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11/03/2021 | FRANCE | N°19MA05622

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mars 2021, 19MA05622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bizcom Europe a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2011 et 30 juin 2012 résultant de la remise en cause d'un crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1703634 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a reje

té sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bizcom Europe a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2011 et 30 juin 2012 résultant de la remise en cause d'un crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1703634 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2019, la SARL Bizcom Europe, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que les travaux concernés relatifs au développement de la " plateforme Bizcom " sont bien éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche en application des dispositions de l'article 244 quater B et 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts et de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 §70 et 170, du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL Bizcom Europe.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Bizcom Europe ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Bizcom Europe, qui propose des équipements informatiques et produits logiciels, notamment en matière de gestion des commandes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, étendue jusqu'au 30 avril 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de dépenses effectuées en 2010 et 2011 dans le cadre de son projet informatique dénommé " plateforme Bizcom ". La société relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 résultant de la remise en cause de ce crédit d'impôt recherche.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

4. A cet égard, ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt en faveur de la recherche, que les dépenses exposées pour le développement de logiciels dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation desdites techniques. Des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants, ou à en développer des fonctionnalités particulières, et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.

5. La société Bizcom Europe assure la création et la commercialisation d'une solution logicielle de plateforme de communication et d'échanges, dont la fonction principale est de gérer les opérations commerciales depuis l'émission du bon de commande jusqu'à l'encaissement par le traitement et l'envoi automatisés de données et directives. Elle a déclaré, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des dépenses éligibles, selon elle, au dispositif du crédit d'impôt en faveur de la recherche et qui ont été considérées, aux termes des opérations de vérification, comme ayant concouru à des travaux effectués avec des techniques d'ingénierie existantes et relevant en conséquence du domaine applicatif n'ouvrant pas droit à ce crédit d'impôt.

6. Comme en première instance, la société appelante soutient que le projet dénommé " plateforme Bizcom " constitue une solution logicielle innovante à part entière, en permettant la gestion centralisée, en temps réel, du traitement des commandes, des documents bancaires et comptables, de la chaîne globale d'un produit entre usine et client final, des formalités douanières des différents pays de la Chine à 1'Europe pour tout type de transport, et ce, dans un langage informatique accessible par tous les opérateurs sur leur propre système d'exploitation, sans aucune conversion des données, avec un gain de temps à chaque étape. Elle affirme avoir rencontré des difficultés techniques liées à l'accès à distance et à la sécurisation des accès, ainsi qu'à la compatibilité entre les systèmes utilisés par les clients, qu'elle a surmontées en mettant au point une couche logicielle. A cet égard, elle verse, pour la première fois en appel, un " document détaillant la recherche ", qui décrit les grandes lignes de son projet de plateforme, les techniques utilisées et les innovations en résultant, mais qui, contrairement à ce qu'elle fait valoir, n'apporte pas suffisamment d'éléments techniques permettant d'établir un dépassement de l'état des techniques existantes. Elle se prévaut ensuite de l'avis du 16 août 2016 d'un expert industriel en sciences de l'ingénieur, professeur agrégé de mécanique, mandaté par ses soins, qui a conclu à l'éligibilité du projet au crédit d'impôt recherche. Cependant, si l'expert affirme que les dossiers présentés par la société recensent l'état des techniques existantes et qu'elle a dû faire face à des difficultés techniques, qu'elle a pu surmonter par des innovations, ces conclusions ne sont assorties d'aucun élément justificatif circonstancié. Si selon lui, " l'entreprise Bizcom, à travers le dossier présenté, a été en mesure de caractériser l'amélioration substantielle visée par le projet ", il ne précise ni les projets retenus ni les dépenses qui concourraient à cette amélioration substantielle et qui seraient éligibles au crédit d'impôt recherche. En outre, si la société verse un courrier des services de la préfecture de police de Paris, ce dernier se borne à indiquer que les ingénieurs de la société ont bien analysé les besoins et difficultés existantes et que " les solutions proposées par les industriels du secteur sont plus onéreuses, moins flexibles et d'un niveau technologique moins abouti ". Le courrier de la société DHL Global Forwarding (China) du 15 juillet 2016, au demeurant rédigé en anglais et non traduit, n'est pas davantage probant. Il en résulte que ni l'avis de l'expert industriel du 16 août 2016, rédigé en termes généraux, ni les courriers d'acteurs institutionnels ou économiques saluant l'efficience des solutions logicielles de la société Bizcom ne permettent d'établir que les incertitudes technologiques liées à la mise en oeuvre des différents modules et langages utilisés dans la " plateforme Bizcom " aient nécessité des travaux de recherche et de conception dépassant l'état de techniques existantes en matière de développement informatique, alors que cette plateforme existait déjà depuis l'année 2008, selon les dires non contestés de l'administration, et que différents modules logiciels équivalents pouvaient également être trouvés séparément sur le marché. Dans ces conditions, la société Bizcom Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le crédit d'impôt recherche concernant les dépenses affectées au projet " plateforme Bizcom " au titre des années 2010 et 2011.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

7. L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit que : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ". Toutefois, la société Bizcom Europe n'est pas fondée à se prévaloir des paragraphes 70 et 170 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 relatifs à la notion d'activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental, lesquels ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bizcom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 juin 2011 et 2012. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Bizcom Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bizcom Europe et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 février 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme Féménia, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.

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N° 19MA05622

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05622
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : HERISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-11;19ma05622 ?
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