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18/03/2021 | FRANCE | N°20MA01380

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20MA01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 octobre 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ainsi que la décision du 11 février 2019 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902847 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mar

s 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 octobre 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ainsi que la décision du 11 février 2019 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902847 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision préfectorale du 31 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser l'introduction en France de son épouse dans un délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de ressources stables et suffisantes ;

- la circulaire du 17 janvier 2006 invite les préfets à prendre en compte, au titre de l'appréciation des ressources dans le cadre du regroupement familial, des formes de plus en plus courantes de salariat, comme les contrats à durée déterminée, les contrats d'intérim ou de travail temporaire, qui doivent être examinées au cas par cas ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ont également été méconnues.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant marocain, né le 9 décembre 1991, est entré en France en 2006 et bénéficie d'une carte de résident depuis sa majorité en 2009. Il a présenté, le 19 février 2018, une demande de regroupement familial au bénéfice de Mme C... F..., qu'il a épousée au Maroc le 16 octobre 2017, laquelle demande a été rejetée par décision du 31 octobre 2018. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 février 2020 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des dispositions des articles R. 613-1 et suivants du code de justice administrative que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2. Toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte, après l'avoir visé et, cette fois, analysé, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. M. D... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, il résulte des écritures de première instance qu'un tel moyen n'avait été soulevé que dans le mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 2 février 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, par une ordonnance du 5 novembre 2019, au 5 décembre 2019, alors que rien ne faisait obstacle à ce que le requérant invoquât ce moyen avant cette clôture. Ce mémoire ne contenant aucun élément obligeant le juge à rouvrir l'instruction, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne rouvrant pas l'instruction et, partant, en s'abstenant de statuer sur ce moyen.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle se prononce sur une demande de regroupement familial, l'autorité compétente doit, pour apprécier la condition de ressources, se fonder sur le montant des ressources du demandeur mais aussi sur leur stabilité.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision du 31 octobre 2018 en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'autoriser le regroupement familial sollicité par M. D... en faveur de son épouse, également de nationalité marocaine, au motif que si le montant de ses ressources, calculé sur les douze mois précédant sa demande de regroupement familial, soit entre février 2017 et janvier 2018, était suffisant, il ne justifiait pas, en revanche, de ressources stables dès lors que celles-ci étaient issues d'un contrat à durée déterminée conclu avec la Poste, auquel le requérant a mis fin en mars 2018 avant de débuter une activité de vente de véhicules d'occasion sous le statut d'auto-entrepreneur sans être en mesure de produire les justificatifs de ressources relatifs à cette nouvelle activité.

6. Pour justifier de ressources stables à la suite de la rupture du contrat de travail précité, M. D... se réfère comme en première instance à l'attestation fiscale de l'URSSAF relative au résultat comptable de son activité d'auto-entrepreneur au titre de l'année 2018 qui fait apparaître un montant de recettes de 13 750 euros, laquelle est insuffisante pour déterminer le revenu effectivement perçu par l'intéressé au titre de cette activité pendant la période d'avril à octobre 2018, date de la décision litigieuse. Si l'intéressé produit également, en première instance comme en appel, son avis d'impôt sur les revenus de l'année 2018 qui fait mention d'un montant d'impôt nul, ainsi que l'attestation fiscale de l'URSSAF s'agissant du résultat comptable de l'année 2019 faisant figurer un montant de recettes de 19 650 euros, de telles pièces ne sont pas davantage de nature à établir la stabilité de ses ressources à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation que le préfet a pu retenir le seul défaut de stabilité des ressources de l'intéressé à la date de sa décision, pour refuser d'accorder le regroupement familial sollicité.

7. M. D... ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire interministérielle du 17 janvier 2006, qui invite les préfets à prendre en compte au titre de l'appréciation des ressources dans le cadre du regroupement familial, des formes de plus en plus courantes de salariat, comme les contrats à durée déterminée, les contrats d'intérim ou de travail temporaire, qui doivent être examinées au cas par cas, dès lors que cette circulaire est dépourvue de caractère réglementaire.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une des conditions requises tenant aux ressources, au logement ou à la présence anticipée d'un membre de la famille sur le territoire français, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. D'une part, contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des termes mêmes de la décision du 31 octobre 2018 que le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas uniquement fondé sur l'absence de stabilité des ressources du demandeur au regard de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais a procédé à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la situation personnelle et familiale de l'intéressé au regard du droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à un tel examen.

11. D'autre part, si M. D... soutient qu'il vit en France depuis l'âge de quatorze ans en compagnie des membres de sa famille y résidant en situation régulière depuis de nombreuses années, il ne justifiait, à la date de la décision attaquée, d'aucune communauté de vie avec son épouse avec laquelle il était marié seulement depuis octobre 2017. Dans ces conditions, en refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de cette dernière, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. D..., ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme H..., présidente assesseure,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

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N° 20MA01380

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01380
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : AHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-18;20ma01380 ?
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