Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté, en date du 18 novembre 2020, par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2003225 du 25 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, M. D..., représenté par
Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 25 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2020, par lequel le préfet de Var lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- en se fondant sur le 1° de l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obliger à quitter le territoire, le préfet du Var a commis une erreur de droit ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle, méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales et celles du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- le préfet du Var a fait une application erronée des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa décision n'est pas suffisamment motivée ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne se prévalait d'aucune circonstance humanitaire justifiant qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée.
La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2021, le rapport de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 1er avril 1990, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Var du 18 novembre 2020 avril lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, et portant interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée d'un an.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". La circonstance que M. D... justifierait résider habituellement en France depuis 2011, n'est pas de nature à établir qu'il y serait entré régulièrement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en se fondant sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var aurait commis une erreur de droit ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, à supposer que M. D... ait entendu se prévaloir de la violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la possibilité d'une délivrance d'une carte de séjour temporaire pour motif humanitaire ou exceptionnel par l'autorité administrative, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement attaquée qui n'est pas prise sur ce fondement, alors que M. D... n'a pas demandé la délivrance d'un tel titre de séjour.
4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
5. Ainsi que l'a relevé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon, les pièces produites par M. D... pour établir la durée de sa résidence en France depuis 2011 sont peu nombreuses pour chacune des années. A supposer même que certaine de ces pièces établissent la présence de l'intéressé en France au moment où elles lui ont été délivrées, elles ne sont pas de nature à établir l'existence d'une résidence habituelle, alors, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'intéressé a résidé en Italie où il a déclaré lors d'une audition par les services de police en 2017, y disposer d'un logement et d'un contrat de travail. Par ailleurs, le requérant, qui est célibataire, ne justifiait pas d'attaches particulières en France à la date de la décision attaquée. L'action en reconnaissance de paternité relative à l'enfant de son ancienne compagne, qu'il avait engagée à cette date, n'avait pas abouti. Enfin, le requérant ne conteste pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine où, comme il l'a mentionné lui-même lors de son audition par les services de police, vivent ses parents ainsi que ses frères et soeurs. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés, de même que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
6. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a engagé une procédure en reconnaissance de paternité concernant l'enfant de son ex-compagne. Par un jugement avant-dire droit du 7 février 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a ordonné une expertise nécessitant des prélèvements, afin de déterminer si M. D... est le père de cet enfant. M. D... indique avoir dès à présent consigné la somme de 800 euros à cet effet. Une somme supplémentaire de 100 euros lui a été demandée par une ordonnance du 2 juillet 2020. Cette expertise n'avait pas été pratiquée à la date de la décision attaquée. Dans ces circonstances, M. D... doit être regardé comme invoquant des circonstances exceptionnelles justifiant que, nonobstant l'absence de délai de départ volontaire assortissant la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, aucune interdiction de retour ne soit prononcée. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point, il est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Var, lui faisant interdiction de retour pour une durée d'un an et à demander l'annulation du jugement du 25 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon dans cette mesure, et de la décision du préfet du Var prononçant une interdiction de retour pour un an à son encontre.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. D... non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Var du 18 novembre 2020 est annulé en tant qu'il prononce une interdiction de retour pour un an à l'égard de M. D....
Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 25 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 500 euros à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République, près le tribunal judiciaire de Toulon.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président,
- Mme Simon président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
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N°2004501