Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 30 juin 2016 par laquelle le maire de la commune de Beaulieu-sur-Mer a refusé de retirer l'arrêté de permis de construire du 18 mai 2016 accordé à la SCI Guédino sur une parcelle cadastrée AH 53, située 9, boulevard du Maréchal Joffre, et d'annuler ce permis de construire.
Par un jugement n° 1603613 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 février 2019, le 13 janvier 2020, le 11 mars 2020 et le 18 novembre 2020, Mme D..., représentée par la SELAS LLC et associés, agissant par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 décembre 2018 ;
2°) d'annuler les décisions précitées ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Beaulieu-sur-Mer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- elle a intérêt à agir à l'encontre de la décision attaquée en sa qualité de voisine immédiate et eu égard à l'objet du projet ;
- la demande d'autorisation est entachée de fraude et le projet méconnait l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 2 novembre 2020, la commune de Beaulieu-sur-Mer conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme D... la somme de 4 000 euros, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février 2020 et 20 novembre 2020 la SCI Guédino conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'obtention d'un délai afin d'obtenir un permis modificatif et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme D... la somme de 5 000 euros, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que Mme D... ne justifie pas d'un intérêt à agir suffisant et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C... de la SELAS LLC et associés, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Beaulieu-sur-Mer a, par arrêté du 4 avril 2016 accordé à la SCI Guédino un permis visant à la démolition partielle de bureaux et d'une clôture d'accès et à l'extension d'un bâtiment d'entrepôt existant, à la transformation d'une toiture à pente en toiture terrasse et à la création de places de stationnement extérieur, sur un terrain situé 9, boulevard du Maréchal Joffre, sur une parcelle cadastrée section AH n° 53. Il a, en outre, rejeté par décision du 30 juin 2016 la demande formée par Mme D... tendant au retrait de cette autorisation. Celle-ci relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. La demande de retrait du permis de construire litigieux ayant été formée dans les délais de recours contentieux, les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du maire rejetant de cette demande doivent être regardées comme tendant directement à l'annulation de ce permis.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article UB 3 du règlement du POS : " Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée. Les caractéristiques des accès et des voies privées doivent être adaptées à l'opération et satisfaire aux exigence de sécurité, de défense contre l'incendie de ramassage des ordures ménagères... ". L'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif doivent s'assurer qu'une ou plusieurs voies d'accès au terrain d'assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par les règles d'urbanisme citées ci-dessus. A cette fin, pour apprécier les possibilités d'accès au terrain pour le propriétaire ou les tiers, il incombe à l'autorité compétente et au juge de s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie. Il résulte par ailleurs des dispositions des articles L. 1424-2 à L. 1424-4 du code général des collectivités territoriales que les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter. Dès lors, pour apprécier les possibilités d'accès de ces services au même terrain d'assiette, il appartient seulement à l'autorité compétente et au juge de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence.
4. D'autre part, selon l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'accès à la parcelle d'assiette du projet s'effectue depuis le boulevard Maréchal Joffre par une voie privée non ouverte à la circulation du public. Si le dossier de demande de permis de construire indiquait que la société pétitionnaire bénéficiait d'une servitude de passage sur cette voie, la SCI Guédino a, en réalité, précisé que ce chemin constituait un chemin d'exploitation.
6. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ne ressort ni de l'acte notarié du 22 mai 1997 ni de son attestation notariée d'acquisition du 4 février 2010 concernant la parcelle cadastrée AH n° 54 qu'elle serait propriétaire de cette voie ou, en tout état de cause, bénéficierait d'une servitude sur cette voie. Au demeurant, la propriété exclusive d'une parcelle ne fait pas obstacle à sa qualification de chemin d'exploitation. Pour établir l'existence de ce chemin d'exploitation, la société pétitionnaire se prévaut d'un procès-verbal d'huissier établi le 22 février 2018 qui précise que cette voie dessert les parcelles cadastrées AH 53 et AH 54 qui en sont riveraines. Alors même que ce procès-verbal est établi postérieurement à la décision attaquée, il révèle un état de fait antérieur, Mme D... ne contestant pas que cette voie est effectivement utilisée par les parties depuis plusieurs années pour accéder à leurs fonds respectifs. Il ressort donc bien des pièces du dossier que le projet est desservi par un chemin d'exploitation qui, en l'absence de titre, appartient tant à la SCI Guédino qu'à Mme D..., propriétaires riverains, chacun étant propriétaire en soi. En l'absence de difficulté sérieuse sur une question de droit échappant à la compétence du juge administratif, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que les tribunaux de l'ordre judiciaire se soient prononcés sur le point de savoir si la voie en cause constitue un chemin d'exploitation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que cette voie en impasse présente une largeur de 4,72 mètres, ce qui apparaît suffisant au regard des dispositions précitées de l'article UB 3 du règlement du POS, compte tenu du projet décrit au point 1. Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 3 du règlement du POS.
7. Dans ces conditions, la mention erronée du dossier de demande d'autorisation selon laquelle la SCI Guédino bénéficiait d'une servitude de passage sur la voie en cause n'a pas été de nature à vicier l'appréciation portée par le maire, dès lors que la pétitionnaire bénéficie d'un droit d'usage sur ce chemin d'exploitation ainsi qu'il a été dit au point 6 ni à caractériser l'existence d'une fraude laquelle, en tout état de cause, n'a pas à être démontrée au soutien de conclusions en annulation d'un permis de construire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme D... dirigées contre la commune de Beaulieu-sur-Mer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Beaulieu-sur-Mer et la somme de 1 500 euros à verser à la SCI Guédino en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera à la commune de Beaulieu-sur-Mer et à la SCI Guédino une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à la SCI Guédino et à la commune de Beaulieu-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2021.
Le rapporteur,
Signé
I. B...La présidente,
Signé
L. HELMLINGER
La greffière,
signé
D. GIORDANO
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 19MA00612
hw