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18/02/2021 | FRANCE | N°19MA03657

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 18 février 2021, 19MA03657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702746 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 2 janvier 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cou

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1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2019 ;

2°) de prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702746 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 2 janvier 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.

Il soutient que :

- c'est à tort que le service a justifié le rehaussement sur le fondement du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts qui ne vise que le produit résultant de la " première cession " à titre onéreux d'un même usufruit temporaire dès lors qu'il a cédé simultanément, par un acte unique, l'usufruit temporaire et la nue-propriété du bien immobilier en litige ; il n'est donc plus en mesure de céder à nouveau l'usufruit temporaire ;

- l'administration, dans la décision de rejet de sa réclamation, a fait application d'une doctrine administrative illégale ;

- les dispositions du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité devant la loi consacré aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- ces dispositions sont également non-conformes à l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à l'article 14 de cette convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement du président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte notarié du 17 décembre 2012, M. A... a cédé l'usufruit temporaire d'un bien immobilier situé à Aix-en-Provence à la société ML Management pour une durée de treize ans, moyennant le prix de 86 480 euros ainsi que la nue-propriété du même bien à M. et Mme D..., associés de la société, moyennant le prix de 101 520 euros, soit une valeur totale pour le bien immobilier de 188 000 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations d'impôts sur le revenu de M. A... au titre de l'année 2012, l'administration a informé l'intéressé, par une proposition de rectification du 8 décembre 2015, de l'imposition, dans la catégorie des revenus fonciers, du produit de la cession de l'usufruit temporaire cédé à titre onéreux au profit de la société précitée en application des dispositions du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 5.1. Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé. Lorsque l'usufruit temporaire cédé porte sur des biens ou droits procurant ou susceptibles de procurer des revenus relevant de différentes catégories, le produit résultant de la cession de cet usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposable dans chacune de ces catégories à proportion du rapport entre, d'une part, la valeur vénale des biens ou droits dont les revenus se rattachent à la même catégorie et, d'autre part, la valeur vénale totale des biens ou droits sur lesquels porte l'usufruit temporaire cédé. 2. Pour l'application du 1 du présent 5 et à défaut de pouvoir déterminer, au jour de la cession, une catégorie de revenus, le produit résultant de la cession de l'usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposé : a) Dans la catégorie des revenus fonciers, sans qu'il puisse être fait application du II de l'article 15, lorsque l'usufruit temporaire cédé est relatif à un bien immobilier ou à des parts de sociétés, groupements ou organismes, quelle qu'en soit la forme, non soumis à l'impôt sur les sociétés et à prépondérance immobilière au sens des articles 150 UB ou 244 bis A ".

3. Il résulte de ces dispositions que le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire est imposable au nom du cédant dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré et que leur champ d'application recouvre toutes les premières cessions à titre onéreux d'un même usufruit pour une durée explicitement déterminée entre les parties à l'acte de cession. Ainsi, qu'il a été dit au point 1, par un acte authentique du 17 décembre 2012, M. A... a réalisé une première cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire au sens et pour l'application des dispositions de l'article 13 du code général des impôts. Ainsi, cette cession entre dans le champ d'application de ces dispositions alors même que le requérant a cédé concomitamment l'usufruit temporaire du bien à la société ML Management et la nue-propriété à un second cessionnaire. En outre, la double circonstance que les dispositions en litige procèdent de l'intention du législateur de lutter contre les montages visant à éluder 1'impôt sur les plus-values ou 1'abus de droit, et visent la lutte contre les stratégies d'optimisation fiscale et le rétablissement de la réalité économique de ce type d'opération en matière de taxation, ne fait pas obstacle à la taxation de l'opération réalisée par M. A..., alors même qu'elle ne constituerait pas une stratégie d'optimisation fiscale, dès lors que ladite taxation résulte clairement des termes mêmes de la loi et qu'elle n'est pas en elle-même contraire à l'intention du législateur. Par suite, le moyen tiré de ce que la cession d'usufruit temporaire ainsi effectuée par M. A... à la société ML Management le 17 décembre 2012 ne serait pas imposable en application des dispositions du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. A... reprend les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt consacré aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter d'élément nouveau au soutien de ces moyens. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nîmes respectivement aux points 4 et 6 du jugement. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que le 5 de l'article 13 du code général des impôts serait contraire à la Constitution ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat partie à ce protocole additionnel de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts et taxes. L'imposition ou taxation d'une personne ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole. Toutefois, l'obligation financière née du prélèvement d'un impôt ou d'une taxe peut porter une telle atteinte si elle revêt un caractère confiscatoire ou si elle impose une charge manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

6. M. A..., en se bornant à soutenir qu'en application de cet article 1er, " toute personne a droit au respect de son droit de propriété ", ne critique pas utilement le jugement attaqué par lequel le tribunal a estimé, à bon droit, qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'imposition en litige, établie en application du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts, revêtait un caractère confiscatoire ni que le législateur, au regard de l'objectif poursuivi, aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens.

7. Enfin, la réponse ministérielle n° 18787 à M. F..., député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 16 juillet 2013, p. 7509, selon laquelle la nature et l'affectation du bien sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé ainsi que la qualité de cessionnaire sont sans incidence sur l'application des dispositions du 1 du 5 de l'article 13 du code général des impôts, n'ajoute pas à la loi fiscale dont il est fait application. Par suite, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, dans la décision de rejet de sa réclamation du 4 juillet 2017, l'administration s'est fondée sur une doctrine administrative illégale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme G..., premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2021.

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N° 19MA03657

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03657
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values immobilières.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : GALLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-18;19ma03657 ?
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