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18/03/2021 | FRANCE | N°19MA04912

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 18 mars 2021, 19MA04912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le directeur du centre hospitalier de Perpignan a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie de l'épaule gauche et d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale.

Par un jugement n° 1804561 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, enjoint au centre hospitalier de Perpignan de reconnaître l'imputabilité au ser

vice de la pathologie de Mme A... à compter du 13 septembre 2016 dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le directeur du centre hospitalier de Perpignan a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie de l'épaule gauche et d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale.

Par un jugement n° 1804561 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, enjoint au centre hospitalier de Perpignan de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... à compter du 13 septembre 2016 dans un délai de deux mois à compter de sa notification et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2019 et le 26 août 2020, le centre hospitalier de Perpignan, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer et Associés, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 26 juillet 2018 et lui a enjoint dans un délai de deux mois de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... à compter du 13 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande présentée devant le tribunal n'était pas recevable dès lors que la décision contestée est confirmative de deux précédentes décisions des 2 novembre 2016 et 27 juillet 2017 devenues définitives et que le second recours gracieux n'a pas eu pour effet de proroger à nouveau le délai de recours contentieux ;

- l'imputabilité au service de la pathologie présentée par Mme A... n'est pas établie, notamment en l'absence d'explication médicale de la disparition des calcifications de l'épaule gauche ;

- les moyens soulevés en première instance par Mme A... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin et 22 septembre 2020, Mme A..., représentée par la SCP Becque, Dahan, Pons-Serradeil, B..., Levy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de Perpignan la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée devant le tribunal n'était pas tardive, dès lors que la décision contestée ne constitue pas une décision confirmative des décisions des 2 novembre 2016 et 27 juillet 2017 compte tenu de l'existence de circonstances de fait et de droit nouvelles ;

- l'arrêté du 26 juillet 2018 est entaché d'un vice de procédure ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le centre hospitalier s'est cru en situation de compétence liée au regard des avis émis par la commission de réforme ;

- l'imputabilité au service de la tendinopathie de l'épaule gauche est établie par les deux contre-expertises.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le centre hospitalier de Perpignan, et de Me B..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Perpignan relève appel du jugement du 3 octobre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le directeur du centre hospitalier de Perpignan a rejeté la demande présentée par Mme A..., aide-soignante, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de la tendinopathie qu'elle présente à l'épaule gauche au service et lui a enjoint de reconnaître cette imputabilité au service à compter du 13 septembre 2016, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal :

2. Une décision dont l'objet est le même que celui d'une décision antérieure revêt un caractère confirmatif dès lors que ne s'est produit entretemps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande présentée le 21 janvier 2016 par Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, de l'expertise médicale diligentée par le centre hospitalier ayant conclu, le 22 juillet 2016, que les soins et arrêts de travail relevaient du régime de la maladie ordinaire et de l'avis défavorable de la commission de réforme du 27 octobre 2016, le directeur du centre hospitalier de Perpignan a refusé par des arrêtés des 2 novembre 2016 et 13 septembre 2017 de reconnaitre l'imputabilité au service de cette pathologie. Contrairement à ce qui est soutenu par le centre hospitalier de Perpignan, la décision contestée, qui ne constitue pas le rejet d'un recours gracieux mais celui d'une nouvelle demande, ne présente pas un caractère purement confirmatif des décisions des 2 novembre 2016 et 13 septembre 2017 en raison du changement de circonstances de fait et de droit tenant à la réalisation de deux nouvelles expertises par des médecins différents ayant conclu que la tendinopathie chronique de l'épaule gauche de Mme A... répondait aux critères de prise en charge de la maladie professionnelle et à l'intervention d'un nouvel avis de la commission de réforme le 28 juin 2018. Ainsi, la demande dont Mme A... a saisi le tribunal administratif de Montpellier le 19 septembre 2018 n'était pas tardive.

Sur la légalité de la décision du 26 juillet 2018 :

4. D'une part, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituent une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Par ailleurs, le IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'ordonnance du 19 janvier 2017 entrée en vigueur le 21 janvier 2017 dispose que : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) ".

5. Les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi modifiée du 13 juillet 1983 sont d'application immédiate, en l'absence de dispositions contraires. Elles ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de nonrétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle la maladie a été diagnostiquée.

6. Le 21 janvier 2016, date à laquelle la pathologie de Mme A... a été diagnostiquée, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière qui demandaient le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

7. D'autre part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des deux rapports d'expertise établis à la demande de Mme A... par un médecin agréé, que la fonction d'aide-soignante qu'elle exerce consiste en des manipulations régulières de personnes âgées grabataires et impose le port de charges, la manutention de cartons, la manipulation de palettes et le déchargement de matériel, ce qui entraîne une sollicitation intense des épaules. Ces deux expertises, dont les conclusions sont concordantes sur l'origine professionnelle de la tendinopathie chronique de l'épaule gauche dont souffre Mme A..., bien que celle-ci soit droitière, ne sont valablement remises en cause ni par les deux avis produits devant la cour par le centre hospitalier de Perpignan, qui ne sont pas circonstanciés, ni par les avis antérieurs contraires de la commission de réforme, et ce alors qu'il ressort également des pièces du dossier que la prise en charge médicale par kinésithérapie et traitement par ondes de choc ont pu permettre la fragmentation ou la dissolution des calcifications de l'épaule gauche par ramollissement de celles-ci et, par suite, entrainer la diminution ou la disparition de la pathologie en cause favorisée par ailleurs par la cessation des fonctions. Il suit de là que cette pathologie est en lien direct et certain avec les conditions de travail de l'intéressée au sein de l'établissement de soins. Dès lors, en ne reconnaissant pas l'imputabilité de cette maladie au service, le directeur du centre hospitalier de Perpignan a commis une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Perpignan n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel son directeur a refusé de reconnaître que la pathologie dont est atteinte Mme A... était imputable au service.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

11. En égard au motif d'annulation de la décision contestée, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Perpignan de reconnaître, dans un délai de deux mois, l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., à compter du 16 janvier 2016, date à laquelle a été diagnostiquée cette pathologie, et non à partir seulement du 13 septembre 2016 comme l'ont retenu à tort les premiers juges.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le centre hospitalier de Perpignan demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais exposés par Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Perpignan est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Perpignan de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... à compter du 16 janvier 2016 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Perpignan versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Perpignan et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

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N° 19MA04912


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