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05/03/2021 | FRANCE | N°19MA02800

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 mars 2021, 19MA02800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société DPD France a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 janvier 2018, par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard a refusé de l'autoriser à procéder au licenciement de M. A... D... pour inaptitude professionnelle, ainsi que la décision du 14 août 2018 de la ministre chargée du travail qui a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision du 11 janvier 2018.

Par un jugement n° 1800772, 1804956 du 23 avril 2019

, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions des 11 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société DPD France a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 janvier 2018, par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard a refusé de l'autoriser à procéder au licenciement de M. A... D... pour inaptitude professionnelle, ainsi que la décision du 14 août 2018 de la ministre chargée du travail qui a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision du 11 janvier 2018.

Par un jugement n° 1800772, 1804956 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions des 11 janvier 2018 et 14 août 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2019, sous le n° 19MA02800, M. D..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 avril 2019 ;

2°) de confirmer la décision du 14 août 2018 du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de la société DPD France la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspection du travail de l'unité départementale du Gard était territorialement compétente pour autoriser son licenciement ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

- des postes de reclassement correspondant à ses compétences étaient disponibles au sein du groupe La Poste et de l'agence DPD France de Mauguio ;

- son inaptitude physique résulte de la dégradation de son état de santé en lien direct avec les obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives ;

- le lien entre son licenciement et son mandat représentatif est établi.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, la société DPD France, représentée par Me E... et C... conclut, à titre principal, au rejet de la requête de M. D..., à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions des 11 janvier 2018 et 14 août 2018, et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Un courrier du 10 juillet 2020 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 19 janvier 2021.

Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 10 février 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me H... représentant M. D... et de Me C... substituant Me F... représentant la société DPD France.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté le 2 juillet 2003 par la société DPD France et occupait en dernier lieu un poste de chauffeur livreur polyvalent. Il a été élu délégué du personnel, membre suppléant du comité d'établissement et délégué syndical. A la suite d'un accident du travail survenu le 28 janvier 2015, il a été déclaré inapte à son poste de travail, ainsi qu'à un poste de manutentionnaire et à tout poste, y compris administratif, dans l'entreprise. Par une décision du 21 avril 2017, l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de la société DPD France. Son recours hiérarchique a également été rejeté par une décision du 19 octobre 2017 du ministre du travail. Par deux jugements n° 1702435 et 1705933 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions. Dans l'intervalle, l'employeur a pris contact avec le médecin du travail qui a émis un nouvel avis le 17 juillet 2017 estimant que M. D... était inapte définitif au poste de chauffeur livreur polyvalent et au poste de manutentionnaire et l'a déclaré apte à un poste administratif au sein de l'entreprise ou du groupe. Le 20 novembre 2017, la société DPD France a adressé à l'unité territoriale de l'Hérault une nouvelle demande d'autorisation de licenciement de M. D... pour inaptitude. Par courrier du 22 novembre 2017, l'inspectrice du travail de cette unité territoriale a transmis la demande à l'unité territoriale du Gard. Par décision du 11 janvier 2018, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Gard a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée. La société DPD France a formé un recours hiérarchique le 21 février 2018 contre la décision de l'inspecteur du travail du 11 janvier 2018, qui a été rejeté par décision du 14 août 2018 de la ministre du travail. Par jugement du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 11 janvier 2018 de l'inspecteur du travail :

2. Aux termes de l'article R. 2421-1 du code du travail dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté, d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique interentreprises ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans les conditions définies à l'article L. 2421-3. (...) ". L'article R. 2421-10 du code précité, dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2018 issue du décret du 29 décembre 2017 relatif au comité économique et social (CSE), dispose que : " La demande d'autorisation de licenciement d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est adressée à l'inspecteur du travail dans les conditions définies à l'article L. 2421-3 ". Selon le quatrième alinéa de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 décembre 2017 susvisée, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, " (...) / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, l'établissement s'entend comme celui doté d'un comité social et économique (...) ". Aux termes de l'article 11 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 susvisée : " Les dispositions (...) de l'article L. 2421-3 (...), dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, relatives à la protection des salariés détenant ou ayant détenu des mandats de représentation du personnel, ainsi qu'aux salariés s'étant portés candidats à de tels mandats, restent applicables lorsqu'ont été mises en place, au plus tard le 31 décembre 2017, une ou plusieurs des institutions représentatives du personnel concernées par les dispositions précitées ". / Dans ce cas, les dispositions prévues aux 2°, 3° et 6° de l'article L. 2422-1 et à l'article L. 2422-2, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, restent applicables ".

3. M. D... soutient que l'inspecteur du travail du Gard serait compétent au motif que, lors des élections professionnelles de 2014, la société DPD France a regroupé les agences de Mauguio, Nîmes et Avignon pour la mise en place du comité d'établissement et du CHSCT, Nîmes ayant été choisi comme siège du comité d'établissement au regard de sa situation géographique centrale. Le siège du comité d'établissement emporterait ainsi la compétence territoriale de l'inspecteur du travail. En vertu de l'article 11 précité de l'ordonnance du 22 septembre 2017, l'article L. 2421-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2018 reste applicable aux délégués du personnel et membres du comité d'entreprise lorsque ces institutions représentatives du personnel ont été mises en place au plus tard au 31 décembre 2017. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, aucun comité social et économique (CSE) n'avait été mis en place. Par ailleurs, M. D... n'était ni membre de la délégation du personnel au CSE ni représentant de proximité mais toujours membre suppléant du comité d'établissement et délégué syndical, mandat qui n'est pas soumis à des dispositions transitoires. La compétence territoriale de l'inspecteur du travail doit en l'espèce être déterminée par les dispositions combinées des articles R. 2421-1 et L. 2421-3 du code du travail dans leur version applicable à compter du 1er janvier 2018, soit l'inspecteur du travail du lieu de travail principal du salarié. Par suite, il résulte des dispositions mentionnées au point 2 et du mandat protecteur de délégué syndical de M. D... qu'à la date de la décision en litige et non à la date de la demande d'autorisation de licenciement qui reposait sur un motif personnel lié à l'inaptitude physique de M. D..., la demande d'autorisation de licenciement le concernant devait être adressée à l'inspecteur du travail du lieu de travail principal du salarié qui était l'établissement de la société DPD France situé à Mauguio dans l'Hérault, sans qu'il soit besoin de rechercher si cet établissement disposait d'une autonomie de gestion suffisante en matière de personnel. La circonstance que M. D... exerce un mandat de membre suppléant du comité d'établissement sur Nîmes est par suite sans incidence. Dès lors, l'inspecteur de l'unité territoriale du Gard n'était pas territorialement compétent pour prendre la décision contestée.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 14 août 2018 de la ministre du travail :

4. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) ".

5. Lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

6. Cependant, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision.

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la ministre du travail, saisie du recours hiérarchique de la société DPD France à l'encontre de la décision du 11 janvier 2018 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard, a commis une erreur de droit en estimant que ce dernier était compétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. D... et aurait dû ainsi annuler cette décision puis se prononcer de nouveau sur la demande de la société DPD France dans les conditions mentionnées au point 5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le second motif tiré du non-respect de l'obligation de reclassement retenu par la ministre du travail, la décision contestée doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 11 janvier 2018. Les autres moyens soulevés par M. D... tirés du lien entre son inaptitude et les obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives et du lien entre la procédure de licenciement et ses mandats, doivent dès lors être écartés comme inopérants.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions des 11 janvier 2018 et 14 août 2018.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société DPD France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société DPD France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société DPD France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la société DPD France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.

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N° 19MA02800

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02800
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DE RUDNICKI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-05;19ma02800 ?
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