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04/02/2021 | FRANCE | N°19MA00818

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 04 février 2021, 19MA00818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) AG Distribution a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1604756 en date du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés

le 20 février 2019, le 13 janvier 2020 et le 29 décembre 2020, la SAS AG Distribution représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) AG Distribution a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1604756 en date du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 février 2019, le 13 janvier 2020 et le 29 décembre 2020, la SAS AG Distribution représentée par la société d'avocats Maîtres Stéphane Dejumné et Philippe Breton, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier et a entaché le jugement d'erreur de qualification juridique des faits en considérant à tort qu'aucun mandat explicite n'avait été conclu entre la société AG Distribution et la société Frères Bareche et que les relations de ces dernières ne constituaient pas celles d'un intermédiaire envers son commettant ;

- en jugeant que les stipulations du contrat conclu entre la société AG Distribution et la SCI Paghiel ne caractérisent pas des pratiques commerciales habituelles, les premiers juges ont entaché leur jugement d'insuffisance de motivation ;

- l'avis de mise en recouvrement du 16 mars 2015 qui n'est pas signé par le comptable public compétent et ne comporte pas la mention du nom et du prénom de ce dernier, est irrégulier au regard des articles L. 252, L. 256, L. 257 A et R. 256-18 du livre des procédures fiscales, du § 10 de la doctrine publiée au Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-20 120912 ainsi que du § 120 BOI-REC-PREA-10-10-20-20190218 ;

- l'administration, qui n'a pas procédé au rejet de la comptabilité et n'a pas reconstitué le chiffre d'affaires, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les encaissements figurant au compte client " 411 - 01500321 " correspondent à du chiffre d'affaires non déclaré devant être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 du code général des impôts ;

- l'administration a opéré un renversement de la charge de la preuve en présumant que les encaissements litigieux correspondent à du chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- aucun principe fiscal ne permet de considérer que des sommes enregistrées en compte de tiers correspondraient à des opérations soumises à la TVA qui n'auraient pas été déclarées ;

- les documents produits établissent que les sommes créditées sur le compte client Société Frères Bareche constituent des remboursements de débours effectués par la société AG Distribution agissant en qualité d'intermédiaire transparent au nom et pour le compte de cette société algérienne ;

- ces services intervenant dans le cadre d'opérations d'exportation, rémunérés par une commission, bénéficient de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 263 du code général des impôts ;

- en tout état de cause, ces services sont directement liés à l'exportation et peuvent, à titre subsidiaire, bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée visée à l'article 262 du code général des impôts ;

- à titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse où les services rendus par la société AG Distribution ne s'analyseraient pas en des services d'intermédiaire liés à des exportations au sens de l'article 263 du code général des impôts, ces services devraient s'analyser en des opérations afférentes à des moyens de paiement au sens de l'article 261 C 1°, c de ce code dès lors qu'ils ont pour objet et pour effet de transférer des fonds et d'entraîner des modifications juridiques et financières entre les différents acteurs des circuits commerciaux en cause ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve que l'encaissement de certaines sommes inscrites au crédit du compte client SCI Paghiel doivent s'analyser comme des encaissements d'acomptes sur travaux à réaliser devant être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 du code général des impôts ;

- les sommes en litige, ainsi que le prévoient expressément les stipulations contractuelles du marché de travaux, constituent des sommes versées à titre de caution non taxable à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le service vérificateur a manqué à son devoir de loyauté dès lors qu'il aurait dû réduire le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence des montants acquittés au titre de l'année 2011 et n'appliquer que des intérêts de retard sur la période comprise entre janvier 2010 et janvier 2012 ;

- conformément à la doctrine administrative référencée DB-3B111, opposable sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, les sommes litigieuses ayant eu pour objet de prémunir contre un risque d'impayé des factures de travaux à émettre et le montant des factures de travaux émis ayant été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, les sommes litigieuses ne pouvaient être valablement requalifiée d'acomptes devant être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration n'énonce ni ne justifie les considérations de fait propres à sa situation 1'ayant conduit à appliquer la majoration pour manquement délibéré et se fonde en partie sur des motifs de droit erronés ;

- l'insuffisance de recettes constatée résulte d'un désaccord sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable et non sur une volonté délibérée de se soustraire à l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 novembre 2019 et le 4 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SAS AG Distribution.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société AG Distribution, dont le siège est situé 29, boulevard Gay Lussac à Marseille, et qui exerce une activité de négoce de pièces détachées pour automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 2 mai au 10 décembre 2012 au titre des années 2009 et 2010. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a considéré que les encaissements inscrits au crédit du compte client de la SARL Frères Bareche correspondaient à des produits non déclarés devant être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et que les montants comptabilisés au compte client de la SCI Paghiel constituaient des acomptes versés sur travaux entrant dans la détermination du chiffre d'affaires de la société, exigibles également à la taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 21 décembre 2012, adressée selon la procédure de rectification contradictoire des articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, l'administration a notifié à la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis d'intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 16 mars 2015, pour un montant total de 848 234 euros, dont 203 333 euros de pénalités. Après avoir vainement contesté ces redressements, la société AG Distribution a porté le litige devant le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 21 décembre 2018, a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes. La société AG Distribution relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur à la date de l'émission de l'avis de mise en recouvrement en litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...). L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. (...) ". Aux termes de l'article R. 256-8 de ce livre, dans sa version alors en vigueur : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (...) Le comptable chargé d'un pôle de recouvrement spécialisé est compétent, le cas échéant, pour établir, signer et rendre exécutoire l'avis de mise en recouvrement des créances qu'il a prises en charge ou dont la responsabilité lui est transférée par un autre comptable. ". Enfin, aux termes de l'article L. 257 A du même livre dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 408 de l'annexe II du code général des impôts : " (...) III. A compter du jour où prend effet l'acte les nommant dans leurs fonctions, les responsables des services dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et les agents chargés de leur intérim peuvent signer, au nom du directeur sous l'autorité duquel ils sont placés, les décisions et actes mentionnés au I. Cet arrêté fixe également les conditions et les limites de la délégation. Le changement de directeur ne met pas fin à la délégation. Cette délégation prend fin en même temps que les fonctions de celui qui l'a donnée. IV. Les responsables de service mentionnés au III ou, le cas échéant, les agents chargés de leur intérim peuvent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget, donner délégation aux agents placés sous leur autorité pour signer les décisions et actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation. Cette délégation prend fin en même temps que les fonctions de celui qui l'a donnée. ".

4. Il résulte de l'instruction que l'avis émis le 16 mars 2015 pour la mise en recouvrement de l'imposition en litige a été signé pour le comptable public par " M. A... B..., contrôleur principal des finances publiques ". Si, par un arrêté du 24 septembre 2014, dument publié au n° 289 de septembre 2014 du recueil des actes administratifs du département des Bouches-du-Rhône, Mme F..., comptable responsable du service des impôts des entreprises de Marseille, a donné à M. B... délégation à l'effet de signer les avis de mise en recouvrement, Mme F... a quitté ses fonctions le 1er mars 2015 et son successeur, Mme C..., n'a donné délégation à M. B... que par décision du 25 mars 2015, publiée le 1er avril suivant. Par suite, et en application des dispositions précitées de l'article 408 du code général des impôts, compte tenu du changement d'affectation du comptable délégant, la délégation dont disposait M. B... n'était plus valide le 16 mars 2015, date à laquelle il a signé l'avis de mise en recouvrement contesté. Par suite, la SAS AG Distribution est fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement du 16 mars 2015 a été signé par une autorité incompétente, et à obtenir, pour ce motif, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la société AG Distribution est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la SAS AG Distribution au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La SAS AG Distribution est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Article 3 : Les conclusions de la SAS AG Distribution présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS AG Distribution et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

Mme G..., présidente de la Cour,

Mme E..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.

2

N° 19MA00818

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00818
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;19ma00818 ?
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