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11/03/2021 | FRANCE | N°19MA03642

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mars 2021, 19MA03642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge, en droit et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014 résultant de la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts pour le secteur dit " intermédiaire " ou, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de cette cotisation suppl

émentaire en lui accordant le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article préc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge, en droit et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014 résultant de la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts pour le secteur dit " intermédiaire " ou, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de cette cotisation supplémentaire en lui accordant le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article précité pour le secteur dit " libre ".

Par un jugement n° 1706263 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour remettre en cause le bénéfice de la réduction d'impôt de 50 % dont il a bénéficié sur le fondement de l'article 199 undecies A du code général des impôts, l'administration a regardé l'année 2014 comme celle au cours de laquelle a eu lieu la rupture de l'engagement alors que, les conditions pour en bénéficier n'ayant pas été respectées dès le début de la location, l'évènement constituant la rupture de l'engagement est en réalité intervenu dès 2010 ; le délai de reprise de la réduction d'impôt, qui expirait le 31 décembre 2013, était donc prescrit en 2016 en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, lorsqu'elle lui a notifié les rectifications en litige ;

- il est fondé à se prévaloir de la documentation administrative référencée BOI-IR-RICI-80-40 du 12 septembre 2012, et notamment de son paragraphe 250.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. E....

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle sur pièces, M. E... a été informé, par une proposition de rectification du 2 novembre 2016, de la remise en cause par l'administration fiscale du bénéfice des réductions d'impôt dont il a entendu bénéficier au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, sur le fondement de l'article 199 undecies A du code général des impôts, au motif que les ressources du locataire de l'appartement dont il est propriétaire dans la commune de Saint-François en Guadeloupe excédaient le plafond autorisé pour le secteur dit " intermédiaire ". L'intéressé relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mai 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'Outre-mer (...) entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'Outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : (...) / b) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale ; (...) / 6. La réduction d'impôt est effectuée, pour (...) les investissements visés aux b, c, d, f, g et h du 2, (...) pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. (...) Pour les investissements mentionnés aux b, c et d du 2, la réduction d'impôt est portée à 50 % si les conditions suivantes sont réunies : (...) / 2° Le loyer et les ressources du locataire n'excèdent pas des plafonds fixés par décret. (...) / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités. (...) ". Aux termes de l'article 46 duodecies AG de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour l'application du 2° du 6 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, les plafonds de loyer et de ressources du locataire sont les suivants : (...) / 2. Les ressources du locataire s'entendent des revenus nets de frais professionnels qui figurent sur son avis d'imposition établi au titre des revenus de l'année précédant celle de la conclusion du bail ou, à défaut, de l'année antérieure. / Pour les baux conclus en 2013, les plafonds annuels de ressources sont les suivants : (...) Couple : 57 307 [euros] dans les départements d'Outre-mer (...) ".

4. Dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. Celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du 7 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que la méconnaissance des engagements initialement contractés par le contribuable en application du 2 de ce même article constitue le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause du droit à réduction d'impôt, à hauteur des déductions d'ores et déjà pratiquées sur l'impôt brut dû par celui-ci. Par suite, le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales court à compter de l'année où survient la méconnaissance de ces engagements et non de celle au titre de laquelle a déjà été utilisée, pour le calcul de l'impôt dû, une fraction de la réduction d'impôt.

5. Il résulte de l'instruction que M. E... a acquis le 27 avril 2010 un bien immobilier situé Louisiana Parc à Saint-François en Guadeloupe (97125), qu'il s'est engagé à mettre en location dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Il a bénéficié, au titre des années 2010 à 2014, sur le fondement de ces dispositions, de la réduction d'impôt de 50 % prévue pour la location dans le secteur dit " intermédiaire ". L'administration fiscale a toutefois constaté qu'au titre de l'année 2014, M. E... avait conclu un nouveau bail de location avec M. et Mme A., dont les ressources ne respectaient pas les conditions de plafond définies par l'article 46 duodecies AG de l'annexe III au code général des impôts, précité au point 3. Elle a en conséquence repris, au titre de l'année 2014, les réductions dont M. E... avait bénéficié de 2010 à 2014, pour un montant total de 131 163 euros. Le requérant, qui ne conteste pas que ses locataires ne remplissent pas les conditions de plafond de ressources précitées, persiste à soutenir en appel que l'année de rupture de cet engagement est en réalité l'année 2010 et que le délai de reprise de l'administration était expiré au 31 décembre 2013, ce qui faisait obstacle à la reprise de la réduction d'impôt pratiquée.

6. Cependant et d'une part, s'agissant des ressources des locataires, l'attestation d'une agence immobilière datée du 12 juin 2017, et produite pour la première fois en appel, se borne à affirmer que les locataires de l'appartement concerné dépassaient tous le plafond exigé par les dispositions fiscales, sans aucun élément justificatif à l'appui de cette allégation, de sorte que l'on ne peut en déduire que, dès l'année 2010, le contribuable n'avait pas satisfait à ses engagements. Si M. E... verse également un courrier en date du 14 novembre 2011 du responsable des ressources humaines de la société Degrémont France Assainissement, qui atteste que M. M. qui a été locataire de cet appartement, disposait d'une rémunération annuelle brute de 32 910 euros, il ressort des termes du bail conclu le 16 novembre 2011, qu'il n'occupait pas seul ce logement car les occupants mentionnés étaient M. et Mme M. et leur " famille ". En se référant au plafond de ressources tel qu'il résulte des dispositions de l'article 46 duodecies AG de l'annexe III du code général des impôts, dans sa version alors applicable pour les baux conclus en 2011 dans les départements d'Outre-mer, le plafond annuel de ressources est de 29 627 euros pour une personne seule mais de 54 797 euros pour un couple, et plus encore, si des enfants sont à charge, un seul enfant à charge portant ce plafond à 57 966 euros. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. E..., le plafond précité n'était, en l'espèce, dépassé ni en 2010 ni même en 2011. D'autre part, s'agissant de la condition relative au plafonnement des loyers, évoquée pour la première fois en appel, l'intéressé produit deux contrats de bail, l'un conclu le 15 juin 2010 et prenant effet au 20 juillet 2010 pour un loyer mensuel de 1 435 euros (soit un loyer annuel de 151 euros par m² pour une surface de 114 m²) et l'autre conclu le 16 novembre 2011 et prenant effet au 1er janvier 2012 pour un montant de 1 460 euros (soit un loyer annuel de 154 euros pour la même surface), lesquels n'excèdent pas davantage le plafond annuel de loyer, charges non comprises, fixé par les dispositions du même article, qui, pour les baux conclus dans les départements d'Outre-mer, est de 152 euros en 2010, et pour ceux conclus en 2011 de 156 euros. Par suite, M. E... n'établit pas que l'année 2010 ou 2011 constituerait celle au cours de laquelle est survenue la rupture des engagements pris concernant l'appartement concerné.

7. Il résulte en revanche de l'instruction que l'année 2014 au cours de laquelle un nouveau contrat de bail a été conclu avec M. et Mme A., dont il est constant qu'ils ne respectaient pas les conditions de plafond annuel de ressources, constitue l'année au cours de laquelle est survenue la méconnaissance de cet engagement. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont il a bénéficié de 2010 à 2014 sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts.

Sur l'invocation de la doctrine fiscale :

8. M. E..., n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative référencée BOI-IR-RICI-80-40 du 12 septembre 2012, n° 250, qui énonce que : " L'impôt sur le revenu de l'année au cours de laquelle intervient la rupture de l'engagement ou la survenance de l'événement entraînant la déchéance de l'avantage fiscal est majoré du montant total de la réduction d'impôt obtenue depuis l'origine et jusqu'à la date de cet événement. Cette remise en cause intervient dans le délai normal de reprise, soit au plus tard avant le 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle intervient la rupture de l'engagement ou survient l'événement entraînant la déchéance de la réduction d'impôt " et ne comporte ainsi aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application.

9. Il résulte de tout de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 février 2021, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.

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N° 19MA03642

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03642
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : YVANT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-11;19ma03642 ?
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