Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1903632 du 7 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, sous le n° 19MA04768, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les dispositions du 2° de L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux dispositions du 10° du L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien ;
s'agissant de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa durée est disproportionnée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. B... enregistré le 27 février 2020 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 29 juillet 1997, de nationalité algérienne relève appel du jugement du 7 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) , lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
3. L'arrêté en litige, après avoir visé les textes applicables et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne l'ensemble des faits propres à la situation personnelle de M. B.... En particulier, il cite les actes commis par l'intéressé ainsi que sa condamnation par le tribunal de grande instance de Grenoble à deux mois d'emprisonnement qui ont conduit le préfet a estimé que sa présence représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public. Il précise également que M. B... déclare être entré en France en 2008, à l'âge de 11 ans sans le justifier, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents, ses frères et soeurs et que même s'il indique avoir de la famille sur le territoire, il ne fournit pas d'éléments à leur propos et n'établit pas l'intensité des liens qui les unissent. L'arrêté contesté fait aussi état du mariage du requérant qui n'a aucun enfant à charge. Ainsi, les seules circonstances que le préfet n'aurait pas mentionné qu'il a été pris en charge à l'âge de 11 ans par ses grands-parents et qu'il est atteint d'un diabète de type 1 ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté en litige comme insuffisamment motivé.
4. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été confié à ses grands-parents par un acte de kafala du 13 mars 2005. Il déclare être entré en France, avec ces derniers, en 2008 à l'âge de 11 ans. L'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 6 mars 2018 qu'il n'a pas respecté. S'il se prévaut de son mariage le 6 octobre 2018 avec une ressortissante française, cette union de moins d'un an était très récente à la date de la décision contestée. Par ailleurs, il n'établit pas la communauté de vie avec son épouse depuis le mois de septembre 2017 et n'a pas d'enfant à charge. En outre, M. B... est défavorablement connu des services de police dès lors qu'il a été condamné par le tribunal de grande instance de Grenoble à deux mois d'emprisonnement et incarcéré le 23 mai 2019 pour des faits de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, détention non autorisée de stupéfiants, port d'une arme blanche, récidives et blessures involontaires. Il a également été interpellé à plusieurs reprises, en 2016, 2017, 2018 et 2019 pour des faits similaires. Alors même que ses grands parents seraient établis sur le territoire national et qu'il aurait noué des liens en France, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 11 ans et où résident ses parents ainsi que ses frères et soeurs. Dans ses conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
8. M. B... qui fait valoir qu'il est entré en France en 2008, à l'âge de onze ans, ne justifie pas résider habituellement sur le territoire national depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans, plus particulièrement entre les années 2009 à 2016 date de sa première interpellation par les forces de l'ordre, en se bornant à produire un certificat de scolarité du 5 novembre 2019 mentionnant qu'il a suivi une scolarité du 10 mars 2008 au mois de juin 2009, ainsi que d'attestations de son épouse, de sa belle-mère et de sa grand-mère qui ne suffisent pas à justifier sa présence sur le territoire français pour la période précitée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est atteint d'un diabète de type 1 pour lequel il est pris en charge en France. Toutefois, les certificats médicaux versés au débat ne comportent aucun élément sur l'impossibilité de recevoir des soins appropriés en Algérie. Ainsi, ces documents ne permettent pas d'établir que le requérant ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien à l'encontre de la décision en litige.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) / III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. Il résulte de ces nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
12. Pour motiver la décision contestée, le préfet de l'Isère a estimé que M. B... déclaré être entré sur le territoire national en 2008 sans le justifier. Il a également relevé que l'intéressé n'était pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents, ses frères et soeurs et que s'il indique avoir de la famille sur le territoire, il ne donne pas plus d'éléments à leur propos et n'établit pas l'intensité des liens qui les unissent. Le préfet a aussi relevé que bien que l'intéressé déclare être marié et n'avoir aucun enfant à charge, cette situation ne lui confère aucun droit au séjour en France. La décision en litige mentionne, en outre, que M. B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement du 6 mars 2018 qu'il n'a pas exécutée et que sa présence en France, de par la nature, la gravité et la réitération des faits commis sur le territoire et de par la nature de la condamnation pénale dont il a fait l'objet représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public. Si le préfet a estimé à tort que le requérant n'avait pas tenté de régulariser sa situation depuis son mariage le 6 octobre 2018 alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été convoqué le 26 décembre 2018 à la préfecture pour une demande concernant un renouvellement de titre de séjour, il aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs précités de la décision en litige. En outre, il n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que sa durée de présence en France était faible au regard du temps passé dans son pays d'origine compte tenu de ce qui a été dit au point 8. Par suite, le préfet de l'Isère s'est fondé sur les quatre critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français qui est ainsi suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit également être écarté.
13. Au vu des considérations précédemment énoncées au point 12, le moyen tiré du caractère manifestement disproportionné de la décision d'interdiction de retour doit être écarté.
14. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2019.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2021.
2
N° 19MA04768
bb