La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2021 | FRANCE | N°19MA05753

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 02 février 2021, 19MA05753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 1907432 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 décembre 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 1907432 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 décembre 2019 et le 10 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît le 11° de cet article L. 313-11 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du même code ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine née en 1958, déclare être entrée en France le 5 avril 2013 et y résider depuis lors. A la suite de son mariage, le 4 avril 2019, avec un ressortissant français, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 juillet 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme A... relève appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ". Selon l'article L. 313-2 de ce code : " (...) la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Le dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code dispose que : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".

3. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction. Dès lors que le dépôt d'une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du même code, le préfet ne peut refuser la délivrance d'un tel titre de séjour en se fondant sur l'absence de visa de long séjour sans avoir, au préalable, examiné si le demandeur remplit les conditions fixées par ces dernières dispositions, notamment celle tenant à l'entrée régulière en France du demandeur.

4. Pour refuser de délivrer la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme A... en qualité de conjointe d'un ressortissant français, le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé que l'intéressée ne disposait pas d'un visa de long séjour et que, faute de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois des pièces produites pour la première fois en appel que l'intéressée est entrée régulièrement sur le territoire français en provenance du Maroc au cours du mois d'avril 2013, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités françaises et valable du 2 avril au 17 mai 2013. Mme A... n'étant pas arrivée en France en provenance d'un Etat partie à la convention de Schengen, elle n'était pas tenue, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal au vu des pièces versées au dossier qui lui était soumis, de souscrire une déclaration d'entrée sur le territoire français. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait, en dépit des mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet par la suite, quitté le territoire français depuis son entrée régulière en 2013. Dans ces conditions, en retenant le motif énoncé ci-dessus, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision de refus de titre de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 juillet 2019.

6. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à Mme A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

7. Mme A... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 juillet 2019 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Chazan, président,

Mme Simon, président assesseur,

M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.

3

N° 19MA05753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05753
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : PASCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-02;19ma05753 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award