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04/02/2021 | FRANCE | N°19MA03061

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 04 février 2021, 19MA03061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1704038 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, ainsi que des mémoires complémentair

es, enregistrés les 14 novembre et 5 décembre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Lexalto, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1704038 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, ainsi que des mémoires complémentaires, enregistrés les 14 novembre et 5 décembre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Lexalto, agissant par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension des revenus distribués dès lors qu'il avait l'intention de déposer à la banque les recettes en espèces soustraites des caisses du restaurant exploité par la société Aigardent, dont il est le gérant, et que ces dernières lui ont été dérobées lors d'un vol à main armée le 30 septembre 2014 ;

- ayant été victime du vol de ces recettes, les sommes en litige n'ont pas à être imposées entre ses mains, ainsi que l'autorisent l'instruction administrative référencée 5-F-2543 n° 15 et le bulletin officiel des impôts BOI-RSA-BASE-30-50-30-40 n° 310 du 12 septembre 2012 ;

- la société Airgardent dont il est le gérant, bien qu'ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos en 2014, n'a subi aucun rehaussement, ce qui fait obstacle à son imposition à titre personnel ;

- la substitution de base légale sollicitée par l'administration à titre subsidiaire, dans le cadre de la présente instance, n'est pas fondée ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ; à cet égard, il se prévaut du paragraphe n° 84 de l'instruction fiscale référencée 13N-1-07 du 19 février 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. B....

Il fait valoir que :

- à titre principal, les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il est sollicité une substitution de base légale, les rectifications en litige initialement fondées sur les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts pouvant être effectuées au titre de celles du c) de l'article 111 de ce code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour le requérant.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alors associé et gérant de la SARL Aigardent exploitant un restaurant situé à Manosque, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Sur bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

3. A la suite de la vérification de comptabilité, close sans rectification, de la société Aigardent, l'administration fiscale a constaté qu'à la date de clôture de l'exercice clos le 30 septembre 2014, le montant des recettes en espèces comptabilisées en caisse était supérieur de 40 635 euros, au cumul des encaissements en espèces sur le compte bancaire de la société. M. B... étant le gérant et associé de cette société, l'administration a réintégré cette somme dans ses revenus imposables au titre de l'année 2014 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

4. M. B..., dont les rehaussements ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire, n'ayant pas accepté les rectifications résultant du rattachement à son revenu global des revenus regardés comme distribués par la société Aigardent, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par l'intéressé.

5. En premier lieu, pour contester l'appréhension de la somme en litige, M. B... soutient que, le 30 septembre 2014, il avait l'intention de déposer à la banque les recettes en espèces soustraites des caisses du restaurant exploité à Manosque par la société Aigardent, dont il est le gérant, et que ces dernières lui ont été dérobées lors d'un braquage dont il a été victime le jour même.

6. Il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté, qu'une somme totale de 40 635 euros en espèces, correspondant à des recettes tirées par la société Aigardent de son activité de restauration au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2014, et qui apparaissent à ce titre dans la comptabilité de l'entreprise, n'a pas été déposée sur les comptes bancaires de la société. Il est, en outre, constant que cette somme était en possession de M. B..., gérant et associé de la société.

7. Pour établir son intention de déposer la somme concernée sur les comptes bancaires de la société précitée, l'intéressé soutient que les dépôts d'espèces étaient habituellement conservés plusieurs mois dans le restaurant, faute de temps pour les déposer en banque pendant la période estivale. Cependant, il résulte de l'instruction que le requérant a effectué à plusieurs reprises, au cours de l'été 2014, des dépôts d'espèces dans l'établissement bancaire de la société Aigardent. Si, selon lui, ces dépôts avaient seulement vocation à prévenir d'éventuels découverts, rien ne faisait obstacle à ce qu'il y dépose la somme en litige, correspondant, selon ses dires, à plusieurs mois de recettes de la société. En appel, le requérant produit des relevés bancaires des années 2011, 2012 et 2013 ainsi qu'un extrait du compte " 58 VERS ESP " pour la période de novembre 2010 à septembre 2013 concernant la société Aigardent, anciennement dénommée SARL Aigo Blaco 2, qui, s'ils établissent le dépôt en espèces de sommes d'un montant variable en 2012 et 2013, et plus important en période estivale, ne permettent pas de démontrer que M. B... avait l'intention de déposer, en une seule fois, auprès de son établissement bancaire, une très importante somme en espèces le 30 septembre 2014, soit à la date même de la clôture de l'exercice de la société.

8. L'intéressé fait ensuite valoir que la somme en litige lui a été dérobée, ainsi que cela ressort d'un récépissé de dépôt de plainte du 30 septembre 2014 et d'un procès-verbal du même jour faisant état qu'il a été victime d'un vol à main armée à cette date alors qu'il se trouvait, à bord de son véhicule, en possession d'une importante somme d'argent en liquide correspondant, selon ses déclarations, à 39 350 euros de recettes provenant de son restaurant situé à Manosque. Cependant, cette circonstance, à la supposer même établie, ne permet pas de regarder M. B... comme n'ayant pas effectivement appréhendé les sommes en litige, qu'il reconnaît avoir eu en sa possession et dont il n'est pas établi qu'il était sur le point de les déposer sur le compte bancaire de la société. Au surplus, cette plainte, qui repose sur les propres déclarations de M. B... aux services de gendarmerie, a fait l'objet d'un avis de classement du 9 avril 2015 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les auteurs du vol n'ayant pas été identifiés. Par ailleurs, si, selon ses déclarations auprès des services de gendarmerie, deux infirmières se seraient arrêtées pour lui porter assistance après les faits, leur témoignage n'a pas été produit. La plainte déposée par M. B... et le certificat d'un médecin urgentiste du centre hospitalier de Manosque constatant le 30 septembre 2014, soit le jour du vol, qu'il présentait une sensation de brûlures cutanées et de brûlure des muqueuses respiratoires, une conjonctive ainsi qu'un choc psychologique, ne permettent ainsi pas d'établir qu'il se serait effectivement fait dérober, à cette date, les recettes en litige. L'attestation de M. A..., artisan couvreur effectuant des travaux au domicile de M. B..., et affirmant que ce dernier a quitté les lieux vers 11 heures, ainsi que le témoignage de M. C..., électricien attestant de la présence du gérant au sein du restaurant de Manosque dans la matinée, ne permettent pas davantage d'établir la réalité de ce vol, ni la somme effectivement dérobée.

9. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de base légale sollicitée par l'administration en appel, cette dernière apporte la preuve, qui lui incombe, que la somme en litige constitue un revenu distribué effectivement appréhendé par M. B... en sa qualité d'associé de la société Aigardent, imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

10. En second lieu, si M. B... reprend le moyen soulevé en première instance tiré de ce qu'il ne pouvait faire l'objet d'une imposition à titre personnel en l'absence de rehaussement des bases imposables de la société Aigardent, qui a comptabilisé les recettes puis enregistré comptablement le vol en perte exceptionnelle, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement contesté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

11. M. B... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative 5-F-2543, n° 15, reprise au bulletin officiel des impôts BOI-RSA-BASE-30-50-30-40, n° 310, du 12 septembre 2012, selon lesquelles le salarié victime du vol d'une somme d'argent qui appartenait à son employeur peut comprendre dans ses dépenses professionnelles les remboursements qu'il effectue à ce titre. Toutefois, M. B... n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine dès lors qu'il n'est pas salarié de la société Aigardent, qu'il n'établit pas, au demeurant, avoir remboursée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à demander l'application de cette doctrine, laquelle est d'interprétation stricte et ne saurait donc être transposée aux faits de l'espèce.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration.

13. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que l'administration fiscale a pu estimer, à bon droit, que M. B... avait appréhendé des recettes à hauteur de 40 635 euros qu'il avait détournées de la société Aigardent dont il était le gérant. Ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement constaté et, par suite, le bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts.

14. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 84 de l'instruction référencée 13N-1-07 du 19 février 2007, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application.

15. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

- Mme G..., présidente de la Cour,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.

2

N° 19MA03061

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03061
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELARL LEXALTO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;19ma03061 ?
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