Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de sa destination, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 1905828 en date du 13 décembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ; la motivation est erronée dès lors qu'elle comporte une erreur manifeste de fait ; ni sa situation personnelle ni la durée de sa présence sur le territoire national n'ont été prises en compte ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et qu'il n'a pas pris en compte toutes les pièces du dossier et ne l'a pas mis en mesure de présenter ses observations préalables à l'intervention de l'arrêté contesté ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il remplissait les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour du fait de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux objectifs de la directive retour ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'y a pas de risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement et qu'il justifie de garanties de représentation ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée au regard des quatre critères posés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des critères cumulatifs visés par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... B... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 26 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tunisienne, né le 12 juillet 1989, relève appel du jugement du 13 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 novembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de sa destination, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Sur les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier et des termes de l'arrêté attaqué, que celui-ci a été pris à la suite de l'interpellation de M. A... B..., sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il se maintenait irrégulièrement sur le territoire français.
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police... ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose en outre que : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
4. En premier lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le premier juge, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas fait un examen complet de la situation de l'intéressé, eu égard aux éléments dont il disposait.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition du 29 novembre 2019 réalisé par un officier de police judiciaire, qu'à la suite de son interpellation le jour même et de son placement en garde à vue, M. A... B... a été informé de la possibilité qu'une procédure administrative d'obligation de quitter le territoire soit diligentée à son encontre et a été, en conséquence, invité à présenter ses observations sur une telle éventualité. Il a, en outre, été interrogé sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches avec son pays d'origine, sa date d'entrée en France et ses conditions de résidence et moyens d'existence dans ce pays. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... doit être regardé comme ayant eu la possibilité, lors de cette audition, de faire valoir tout élément utile susceptible d'influer sur l'obligation de quitter le territoire qui lui a été notifiée.
6. En troisième lieu, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au seul motif d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans. En conséquence, le préfet a pu légalement prendre à l'encontre de l'intéressé un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, en se fondant sur le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire français, sans consulter préalablement la commission du titre de séjour, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès qu'il n'est pas établi qu'il était saisi, de la part de l'intéressé, d'une demande de titre de séjour.
7. Enfin, si M. A... B... invoque les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise quant aux conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 10 de son jugement dès lors que le requérant ne fait état devant la Cour d'aucun élément distinct sur sa situation personnelle et familiale de ceux qui avaient été précédemment soumis au magistrat désigné de première instance.
Sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire :
8. Les moyens invoqués par M. A... B... tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué sur ce point et de l'incompatibilité des dispositions du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 10 à 13 de son jugement.
9. Si le requérant fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, il dispose d'une résidence effective et permanente et travaille dans une agence d'intérim en qualité d'ouvrier polyvalent, il ne remet pas en cause le bien-fondé des autres circonstances selon lesquelles il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'édiction d'une décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 17 septembre 2018, il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire, qui justifient, sur le fondement de ces dispositions, le refus du préfet de lui laisser un délai de retour volontaire.
Sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision d'interdiction de retour :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
11. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite ces dispositions et précise dûment, d'une part, qu'une interdiction de retour est prononcée à l'encontre de M. A... B... dès lors qu'il est obligé de quitter le territoire sans délai et indique les raisons pour lesquelles cette interdiction est prononcée pour une durée de deux ans. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, sur ce point, doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si l'ensemble de ces conditions étaient réunies pour justifier le prononcé d'une mesure d'interdiction de retour.
13. En troisième lieu, en l'absence de justifications précises et circonstanciées sur l'ancienneté, la réalité et la stabilité des liens qui l'unissent au territoire français, alors même que M. A... B... soutient être présent en France depuis 2009, cette décision ne peut être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ou comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'allocation à son conseil de frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1 : La requête présentée par M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Me G... et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.
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N° 20MA00130
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