Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) KBMS Patrimoine a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estime disposer au titre de la période du 5 mai au 31 décembre 2014, d'un montant de 21 167 euros.
Par un jugement n° 1608007 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 29 avril 2019 et le 24 juin 2019, la SCI KBMS Patrimoine, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2019 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estime disposer au titre de la période du 5 mai au 31 décembre 2014 à concurrence d'un montant de 20 334 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, contrairement à ce qu'ont estimé l'administration et les premiers juges, elle justifie bien de ce que les factures émises par la SARL Colombus Ingénierie et Design et par l'entreprise PJR Patrick Garcia ont fait l'objet d'un paiement effectif à hauteur respectivement de 172 212 euros et 31 026 euros, soit par elle-même, soit par son gérant depuis son compte bancaire personnel ;
- la circonstance que certaines de ces factures auraient été réglées par son gérant ne fait pas obstacle à la possibilité pour elle de déduire les montants de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'ensemble de ces factures, dès lors que, s'agissant des prestataires de service, la taxe est exigible chez le bénéficiaire à l'encaissement du prix, ce qui est le cas de ces factures, qui sont toutes libellées à son nom et concernent la rénovation de l'immeuble litigieux ;
- elle produit également les écritures comptables dûment rectifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la SCI KBMS Patrimoine.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la société KBMS Patrimoine.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI KBMS Patrimoine a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, ayant remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur diverses factures émises par des prestataires, a admis partiellement, à hauteur de 18 527 euros, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 39 694 euros, dont elle avait entendu bénéficier lors du dépôt, le 22 octobre 2015, de sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'année 2014. La SCI KBMS Patrimoine relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2019 en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 20 334 euros.
Sur la charge de la preuve :
2. La procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66, 3° du livre des procédures fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'ils sont tenus de souscrire en leur qualité de redevables de cette taxe. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 5 mai au 31 décembre 2014 dont la déclaration a été déposée hors délai le 22 octobre 2015, a été déterminée selon la procédure de taxation d'office, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige pèse sur la société requérante.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
3. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 2. La taxe est exigible : (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ". Aux termes de l'article 208 de l'annexe II à ce code : " I. -Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. / II. - Lorsque, sur une déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K ".
4. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause, à hauteur de la somme de 21 167 euros, le caractère déductible d'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des prestations de services facturées par la SARL Colombus Ingénierie et Design et l'entreprise PJR Patrick Garcia pour la réalisation des travaux de rénovation d'un immeuble acquis le 22 juillet 2014 par la SCI KBMS Patrimoine. Le service vérificateur, après avoir relevé les nombreuses anomalies entachant la comptabilité de cette SCI, qui ne disposait d'aucun " compte fournisseur " ni d'aucun compte " client ", a en effet constaté que la taxe sur la valeur ajoutée portée en déduction se rapportait, en partie, à des prestations de service pour lesquelles aucun règlement n'avait été enregistré en comptabilité ni retrouvé sur les relevés bancaires de la société.
En ce qui concerne les prestations de services facturées par la SARL Colombus Ingénierie et Design :
5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures d'acomptes " E... 1 " et " E... 3 " établies le 6 juillet 2014 et le 2 novembre 2014 par la SARL Colombus Ingénierie et Design, d'un montant respectif toutes taxes comprises de 80 000 euros et de 30 000 euros, au motif que le règlement effectif de ces sommes par la société n'était pas justifié. Comme en première instance, la SCI KBMS Patrimoine fait valoir que ces deux acomptes ont été payés directement par son associé, M. C... E..., les 6 août et 2 octobre 2014, par la remise de deux chèques, ainsi que cela résulte des relevés de compte bancaire personnel de cet associé.
6. Toutefois, et d'une part, s'agissant de la facture de 30 000 euros, le règlement opéré à la société prestataire par l'associé par le biais d'un chèque émis de son compte bancaire joint au CIC Avignon République est, ainsi que le relève l'administration, intervenu le 2 octobre 2014, soit un mois avant l'émission de la facture correspondante, le 2 novembre 2014. Ce paiement étant antérieur à l'émission de la facture, il ne peut être rattaché à celle-ci. A cet égard, si la requérante produit le devis établi par le fournisseur le 29 mai 2014 portant sur un montant total de 178 200 euros payable en trois fois, soit 30 % à la commande, 30 % en milieu de chantier et le solde à réception, et indique que les parties se sont accordées sur un calendrier différent, cette circonstance ne permet pas de relier ce paiement à la facture concernée.
7. D'autre part, s'agissant de la facture de 80 000 euros, les pièces produites permettent de justifier de son paiement par M. E..., la somme ayant été débitée du compte personnel de M. et Mme E... le 6 août 2014 et comptabilisée au crédit du compte " client " de la SCI dans les écritures de la SARL Colombus Ingénierie et Design à la même date, ainsi que sur son compte bancaire. Cependant, aucune écriture dans la comptabilité de la SCI ne permettait, au moment du contrôle, de faire ressortir ce paiement, en méconnaissance des obligations qui pèsent sur les assujettis et prévues, notamment, à l'article 286 du code général des impôts, si bien qu'aucun lien ne pouvait être fait entre le paiement effectué par M. E... et la SCI qui a bénéficié des prestations délivrées par le fournisseur.
En outre, les pièces versées au dossier, y compris, les pièces comptables, notamment les extraits du grand livre général pour l'exercice clos au 31 décembre 2014, produites pour la première fois en appel et qui sont éditées sous mode brouillard, lequel n'est pas définitif et ne revêt donc pas un caractère probant, ne permettent pas de justifier que l'associé a réglé pour le compte de sa société ces dépenses. En tout état de cause, cette production tardive ne permet pas de démontrer qu'au titre de la période en litige, la société avait effectivement supporté les dépenses correspondantes, lui ouvrant droit, en sa qualité d'assujettie, à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses. Au surplus, le montant inscrit le 6 juillet 2014 au crédit du compte 455 " associés-comptes courants " intitulé " acompte Colombus ", ainsi qu'au crédit, puis, au débit du compte " Fournisseurs " dans les écritures de la SCI KBMS Patrimoine est de 85 000 euros, lequel ne correspond pas à celui de la facture en litige, qui est de 80 000 euros.
8. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré qu'en l'absence de règlement effectif par cette dernière, la société ne pouvait prétendre à la déduction des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférents aux factures d'un montant de 80 000 euros et de 30 000 euros libellées au nom de la SCI KBMS Patrimoine sur le fondement des dispositions précitées du I et du II de l'article 271 du code général des impôts et du c) du 2 de l'article 269 du même code.
En ce qui concerne les prestations de services facturées par l'entreprise PJR Patrick Garcia :
9. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification, l'administration fiscale a relevé que la SCI KBMS Patrimoine ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux acomptes de 4 000 euros et de 8 000 euros indiqués sur deux factures émises par l'entreprise PJR Patrick Garcia, lesquelles n'avaient pas fait l'objet d'un règlement dûment enregistré en comptabilité et effectivement constaté sur ses relevés bancaires.
10. Comme en première instance, la SCI KBMS Patrimoine fait valoir que ces deux acomptes ont été payés par M. E... par deux virements bancaires effectués, le 30 juillet 2014, s'agissant de la somme de 8 000 euros et, le 5 août 2014, s'agissant de la somme de 4 000 euros, ainsi que cela résulte des relevés de compte bancaire personnel de cet associé. Toutefois, et d'une part, il n'est pas contesté que ces deux acomptes indiqués sur les factures libellées au nom de la SCI KBMS Patrimoine n'ont pas été réglés effectivement par la société appelante. D'autre part, si M. E... produit, pour la première fois en appel, une attestation datée du 20 juin 2019 émanant de l'entreprise PJR Patrick Garcia reconnaissant avoir reçu paiement de ces deux acomptes par M. C... E..., aucun élément, et notamment aucune écriture comptable, ne permet de démontrer que les deux acomptes litigieux ont effectivement été réglés par l'associé pour le compte de la société requérante. A cet égard, les nouvelles pièces comptables également produites pour la première fois en appel, qui sont éditées sous mode brouillard, ne permettent pas d'en justifier. En tout état de cause, cette production tardive ne saurait démontrer qu'au titre de la période en litige, la société avait effectivement supporté les dépenses correspondantes, lui ouvrant droit, en sa qualité d'assujettie, à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses. Dans ces conditions, en l'absence de règlement effectif des deux acomptes par la société appelante, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société ne pouvait prétendre à la déduction des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférents aux factures d'un montant de 8 000 euros et de 4 000 euros libellées au nom de la SCI KBMS Patrimoine sur le fondement des dispositions précitées du I et du II de l'article 271 du code général des impôts et du c) du 2 de l'article 269 du même code.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI KBMS Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 5 mai au 31 décembre 2014 à concurrence d'un montant de 20 334 euros. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI KBMS Patrimoine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière KBMS Patrimoine et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.
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N° 19MA01960
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