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18/02/2021 | FRANCE | N°19MA02814

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 18 février 2021, 19MA02814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Innovation Recherche Automatisme Informatique a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche qu'elle avait déclaré.

Par un jugement n° 1701352, 1800276 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté s

es demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Innovation Recherche Automatisme Informatique a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche qu'elle avait déclaré.

Par un jugement n° 1701352, 1800276 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juin 2019 et le 3 janvier 2020, la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 avril 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;

3°) de désigner un expert afin de déterminer l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses qu'elle a déclarées au titre de l'année 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire avec l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie ;

- l'éligibilité des travaux effectués par la société au régime du crédit d'impôt recherche est avérée ;

- elle justifie que les dépenses affectées aux projets non éligibles par l'expert avaient été surévaluées par rapport à celles affectées aux projets déclarés éligibles.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2019 et le 13 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme B..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement du président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique, qui propose des produits logiciels permettant de simuler le pilotage de systèmes automatisés en vue d'un apprentissage ou d'un déploiement sur site manufacturier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt recherche que la société avait déclaré au titre, notamment, de l'exercice 2012. La SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 et qui est consécutive à la remise en cause des dépenses de crédit d'impôt recherche qu'elle avait déclarées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. (...) ". Aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre, dans sa rédaction applicable : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. (...) ".

3. Si en vertu de ces dispositions, les agents du ministère de la recherche et de la technologie peuvent vérifier auprès d'une entreprise la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt, ni ces dispositions, ni aucun autre texte ou principe ne leur imposent d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation avant de rendre leur expertise. En outre, la société requérante ne peut se prévaloir de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu le 18 mars 1998 dans l'affaire n° 21497/93 par lequel la Cour se prononce, s'agissant d'une expertise judiciaire, sur le droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui, en l'absence de contestation propre aux pénalités, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. Par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire avec l'agent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) ; b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ; c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 euros par an. (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe 3 au code général des impôts dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts.

6. La SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique assure la création et la commercialisation de logiciels dont la fonction principale est de procéder à la simulation du fonctionnement de machines. Elle a déclaré, au titre de l'exercice 2012, des dépenses, affectées à différents projets et éligibles, selon elle, au dispositif du crédit d'impôt en faveur de la recherche. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis émis le 30 décembre 2016 par l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie, qui a effectué une seconde expertise des travaux de la requérante, à la suite d'une première expertise concluant à l'inéligibilité de l'ensemble des dépenses de la société, que deux des projets, Automlab et SysML, n'étaient que partiellement éligibles au dispositif, tandis que les trois autres étaient totalement éligibles. Le projet Automlab vise à développer un environnement de " simulation de systèmes physiques " en bénéficiant d'une conception par blocs, chaque bloc décrivant un système automatisé, et propose de faciliter la conception de telles simulations, à travers l'intégration de blocs hétérogènes caractérisant chacun le comportement d'un automate, l'ensemble des automates étant amené à interagir. Il résulte du rapport d'expertise que la démarche présentée répond à celle qui est suivie en matière de développement de logiciel classique et que les documents fournis par la société ne proposent aucun indicateur de réussite du projet, dont l'objectif est d'atteindre une couverture du marché des automates programmables industriels la plus large possible, qui aurait justifié le travail réalisé. L'expert note également que " le travail autour de ce projet Automlab se limite au développement de compilateurs (traducteurs) " qui " relève davantage d'un problème d'ingénierie " classique " ", nonobstant les difficultés que ce travail représente du point de vue du développement logiciel. Le second projet a pour objectif l'intégration du langage SysML, qui constitue un standard dans la modélisation et la simulation de systèmes industriels automatisés, sur la majorité des automates programmables industriels. L'expert a indiqué que les verrous scientifiques étaient peu développés et se résument à la faisabilité générale du projet et que la présentation de l'état de l'art se limite à un extrait d'une page Wikipédia, un article scientifique, un article issu d'un site d'information dédié à l'enseignement technologique ainsi qu'un tutoriel. L'expert constate que la démarche présentée pour ce projet répond également à celle qui est suivie en matière de développement de logiciel classique, qu'il n'est pas proposé d'indicateur de résultats et que si un travail de " veille technologique semble avoir été entrepris ", " le travail autour du projet SysML relève davantage d'un problème d'ingénierie " classique " (traduction d'un langage dans un autre) " et non de recherche et développement. La société requérante, qui se réfère notamment à des articles scientifiques et se borne à affirmer que les principaux constructeurs d'automates programmables au niveau mondial ne proposent ni le langage SysML ni une programmation de leurs automates avec un langage tel qu'Automlab, ne critique pas utilement les analyses sur la base desquelles l'expert a conclu à l'éligibilité partielle des projets en cause. Par ailleurs, la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique ne justifie pas, par la production d'un tableau, établi par ses soins, mentionnant pour chaque projet les heures consacrées à la recherche pour l'année 2012, que ses activités de recherche seraient éligibles au crédit d'impôt recherche pour un montant supérieur à celui retenu par l'administration. Par suite, la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique n'est pas fondée à soutenir que les projets Automlab et SysML sont intégralement éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, que la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Innovation Recherche Automatisme Informatique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Innovation Recherche Automatisme Informatique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2021.

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N° 19MA02814

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02814
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELARL ELLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-18;19ma02814 ?
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