Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1901841 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 avril 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, a méconnu l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision d'interdiction de circulation sur le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans est disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me D..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant italien né en 1971, a fait l'objet, le 18 avril 2019, d'un arrêté par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet d'une procédure de police pour des faits de violences sur son épouse, commis le 16 avril 2019, et qu'il a été placé sous contrôle judiciaire le 18 avril 2019, avec interdiction de résider et de paraître au domicile conjugal. Ces faits ont été dûment constatés par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Nice du 9 octobre 2019, postérieur à l'arrêté attaqué, qui a condamné M. C... à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis. En outre, le requérant ne conteste pas être connu par les services de police pour des faits identiques commis en 2016. Par ailleurs, si M. C... était employé en France en qualité d'agent de sécurité à la date de l'arrêté en litige, il ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité de son séjour en France avant le mois d'avril 2018, ni aucun élément relatif à l'ancienneté de la présence en France de ses enfants, qui sont nés en Italie en 2007, 2010 et 2013. Ainsi, eu égard notamment à la nature des faits précédemment mentionnés, à leur réitération et leur caractère récent, le comportement de M. C... constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, et alors qu'à la date de l'arrêté en litige, M. C... était tenu de s'abstenir de recevoir, de rencontrer son épouse et d'entrer en relation avec elle, et soumis à une interdiction de résider et de paraître au domicile conjugal jusqu'à sa comparution devant le tribunal, à l'audience du 9 octobre 2019, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans :
7. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. / (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ".
8. Eu égard à la présence en France des trois enfants de M. C..., qui ont d'ailleurs été scolarisés en France au cours de l'année scolaire 2019/2020, et à la circonstance que la mesure d'interdiction d'entrer en contact avec son épouse qui était provisoire, à la date de l'arrêté attaqué, est désormais levée, le préfet des Alpes-Maritimes, en prononçant à son encontre une interdiction de circulation pour la durée maximale de trois ans, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête dirigé contre l'interdiction de circulation, que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cette décision contenue dans l'arrêté du 18 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes. Ce jugement doit être annulé dans cette mesure, ainsi que l'interdiction de circulation en France de trois années.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901841 du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes prononçant à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois années.
Article 2 : La décision du 18 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois années est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :
- Mme E..., présidente de la Cour,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.
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N° 20MA00127
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