La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°19MA03902

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 11 février 2021, 19MA03902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice :

- d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un jour ;

- d'annuler l'arrêté du 2 mai 2016 de la même autorité rapportant les arrêtés des 29 février et 11 mars 2016 et prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un jour et de condamner le dé

partement des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice :

- d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un jour ;

- d'annuler l'arrêté du 2 mai 2016 de la même autorité rapportant les arrêtés des 29 février et 11 mars 2016 et prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un jour et de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de la sanction disciplinaire.

Le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de ces requêtes au tribunal administratif de Marseille.

Par un jugement n° 1703929, 1704609 du 17 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a joint ces deux demandes, a annulé les arrêtés des 29 février, 11 avril et 2 mai 2016 et a rejeté les surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2019, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la SELARL Bazin et Cazelles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2019 en tant que par celui-ci le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés des 29 février, 11 mars et 2 mai 2016 ;

2°) de rejeter les demandes de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de réclamation préalable ;

- les signataires des arrêtés avaient reçu délégation de signature ;

- les arrêtés sont suffisamment motivés ;

- ils ne sont pas entachés de vices de procédure ;

- la matérialité des faits reprochés est établie ;

- la sanction est proportionnée au manquement fautif.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Margineau, représentant le département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une journée infligée par son président à M. B..., agent de maitrise principal exerçant les fonctions de chef d'équipe affecté au parc naturel départemental de Grande Corniche à Nice, par une première décision du 29 février 2016, retirée et remplacée par une décision du 11 avril 2016, elle-même retirée et remplacée par une dernière décision du 2 mai 2016.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version en vigueur à la date des arrêtés contestés : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". L'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux dispose que " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. (...) ".

3. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours en vertu des dispositions de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent doit être mis à même de présenter des observations orales.

4. Il ressort de pièces du dossier que les entretiens que M. B... a eus, le 20 octobre 2015 avec son chef de service, puis le 15 décembre 2015 en présence de sa hiérarchie et de la direction des ressources humaines, ont eu pour seul objet d'obtenir des informations sur les raisons de son absence à la réunion du 16 octobre 2015 et ne peuvent être regardés, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, comme des entretiens organisés dans le cadre de la procédure disciplinaire, dont l'engagement a été porté à la connaissance de l'intéressé par un courrier du président du conseil départemental du 15 décembre 2015 lui précisant les modalités selon lesquelles il pourrait prendre connaissance de son dossier et qu'il avait la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il suit de là que le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, pour annuler la sanction contestée, retenu que les droits de la défense avaient été méconnus au motif que les entretiens des 20 octobre et 15 décembre 2015 s'étaient déroulés alors que M. B... n'avait pas été mis à même de s'y faire accompagner par un défenseur de son choix.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille à l'encontre de la sanction prise à son encontre.

En ce qui concerne l'arrêté du 2 mai 2016 :

6. En premier lieu, l'arrêté du 2 mai 2016 par lequel a été, en définitive, infligée la sanction contestée, a été signée par Mme D... C..., directrice des ressources humaines du département, en vertu d'une délégation de signature qui lui a été consentie par arrêté du président du 29 février 2016 transmis en préfecture le 3 mars 2016 et entrée en vigueur le 15 mars suivant, à l'effet de signer dans le cadre de ses attributions, " tous les actes relatifs au personnel de la collectivité ", qui incluent notamment la procédure disciplinaire. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 " L'avis de cet organisme de même que (...) la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivés ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

8. L'arrêté du 2 mai 2016 vise le code général des collectivités territoriales, la loi du 13 juillet 1983, la loi du 26 janvier 1984 et le décret du 18 septembre 1989. Il énonce par ailleurs de manière précise le motif de fait sur lequel il se fonde tenant à l'absence de l'intéressé à une réunion de travail à la demande de son supérieur hiérarchique. L'arrêté expose ainsi le grief retenu à l'encontre de M. B... de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même de déterminer le fait que l'autorité disciplinaire entend lui reprocher. L'arrêté du 2 mai 2016 ayant notamment pour objet de retirer l'arrêté du 29 février 2016, l'agent ne peut pas utilement se prévaloir de ce que la motivation des deux arrêtés diffèrerait légèrement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé doit être écarté.

9. En troisième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à retranscrire intégralement dans un compte-rendu les observations échangées avec l'agent lors de l'entretien qui s'est déroulé le 15 décembre 2015 et qui avait pour objet d'éclairer l'administration sur les faits reprochés, alors qu'en tout état de cause, M. B... avait la faculté de procéder à des annotations manuscrites sur ce compte-rendu avant de le signer.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ".

11. M. B... ne conteste pas son absence lors de la réunion organisée le 16 octobre 2015 par son supérieur hiérarchique dans le cadre du transfert de locaux de l'équipe de sylviculture. S'il soutient qu'il n'a reçu aucun ordre écrit mentionnant le caractère obligatoire de sa présence, il reconnait avoir été informé par le chef de secteur de la venue du directeur de l'environnement et de la gestion des risques. Il s'ensuit que les faits sur lesquels est fondée la sanction contestée doivent être tenus pour établis.

12. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

13. Alors même que sa manière de servir et ses compétences professionnelles ne sont pas remises en cause et que l'absence de l'agent n'aurait pas été intentionnelle, les faits en cause constituent une faute de nature à justifier la sanction, qui n'a pas, en l'espèce, revêtue un caractère excessif, de l'exclusion temporaire d'un jour.

En ce qui concerne l'arrêté du 29 février 2016 :

14. L'arrêté du 29 février 2016 doit être regardé comme ayant été retiré de l'ordonnancement juridique par l'arrêté postérieur, du 2 mai 2016 qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'est pas illégal. Les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 février 2016 ayant, ainsi, perdu leur objet, il n'y a pas lieu d'y statuer.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, que le département des Alpes-Maritimes est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux prétentions du département des Alpes-Maritimes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1703929 et 1704609 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 17 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du président du conseil départemental du Var du 29 février 2016.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Nice par M. B... en vue de l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2016 du président du conseil départemental du Var sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du département des Alpes-Maritimes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Alpes-Maritimes et à Marc B....

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19MA03902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03902
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-11;19ma03902 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award