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09/04/2021 | FRANCE | N°19MA01582

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 09 avril 2021, 19MA01582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle le directeur général l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale et forfaitaire prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, la décision du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII qui a rejeté son recours gracieux formé le 10 juin 2017 et le titre de perception émis le 28 juin 20

17.

Par un jugement n° 1704561 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle le directeur général l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale et forfaitaire prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, la décision du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII qui a rejeté son recours gracieux formé le 10 juin 2017 et le titre de perception émis le 28 juin 2017.

Par un jugement n° 1704561 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, sous le n° 19MA01582, M. B..., représenté par Me F... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 19 mai 2017 ;

3°) de le décharger du paiement de la contribution spéciale et forfaitaire prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée viole les dispositions de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les droits de la défense ;

- elle viole le principe du droit à un procès équitable ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ;

- la matérialité de l'infraction définie à l'article L. 8251-1 du code du travail n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 12 mars 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale et forfaitaire prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, de la décision du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII qui a rejeté son recours gracieux formé le 10 juin 2017 et du titre de perception émis le 28 juin 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". Le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du code précité, dans sa rédaction applicable à la date des manquements relevés à l'encontre de M. B... : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. ".

3. Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ". Selon l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...). ". En outre, aux termes de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...). ".

4. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. D'ailleurs, l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier notifié le 4 janvier 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé M. B... que, lors d'un contrôle effectué le 28 juillet 2016, les services de police de l'Hérault ont constaté qu'il avait employé un travailleur démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, qu'il était donc susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et qu'il disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. M. B... a présenté ses observations par deux courriers des 5 et 11 janvier 2017. Par ailleurs, à sa demande, le procès-verbal du 28 juillet 2016 par lequel les services de police ont auditionné l'étranger concerné lui a été transmis le 10 janvier 2017. Ce procès-verbal d'audition mentionne les propos de M. A. selon lesquels M. B... l'a hébergé gratuitement de 2008 à 2013, qu'il savait qu'il était en situation irrégulière, le requérant s'étant occupé de lui lorsqu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2006 et, qu'à sa demande, il a refait la cuisine et effectué des travaux de peinture dans son appartement, ainsi que d'autres interventions de réparations dans les autres appartements de l'appelant. Dans ces conditions, M. B... a été informé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mis à même d'avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus à son encontre, le mettant à même de présenter utilement des observations en défense alors même qu'aucune date, jour et horaire de travail seraient précisées dans le procès-verbal précité. Par suite, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a méconnu ni le principe général des droits de la défense, ni, en tout état de cause, s'agissant d'une procédure administrative, celui du droit à un procès équitable.

6. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu celles de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

7. Par ailleurs, l'emploi d'un travailleur étranger suppose l'existence d'un travail subordonné, lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements. Un tel emploi ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni, le cas échéant, de la dénomination qu'elles auraient pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur étranger.

8. Il résulte de l'instruction et notamment des énonciations circonstanciées et concordantes des procès-verbaux d'audition de M. A., ressortissant béninois, établis les 28 juillet et 28 septembre 2016, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce dernier, trouvé au domicile de M. B... à l'occasion d'une perquisition pour une autre affaire, a déclaré aux services de police avoir été hébergé depuis plusieurs années par M. B... dans l'un de ses appartements et y avoir effectué divers travaux de plomberie, d'électricité et de peinture pour son compte en contre partie de son hébergement et de paiements en espèces. Les circonstances que M. A... ait commis des approximations dans les périodes de travail et la fréquence des travaux et qu'il ne possèderait aucune compétence particulière pour la plomberie, l'électricité ou la peinture sont sans incidente sur la matérialité de ces faits. Par ailleurs, il résulte du procès-verbal d'audition du 11 octobre 2016, que M. B... a reconnu connaître la situation irrégulière de M. A. ainsi que les travaux effectués par celui-ci dans ses appartements. Ces éléments suffisent à établir que M. A. exerçait une activité professionnelle dans des conditions traduisant l'existence, à l'égard de M. B..., d'un lien de subordination de nature à caractériser une relation de travail alors même que le requérant aurait noué avec M. A. des liens d'amitié. Par suite, l'OFII a pu légalement considérer que M. B... était l'employeur de cette personne et mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail, sans commettre d'erreur de fait.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2017 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et du titre de perception émis le 28 juin 2017.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021.

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N° 19MA01582

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01582
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-09;19ma01582 ?
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