lorsque la décision rejette la demande [...] elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet [...] notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6.... ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 600-4 1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".

25. Les dispositions introduites au deuxième alinéa de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme par l'article 108 de la loi du 6 août 2015 visent à imposer à l'autorité compétente de faire connaitre tous les motifs susceptibles de fonder le rejet de la demande d'autorisation d'urbanisme. Combinées avec les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, elles mettent le juge administratif en mesure de se prononcer sur tous les motifs susceptibles de fonder une telle décision. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 6 août 2015 que ces dispositions ont pour objet de permettre d'accélérer la mise en oeuvre de projets conformes aux règles d'urbanisme applicables en faisant obstacle à ce qu'en cas d'annulation par le juge du refus opposé à une demande d'autorisation d'urbanisme et compte tenu de ce que les dispositions de l'article L. 600-2 du même code citées au point précédent conduisent à appliquer le droit en vigueur à la date de la décision annulée, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision de refus.

26. Il résulte de ce qui précède que, lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ou même d'office, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 citées au point 24 demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

27. Le présent arrêt annule le refus de permis de construire opposé à la société requérante, après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision et rejeté les demandes de substitution de motifs. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de prescrire la délivrance du permis de construire pour un motif que l'administration n'a pas relevé. Il n'en résulte pas non plus que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. Il y a lieu dès lors d'enjoindre à la commune de Marseille de délivrer à la SAS Free Mobile le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Marseille dirigées contre la société Free mobile qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros, à verser à la société Free mobile en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1805690 du 13 décembre 2018 et l'arrêté de refus de permis de construire du maire de Marseille du 16 mai 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Marseille de délivrer à la SAS Free mobile le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Marseille versera à la société Free mobile une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Marseille formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Free mobile et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2021.

Le rapporteur,

Signé

I. A...La présidente,

Signé

L. HELMLINGER

La greffière,

Signé

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 19MA00819

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