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23/03/2021 | FRANCE | N°19MA04103

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 23 mars 2021, 19MA04103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 janvier 2014 par lequel le président de la métropole Aix-Marseille-Provence l'a radié des cadres et la décision implicite de rejet née de son recours gracieux du 11 mai 2016, et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation, ainsi que de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi tiré de son éviction illégale.

Par un jugement n° 1

607408 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 janvier 2014 par lequel le président de la métropole Aix-Marseille-Provence l'a radié des cadres et la décision implicite de rejet née de son recours gracieux du 11 mai 2016, et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation, ainsi que de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi tiré de son éviction illégale.

Par un jugement n° 1607408 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 29 août 2019, le 7 septembre 2020 et le 11 février 2021, M. B... E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2014 par lequel le président de la métropole Aix-Marseille-Provence l'a radié des cadres ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet née de son recours gracieux du 11 mai 2016 ;

4°) d'enjoindre au président de la Métropole Aix-Marseille-Provence de réexaminer sa situation ;

5°) de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 60 000 euros au titre du préjudice subi tiré de son éviction illégale ;

6°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce ;

- la demande d'annulation de la décision du 27 janvier 2014 est recevable ;

- il a brutalement perdu son père le 11 mars 2013 et non en octobre 2013 comme indiqué par le tribunal ; il s'ensuit que son état dépressif, qui s'en est suivi, justifie ses absences du service ;

- il était en congé maladie au 10 janvier 2014 ; par suite, la mise en demeure du 10 janvier 2014 qui l'informe qu'il sera considéré en absence irrégulière depuis le 23 décembre 2013 et qui lui intime de reprendre ses fonctions avant le 27 janvier 2014 est illégale, dès lors qu'il est réputé ne pas avoir cessé ses fonctions pour être placé en position de congé de maladie ;

- la mise en demeure du 10 janvier 2014 n'est pas explicite quant aux conséquences qu'elle implique sur sa situation professionnelle ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'abandon de poste dès lors qu'il a fait savoir qu'il était dans l'impossibilité de reprendre son activité à raison de son état de santé connu de l'administration par la production de certificats médicaux ; il n'a pas rompu le lien qui l'unissait à l'administration ;

- la faute de l'administration dans la régularisation de sa situation administrative entraîne un préjudice financier justement évalué à la somme de 60 000 euros ainsi qu'un préjudice moral à la somme de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2020, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 septembre 2010 fixe la clôture de l'instruction au 25 septembre 2020 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 25 septembre 2020 pour la métropole Aix-Marseille-Provence n'a pas été communiqué.

Les parties ont été informées par un courrier du 3 février 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires pour tardiveté de la requête au motif que par application des articles 18, 19, et 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, la règle selon laquelle " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) " ne s'applique pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury, rapporteur,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

- et les observations de Me C... représentant M. E..., et de Me A..., substituant Me D..., représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été titularisé le 3 juillet 2012 au grade d'adjoint de 2ème classe par la métropole Aix-Marseille-Provence. Suite à son absence injustifiée du service depuis le 23 décembre 2013, l'administration lui a adressé, par lettre du 10 janvier 2014, une mise en demeure de reprendre ses fonctions avant le 27 janvier 2014. Par un arrêté du 27 janvier 2014, le président de la métropole Aix-Marseille-Provence a radié M. E... des cadres de la métropole. Celui-ci a alors formé le 21 février 2014 un recours gracieux contre cette décision, ainsi qu'un autre recours gracieux le 11 mai 2016. Il fait appel du jugement du 25 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2014 par lequel le président de la métropole Aix-Marseille-Provence l'a radié des cadres et de la décision implicite de rejet née de son recours gracieux du 11 mai 2016, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation, ainsi qu'à la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi tiré de son éviction illégale.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. E... ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des faits que les premiers juges auraient commise pour contester la régularité du jugement attaqué.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance aux conclusions d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". L'article R. 421-5 du code de justice administrative dispose : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

4. D'autre part, en vertu de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur les dispositions de l'article 19 aux termes desquelles " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception " et qui précisent que " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis(...) " ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.

5. Enfin, il résulte de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article applicable aux relations entre l'administration et ses agents en vertu de l'article 18 de la même loi, que par principe, le silence gardé par l'administration sur une demande pendant deux mois fait naître une décision implicite de rejet.

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, ainsi qu'il vient d'être dit, n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 janvier 2014 ne comporte pas les mentions des délais et voies de recours. M. E... a formé un recours gracieux contre cet arrêté le 21 février 2014, date à laquelle il est réputé en avoir eu connaissance, à défaut pour la commune d'apporter la preuve de la notification de cette décision individuelle. Cette demande n'a reçu aucune réponse. Le silence gardé par l'autorité administrative sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet, le 21 avril 2014. Par suite, le recours formé par M. E... le 11 mai 2016, après l'expiration du délai de recours de deux mois ouvert contre la décision implicite née le 21 avril 2014, n'a pas pu conserver le délai de saisine du juge administratif. Il s'ensuit que la requête introduite devant le tribunal administratif de Marseille le 14 septembre 2016, après l'expiration du délai de recours ouvert contre la décision implicite née le 21 avril 2014, est tardif. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal administratif a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la forclusion des conclusions de sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

9. Premièrement, il résulte de l'instruction que M. E..., en absence irrégulière depuis le 23 décembre 2013, a été très clairement mis en demeure, par lettre du 10 janvier 2014, de reprendre ses fonctions au plus tard le 27 janvier 2014, faute de quoi il serait réputé en situation d'abandon de poste. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé de ce qu'il encourait un licenciement pour abandon de poste.

10. Deuxièmement, l'agent en position de congé de maladie n'a pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, une lettre adressée à un agent à une date où il justifie effectivement être dans une telle position ne saurait, en tout état de cause, constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 8 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste.

11. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. E... a fait l'objet d'une première procédure d'abandon de poste en juillet 2013 qui a donné lieu à une mise en demeure de reprendre ses fonctions du 14 août 2013, puis en raison d'une autre absence en septembre 2013, d'une mise en demeure de reprendre le travail du 24 octobre 2013, et enfin , d'une troisième carence en novembre 2013 qui a nécessité l'envoi d'une mise en demeure de prise de son poste en octobre 2013, ce qui lui avait valu une sanction d'avertissement pour absence injustifiée, l'intéressé ayant expliqué ces absences par la production postérieure d'arrêts de travail médicaux. D'autre part, M. E... ne s'est pas présenté à son poste au 27 janvier 2014, alors qu'il avait été mis en demeure par lettre du 10 janvier 2014, de reprendre ses fonctions au plus tard à cette date, faute de quoi il serait réputé en situation d'abandon de poste.

12. Certes, M. E... a adressé un certificat médical daté du 17 février 2014 qui précise que l'intéressé " présente un état dépressif depuis octobre 2013, état qui l'a rendu incapable de s'occuper de lui-même, de poursuivre un traitement et même de s'occuper de prolonger son arrêt de travail ". Ce document rédigé par un médecin psychiatre postérieurement à la date limite de reprise de travail fixée par la lettre de mise en demeure, qui relève un état dépressif de l'intéressé à compter d'octobre 2013 alors que le requérant soutient qu'il justifie d'un état moral dégradé depuis le décès de son père, soit au 11 mars 2012 et non au 11 mars 2013 comme il l'indique, rédigé en des termes peu circonstanciés et qui ne prescrit pas un arrêt de travail à l'intéressé, fût-il rétroactif, ne suffit pas à justifier la carence de l'intéressé à faire connaître à son administration avant le 27 janvier 2014, les motifs qui le conduisaient à ne pas pouvoir reprendre son poste à cette date. Par ailleurs, si M. E... produit un arrêt de travail prolongeant le précédent jusqu'au 28 février 2014 signé du même médecin, aux mentions difficilement lisibles et qui semble accompagner le certificat précité, cet arrêt, d'une part est en contradiction avec ledit certificat qui indique que M. E... n'a pas pu prolonger son arrêt de travail, et d'autre part, n'a pas été transmis avant le 27 janvier 2014 à l'employeur, qui n'a donc pu à bon droit considérer l'intéressé en arrêt maladie. Dans ces conditions, cet arrêt de travail ne constitue pas un justificatif de nature médicale permettant d'expliquer une cause s'opposant à une reprise de contact de l'agent avec son administration. Ainsi, l'intéressé, qui ne peut être regardé en position de congé de maladie au 27 janvier 2014, qui n'a pas manifesté l'intention de ne pas rompre le lien existant entre lui et son administration, ne fait état d'aucune circonstance justifiant son absence du service au 27 janvier 2014. Dès lors, M. E... ne démontre pas que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas accueilli ses conclusions indemnitaires.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme au titre des frais exposés par la Métropole Aix-Marseille-Provence et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Métropole Aix-Marseille-Provence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et à la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

N° 19MA04103 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04103
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-23;19ma04103 ?
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