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11/03/2021 | FRANCE | N°20MA02264

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mars 2021, 20MA02264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1904945 du 27 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jug

ement du tribunal administratif de Montpellier du 27 novembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfector...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1904945 du 27 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 novembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 10 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en tant que membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ou comportant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral, qui ne fait aucune référence aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni à la situation de ses enfants scolarisés en France, est entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ou à tout le moins d'une insuffisance de motivation ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1, R. 121-1, R. 121-1-2 1° et R. 121-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son concubin bénéficie d'un droit au séjour ; c'est du fait du comportement des services de police lors de son interpellation que l'administration n'a pas été pleinement informée de sa situation personnelle ; elle justifie d'une communauté de vie avec son concubin ; elle n'avait pas à apporter la preuve que le couple disposait de revenus suffisants pour se maintenir sur le territoire national sans devenir une charge excessive pour le système social national, ceci étant précisé que son concubin disposait du versement de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) qui est une allocation contributive ;

- la mesure d'éloignement contestée méconnaît l'article 10 du règlement UE n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 et l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le règlement UE n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante roumaine née en 1993, a fait l'objet d'un arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 novembre 2019 ayant rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, après avoir visé les textes dont il a fait application, notamment les articles L. 121-1 à L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles L. 511-3-1 1° et L. 511-1 II 3° f) du même code, énonce les considérations de fait concernant Mme A..., en particulier, sa date d'entrée en France, sa situation administrative et mentionne que " l'intéressée déclare vivre en concubinage et avoir quatre enfants à charge ". Ainsi, le préfet de l'Hérault, qui a pris en considération la présence des enfants de la requérante, n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation et a suffisamment motivé son arrêté, alors même qu'il ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni ne mentionne que ses enfants sont scolarisés, ce qui n'est en l'espèce pas établi, ainsi qu'il est exposé ci-après au point 9. Par suite, les moyens précités doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est (...) conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article R. 121-2-1 de ce code : " Après un examen de sa situation personnelle, l'autorité administrative peut appliquer les dispositions des articles R. 121-1 et R. 121-2 à tout ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas des 4° et 5° de l'article L. 121-1 : / 1° Si, dans le pays de provenance, il est membre de famille à charge ou faisant partie du ménage d'un ressortissant mentionné aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 121-1 ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 121-4-1 du ce code : " Les ressortissants qui remplissent l'une des conditions prévues à l'article R. 121-2-1 peuvent se voir reconnaître le droit de séjourner en France après un examen de leur situation personnelle. "

5. Il résulte de ces dispositions, issues de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, que le législateur a fait le choix de réserver le bénéfice du régime des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transposent le droit de séjourner librement sur le territoire des Etats membres prévu par la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, aux seuls conjoints, ce qui exclut notamment les personnes liées par un pacte civil de solidarité ou en situation de concubinage.

6. Si Mme A... reprend en appel le moyen tiré de ce que son concubin avec lequel elle a eu quatre enfants dispose d'un droit au séjour dès lors qu'il a travaillé en France et qu'il bénéficiait, à la date de la décision attaquée, de l'allocation de l'aide au retour à l'emploi (ARE) versée par Pôle emploi, elle ne justifie ni même ne soutient être liée à ce dernier par un contrat de mariage, ni même un partenariat enregistré équivalent au mariage conformément à la législation de l'Etat membre d'accueil au sens de la directive précitée. Elle ne saurait dès lors utilement se prévaloir d'un droit automatique au séjour sur le fondement des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 121-1 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne vise que le seul conjoint.

7. L'intéressée revendique en outre l'application des dispositions de l'article R. 121-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que l'étranger qui ne relève pas des 4° et 5° de l'article L. 121-1 précité peut toutefois se voir appliquer les dispositions de l'article R. 121-1, - soit celles réservées aux ressortissants de l'article L. 121-1 et aux membres de leur famille mentionnés à l'article L. 121-3 - si, notamment, il démontre qu'il est, " dans le pays de provenance ", un " membre de famille à charge ou faisant partie du ménage d'un ressortissant mentionné aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 121-1", après un examen de sa situation personnelle. Cependant, les dispositions du 1° de l'article R. 121-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 4, ne sauraient davantage trouver application dès lors que Mme A... ne justifie d'aucun lien de parenté avec M. C., dont elle affirme, sans toutefois l'établir par les pièces versées au dossier, être la concubine.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement UE n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait un droit au séjour en tant que travailleur migrant dans cet Etat membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle, et que le parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, est en droit de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice de ce droit, sans qu'il soit tenu de satisfaire aux conditions de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète définies dans la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004.

9. Si Mme A... soutient qu'elle a la charge de ses quatre enfants, lesquels bénéficient d'un droit au séjour en raison de leur scolarisation pendant la période au cours de laquelle leur père exerçait une activité professionnelle, elle ne produit, tant en première instance qu'en appel, aucune pièce de nature à établir la réalité de cette scolarisation. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance à la fois des dispositions précitées de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011 et des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, Mme A... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, sans pour autant apporter d'éléments nouveaux au soutien de ce dernier, qu'il y a ainsi lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier au point 8 du jugement contesté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et sa demande présentée sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 18 février 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme Féménia, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 11 mars 2021.

6

N° 20MA02264

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02264
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-11;20ma02264 ?
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