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05/03/2021 | FRANCE | N°20MA00711

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 mars 2021, 20MA00711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 juin 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de quatre mois, ainsi que l'obligation de se présenter, chaque semaine, à la préfecture de l'Hérault afin de faire constater les diligences entr

eprises pour son départ.

Par un jugement n° 1904053 du 12 septembre 2019, le m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 juin 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de quatre mois, ainsi que l'obligation de se présenter, chaque semaine, à la préfecture de l'Hérault afin de faire constater les diligences entreprises pour son départ.

Par un jugement n° 1904053 du 12 septembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, sous le n° 20MA00711, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours ;

5°) de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, Me A..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le premier juge n'a pas visé son mémoire complémentaire et n'a pas répondu aux conclusions et aux moyens soulevés par ce mémoire ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale et d'une erreur de droit ;

- elle viole les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision portant interdiction de retour d'une durée de quatre mois :

- elle est insuffisamment motivée ;

s'agissant de l'obligation d'astreinte :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la demande de suspension :

- elle présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme B... en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que par une décision du 7 février 2020, antérieure à l'enregistrement de la présente requête, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 avril 2019 rejetant sa demande d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 8 novembre 1996 et de nationalité arménienne, déclare être entrée irrégulièrement en France le 17 septembre 2018. Elle a présenté, le 18 octobre 2018, une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 29 avril 2019. Mme B... relève appel du jugement du 12 septembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de quatre mois et lui a fait obligation de se présenter, chaque semaine, à la préfecture de l'Hérault afin de faire constater les diligences entreprises pour son départ.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 29 novembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par la requérante et a admis celle-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions de sa requête tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

4. Il ressort du point 9 du jugement attaqué que le premier juge a répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dirigé contre la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours contenu dans le mémoire complémentaire enregistré le 3 septembre 2019 en estimant que, l'intéressée ayant accouché le 24 juillet 2019, elle pouvait, postérieurement à cette date, quitter le territoire français en compagnie de son enfant sans qu'il soit besoin de lui accorder un délai de départ supérieur à celui initialement fixé. En revanche, il ressort de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a omis de viser le mémoire complémentaire de la requérante et n'a pas répondu aux conclusions de ce mémoire tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement présentée sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Montpellier est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation dans cette mesure.

5. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :

6. L'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".

7. La Cour nationale du droit d'asile a, par une décision n° 19027274 du 7 février 2020, soit antérieurement à l'enregistrement de la présente requête, rejeté le recours formé par Mme B... à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2019 rejetant sa demande d'asile. Par suite, les conclusions de la requérante tendant, en application de l'article L. 743-3 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire dont elle fait l'objet, sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". L'article L. 723-2 du code précité dispose que : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; ". Selon l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code précité : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) "

9. La décision en litige, après avoir visé les textes applicables et notamment les articles L. 511-1, L. 723-2, et L. 743-1 à L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne notamment que Mme B... a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile et qu'elle ne justifie d'aucun droit de se maintenir sur le territoire. Si le préfet n'a pas explicitement mentionné, aux termes de la décision contestée, que sa demande d'asile a été traitée en procédure accélérée, en raison de sa provenance d'un pays qualifié comme étant d'origine sûre, elle en avait été dûment informée, ainsi qu'en témoigne la notice qui lui a été remise le 27 septembre 2018 lors de l'enregistrement de sa demande d'asile. L'intéressée a ainsi été mise en mesure de comprendre les motifs pour lesquels l'obligation de quitter le territoire français qui lui était imposée était fondée sur le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Par ailleurs, cette décision indique également que Mme B..., née le 8 novembre 1996 à Edjmiastin (Arménie), de nationalité arménienne, a déclarée être célibataire, sans charge de famille et être entrée en France le 17 septembre 2018, que les conséquences d'une obligation de quitter le territoire à son encontre ne paraissent pas disproportionnées par rapport au droit au respect de sa vie privée et familiale dont elle pourrait se prévaloir au titre de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à défaut pour l'intéressée d'en avoir apporté la preuve contraire et qu'elle ne démontre pas son impossibilité de regagner son pays d'origine. En outre, son article 5 prévoit que le présent arrêté abroge et remplace l'attestation de demandeur d'asile dont l'intéressée est éventuellement en possession. Ainsi, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait relatives à la situation de Mme B.... La circonstance que le préfet n'ait pas précisé l'alinéa de l'article L. 743-2 du code précité correspondant à sa situation n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme insuffisamment motivée.

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile formulée par Mme B..., ressortissante de l'Arménie, pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, statuant en procédure accélérée au titre de l'article L. 723-2 du code précité, le 29 avril 2019. Dans ces conditions, elle ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et le préfet de l'Hérault pouvait en conséquence, en application des dispositions précitées, édicter à son encontre une mesure d'éloignement le 27 juin 2019, sans qu'il soit nécessaire pour l'autorité préfectorale de prendre au préalable une décision portant retrait de son attestation de demande d'asile. Par suite, la décision en litige n'est pas dépourvue de base légale.

11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".

12. Si Mme B... produit un certificat établi par une sage-femme postérieurement à la décision contestée mentionnant qu'elle est enceinte de huit mois et que tout déplacement est contre-indiqué en raison de son état jusqu'à son accouchement prévu le 2 août 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait informé le préfet de l'Hérault de son état de grossesse. Par ailleurs, la requérante ayant accouché le 24 juillet 2019, elle n'établit pas qu'elle ne pouvait pas effectuer le voyage vers l'Arménie depuis la naissance de l'enfant. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son état de santé faisait obstacle à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

14. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

15. L'enfant de Mme B... étant né postérieurement à la décision en litige, elle ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. En tout état de cause, elle n'établit pas que le père de son enfant aurait demandé l'asile. Par suite, rien ne fait obstacle à ce que la requérante reparte avec son enfant dans son pays d'origine où sa cellule familiale pourra se reconstituer.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) / II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

17. Si Mme B... soutient que le délai de trente jours accordé par le préfet était insuffisant compte tenu du fait qu'elle était enceinte de neuf mois à la date de la décision critiquée, il ressort de ce qui a été dit au point 12 qu'elle a accouché le 24 juillet 2019, pendant le délai de trente jours en cause, et ne démontre pas qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai plus long pour rejoindre son pays d'origine. La décision en litige n'est dès lors pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

18. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.

19. Mme B... soutient qu'elle a été victime de menaces et de pressions du fait qu'elle a été témoin, en février 2016, de violences commises par le général Grigoryan contre un homme alors qu'elle coiffait son épouse à leur domicile. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir ces menaces qui n'ont d'ailleurs pas été reconnues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la Cour nationale du droit d'asile. Elles ne sont pas davantage démontrées par la production d'un avis de convocation pour interrogatoire et d'un protocole de perquisition à son domicile, établis le 5 juillet 2018 par le service d'enquête spécial de la République d'Arménie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour d'une durée de quatre mois :

20. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

21. En application des 4ème et 8ème alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

22. La décision contestée après avoir visé le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que la présence de Mme B... en France était récente, l'intéressée déclarant y être arrivée le 17 septembre 2018, qu'elle se maintenait de manière irrégulière sur le territoire depuis le 23 mai 2019, date de notification du rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, que ses liens familiaux en France n'étaient pas établis et qu'elle ne justifiait pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine. Elle mentionne aussi que Mme B... n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne constituait pas une menace à l'ordre public. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

23. Le préfet a pu légalement prononcer, à l'encontre de Mme B..., une interdiction de retour d'une durée limitée de quatre mois qui, avait, au surplus, vocation à être abrogée si elle avait respecté le délai de départ volontaire qui lui a été assigné alors même qu'elle n'aurait jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne constituerait pas une menace à l'ordre public.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de se présenter, chaque semaine, à la préfecture de l'Hérault :

24. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. / Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités d'application du présent article. ".

25. Si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 a le caractère d'une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision, qui tend à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti, concourt à la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.

26. En l'espèce, la décision contestée rappelle les termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours qui comporte les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde ainsi qu'il a été dit au point 9. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

27. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante alors que cette dernière ne l'a pas informé de son état de grossesse et qu'elle a accouché le 24 juillet 2019 postérieurement à cette décision.

28. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la demande de Mme B... tendant à la suspension de la mesure d'éloignement doit être rejetée et, d'autre part, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 juin 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

29. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par Mme B....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 septembre 2019 est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande de Mme B... tendant à la suspension de la mesure d'éloignement.

Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à la suspension de la mesure d'éloignement et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.

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N° 20MA00711

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00711
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-05;20ma00711 ?
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