Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier de Cannes ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), une somme de 952 095,15 euros en réparation des préjudices qu'elle impute à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2011.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, venant aux droits de la CPAM des Alpes-Maritimes, a demandé la condamnation du CH de Cannes à lui verser, d'une part, la somme de 240 579,07 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de ses débours et, d'autre part, la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1602962 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Nice a mis hors de cause l'ONIAM et a condamné le CH de Cannes à verser à Mme A... la somme de 260 344 euros et à la CPAM du Var, d'une part, la somme de 192 463,24 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2017, au titre des débours et, d'autre part, la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 avril et 25 juillet 2019 et les 21 mars et 3 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 en tant que ce jugement a limité l'indemnité au versement de laquelle le CH de Cannes a été condamné à la somme de 260 344 euros ;
2°) de porter à la somme de 706 673,32 euros le montant de cette indemnité ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM cette dernière somme ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le remboursement des honoraires d'assistance à l'expertise médicale qui se sont élevés à 600 euros ;
- le taux de perte de chance doit être fixé à 95% ;
- les conditions d'engagement de la solidarité nationale sont remplies ;
- au-delà de la confirmation de la somme de 32 544,66 euros accordée au titre des pertes de gains professionnels actuels, elle a droit à 190 727,96 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 49440 euros au titre de l'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, 252 360,70 euros au titre de l'assistance par une tierce personne postérieure à cette date, de 600 euros au titre du remboursement des honoraires d'assistance à l'expertise médicale, 98 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 5 000 au titre du préjudice esthétique permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 10 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Par des mémoires enregistrés les 3 juillet 2019 et les 16 mars et 9 décembre 2020, la CPAM du Var, représentée par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 en tant que ce jugement a limité les sommes au versement desquelles le CH de Cannes a été condamné à 192 463,24 euros au titre des débours et à 1080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) de porter aux sommes respectives de 258 831,54 euros avant application du taux de perte de chance, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt du mémoire du 3 octobre 2017 et de leur capitalisation, et de 1098 euros le montant de ces indemnités ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande est recevable dès lors qu'elle agit régulièrement pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes ;
- sa créance définitive s'élève à 258 831,54 euros ;
- le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion doit être rehaussé en fonction de ce que prévoit le dernier arrêté ministériel applicable.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mars, 25 mars, 14 avril, 27 novembre et 14 décembre 2020, le CH de Cannes, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête de Mme A... et des conclusions de la CPAM du Var.
Il soutient que :
- la CPAM du Var ne justifie pas de sa qualité à agir dans la présente instance ;
- les moyens soulevés par Mme A... et la CPAM du Var ne sont pas fondés ;
- il produit un rapport critique indiquant que plusieurs examens, consultations et prescriptions n'étaient pas en lien avec le manquement fautif qui lui est reproché et, s'agissant de la rente accident du travail et de la pension d'invalidité, qu'en l'absence d'intervention chirurgicale et compte tenu de la gêne décrite en préopératoire dans le rapport d'expertise, l'invalidité de catégorie II aurait fini par être d'actualité du fait de la symptomatologie algique décrite dans ce rapport d'expertise.
Par un mémoire enregistré le 26 mars 2020, l'ONIAM demande à la Cour :
1°) à titre principal, de confirmer sa mise hors de cause ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener les demandes de Mme A... au titre du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice sexuel à de plus justes proportions, sans que les indemnisations allouées n'excèdent la somme totale de 75 215 euros, à laquelle il conviendra d'appliquer la part d'intervention de la solidarité nationale qui n'excèdera pas 20%, et de rejeter le surplus de ses demandes et toute autre demande formulée à son encontre.
Il soutient que :
- les conditions d'engagement de la solidarité nationale ne sont pas remplies ;
- à titre subsidiaire, le taux de perte de chance de 80% doit être confirmé et les demandes présentées au titre des différents préjudices doivent être, selon les cas, soit ramenées à de plus justes proportions, soit rejetées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 en tant que ce jugement a limité l'indemnité au versement de laquelle le CH de Cannes a été condamné à la somme de 260 344 euros et demande à la cour de porter à la somme de 706 673,32 euros le montant de cette indemnité ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'ONIAM cette dernière somme. La CPAM du Var sollicite la réformation du même jugement en tant qu'il a limité les sommes au versement desquelles le CH de Cannes a été condamné à 192 463,24 euros au titre des débours et à 1080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et demande à la cour de porter aux sommes respectives de 258 831,54 euros avant application du taux de perte de chance, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt du mémoire du 3 octobre 2017 et de leur capitalisation, et de 1098 euros le montant de ces indemnités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont, au point 7 de celui-ci, statué sur la demande de Mme A... relative à la somme de 600 euros exposée au titre des honoraires d'assistance à l'expertise médicale.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le CH de Cannes aux conclusions présentées par la CPAM du Var devant le tribunal et la cour :
3. Les dispositions combinées de l'article L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale permettent au directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés de confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse d'affiliation de l'assuré dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie. A ce titre, une caisse peut se voir confier la mission d'exercer, pour le compte d'une ou plusieurs autres caisses, le recours subrogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 376-1 du même code à l'encontre du tiers responsable de l'accident, un tel recours tendant au remboursement des prestations servies à l'assuré à la suite de l'accident. La décision prise en ce sens par le directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés peut, le cas échéant, être formalisée dans un document, signé également par les caisses locales concernées, qui détermine les modalités concrètes de sa mise en oeuvre.
4. En vertu d'une convention de mutualisation approuvée par la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), signée par le directeur de la CNAMTS, par la CPAM des Alpes-Maritimes, qui était la caisse d'affiliation de Mme A... à la date de l'intervention chirurgicale en cause, et en dernier lieu, selon l'ordre des signatures, par la CPAM du Var, qui est désormais la caisse d'affiliation de la requérante, la CPAM du Var a été chargée, à compter du 1er février 2017, d'agir en justice pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes. La circonstance qu'aucune date n'est apposée à côté des signatures autres que celle du directeur de la CPAM du Var n'est pas de nature à rendre inapplicable cette convention au 1er février 2017. En outre, par une décision du 29 mai 2019 relative à l'organisation du réseau en matière d'exercice des recours subrogatoires prévus aux articles L. 376-1 et suivants et L. 454-1 et suivants du code de la sécurité sociale, régulièrement publiée au bulletin officiel Santé - Protection sociale n°6 du 15 juillet 2019, le directeur général de la CNAMTS a confié à la CPAM du Var l'activité de recours contre tiers relatif aux assurés et/ou bénéficiaires de la CPAM des Alpes-Maritimes. Dans ces conditions, le CH de Cannes n'est pas fondé à soutenir que les conclusions présentées par la CPAM du Var pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du CH de Cannes et le taux de perte de chance :
5. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Nice le 14 mai 2012, que la requérante n'a pas été informée des risques de complications neurologiques de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 23 novembre 2011 au CH de Cannes, tel que le risque de paralysie plexique du membre supérieur qui s'est réalisé. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que ce défaut d'information engageait la responsabilité de cet établissement dans la mesure où il a privé la requérante d'une chance de se soustraire à ce risque.
6. D'autre part, il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'intervention pratiquée sur Mme A... était pleinement justifiée, que le syndrome du défilé cervico-brachial gauche qu'elle présentait depuis l'âge de 15 ans était de plus en plus invalidant et douloureux, qu'il ne pouvait pas être amélioré par une rééducation dès lors que celle-ci s'était révélée inefficace et qu'aucune alternative thérapeutique n'existait. Mme A... soutient que le taux de perte de chance doit être fixé à 95% dès lors que l'intervention était seulement destinée à faire cesser ses douleurs, que son pronostic vital n'était pas engagé et qu'elle se serait soustraite à cette opération si elle avait été informée du risque de paralysie, compte tenu de son jeune âge à la date des faits et de la forte baisse d'autonomie et de qualité de vie qu'elle subit depuis son intervention. Toutefois, l'expert, s'il a indiqué que la perte de chance de ne pas subir cette intervention avait été totale, n'a pas retenu que la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé l'avait également été, mais a précisé que la paralysie plexique était une complication spécifique de l'opération de résection de la première côte qu'a subie Mme A... qui présente une incidence, selon la littérature, de 0 % à 29 %, qu'avant l'opération, la patiente, âgée de 30 ans seulement, souffrait de plus en plus du bras gauche, avec une douleur estimée à 5/6 sur une échelle visuelle analogique allant de 1 à 10 et que les crises étaient de plus en plus longues. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le taux de perte de chance devait être fixé à 80 %.
En ce qui concerne la solidarité nationale :
7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, si la gravité du préjudice subi par Mme A... au sens de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique est établie, dès lors que celle-ci a connu à la suite de l'intervention un arrêt temporaire de ses activités professionnelles pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs et qu'elle reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 35%, les conséquences de l'intervention chirurgicale ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement opératoire, eu égard à ce qui a été exposé au point précédent en ce qui concerne tant l'évolution en intensité et en fréquence des douleurs ressenties par Mme A... avant l'intervention que le taux d'incidence de la paralysie plexique en cas de résection de la première cote également mentionné au point précédent, qui implique que la survenance de cette complication ne peut être considérée comme présentant une probabilité faible. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis l'ONIAM hors de cause.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant aux dépenses de santé :
8. Si le CH de Cannes produit un rapport médical critique réalisé de manière non contradictoire à sa demande le 4 avril 2020 relatif notamment aux dépenses de santé exposées par l'organisme social, il n'a pas formé d'appel incident. Dans ces conditions, il y a lieu de maintenir la condamnation prononcée par le tribunal, qui a fait droit à l'intégralité des demandes présentées par la CPAM du Var à ce titre à hauteur de 13 408,77 euros, puis leur a appliqué le taux de perte de chance de 80%, pour mettre à la charge de l'établissement la somme de 10 727,01 euros.
Quant à l'assistance par une tierce personne :
9. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
10. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de retenir pour l'indemnisation la base d'une année de 412 jours et un taux horaire de 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017 puis de 14 euros à compter du 1er janvier 2018, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... a besoin de l'assistance d'une tierce personne une heure par jour. D'une part, le montant total correspondant à ce besoin pour la période allant de la date de la sortie de l'hôpital de la requérante, le 26 novembre 2011, à la veille de la date de consolidation de son état de santé intervenue le 1er février 2014, soit 797 jours, calculé en application des principes et taux énoncés au point précédent, s'élève à 11 695,15 euros. D'autre part, le montant total correspondant à ces besoins entre la date de consolidation de l'état de santé de la requérante et la date du présent arrêt, le 28 janvier 2021, soit 2 552 jours, calculé en application des principes et taux énoncés au point précédent, s'élève à 38 715,57 euros. Enfin, compte tenu du taux horaire de 14 euros mentionné au point 9, de la durée d'assistance d'une heure par jour nécessaire, de l'âge de la requérante à la date d'attribution de la rente et du prix de l'euro de rente fixé à 45,575 par le barème publié par la Gazette du Palais en 2020 pour une femme de 40 ans, il y a lieu d'évaluer à la somme de 262 876,60 euros les frais correspondants. Le préjudice total tenant au besoin en assistance par une tierce personne s'élève donc à 313 287,32 euros, soit, après application du taux de perte de chance, à 250 629,85 euros.
Quant aux pertes de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et à la rente d'invalidité :
12. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.
13. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.
14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, d'une part, que la requérante a été licenciée pour inaptitude le 1er janvier 2015 de son emploi de secrétaire à mi-temps, puis placée en invalidité de catégorie 2, mais que les conséquences des dommages subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2011 ne la rendent pas inapte à toute activité professionnelle, dans la proportion de 10 heures de travail possibles par semaine et, d'autre part, que son salaire net s'élevait avant l'intervention à 789 euros mensuels. En retranchant de ce montant la somme de 320 euros, correspondant au paiement mensuel de 10 heures de travail hebdomadaires calculé sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance net, les pertes de gains professionnels futurs de Mme A... s'élèvent, pour les 84 mois séparant la date de consolidation de son état de santé de celle du présent arrêt, à la somme de 39 396 euros. Pour la période allant du 29 janvier 2021 au 11 novembre 2042 à laquelle Mme A... atteindra l'âge théorique de la retraite, soit 62 ans, il y a lieu de capitaliser le manque à gagner annuel de 5 628 euros par application du taux de l'euro de rente viagère fixé à 21,579 par le barème publié par la Gazette du Palais en 2020 applicable pour une femme de l'âge de Mme A... à la date d'attribution de cette rente. La somme correspondante s'élève à 121 446,61 euros. Enfin, Mme A... subit également, du fait des conséquences de l'intervention, une incidence professionnelle qui peut être justement évaluée à la somme de 50 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, les préjudices correspondant à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle doivent être évalués à la somme totale de 168 674,08 euros.
15. Toutefois, il résulte également de l'instruction, en particulier du document de notification des débours et de l'attestation d'imputabilité produits par la CPAM du Var, que l'organisme social a versé à Mme A... un capital invalidité d'un montant de 191 503,07 euros, ainsi que des arrérages échus pour la période du 1er février 2014 au 31 mai 2019, pour un montant de 47 122,54 euros, soit un montant total de 238 625,61 euros. Il suit de là que l'intégralité des préjudices subis par Mme A... au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ayant été réparée par les prestations servies par l'organisme social, les conclusions de la requête relatives à ces préjudices doivent être rejetées. Il en résulte également que les conclusions présentées en appel par la CPAM du Var au titre des prestations d'invalidité doivent également être rejetées dès lors que le tribunal administratif a d'ores et déjà condamné le CH de Cannes à lui verser à ce titre la somme de 176 298,51 euros, supérieure à celle de 168 674,08 euros mentionnée au point précédent.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
16. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que cela a été exposé au point 5, Mme A..., âgée de 33 ans à la date de consolidation de son état de santé, subit un déficit fonctionnel permanent de 35%. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment évalué ce préjudice en le réparant à hauteur de 80 000 euros, soit 64 000 euros après application du taux de perte de chance.
17. Les souffrances endurées par la requérante, dans leur dimension tant physique que psychique, ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 4 000 euros, soit 3 200 euros après application du taux de perte de chance.
18. Le préjudice esthétique permanent de Mme A... a été pour sa part évalué par l'expert à 2 sur une échelle allant de 1 à 7 par l'expert. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment apprécié ce préjudice en l'évaluant à 2 000 euros, soit 1 600 euros après application du taux de perte de chance.
19. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le préjudice d'agrément subi par la requérante du fait de l'impossibilité et de la gêne à pratiquer certains types de loisirs en raison de sa paralysie partielle doit être évalué à la somme de 5 000 euros, soit 4 000 euros après application du taux de perte de chance.
20. Le préjudice sexuel de la requérante a été justement apprécié par les premiers juges à 2 000 euros, soit 1 600 euros après application du taux de perte de chance.
21. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme A... est seulement fondée à demander que l'indemnité de 260 344 euros que le CH de Cannes a été condamné à lui verser, comprenant la somme de 26 035,72 euros correspondant au montant, non contesté en appel, accordé au titre des pertes de gains professionnels actuels après application du taux de perte de chance, soit portée à 351 065,57 euros, étant précisé que cette différence de 90 721,57 euros, qui correspond au seul préjudice d'assistance par une tierce personne, sera versée sous déduction, le cas échéant, des sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation ayant le même objet dont il sera justifié par la requérante auprès de l'établissement et, d'autre part, que les conclusions incidentes de la CPAM du Var présentées tant au titre des débours que de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
22. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du CH de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par la CPAM du Var doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 260 344 euros que le CH de Cannes a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 est portée à 351 065,57 euros, sous la déduction éventuelle exposée au point 20 du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CH de Cannes versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la CPAM du Var, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au centre hospitalier de Cannes, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme G..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 19MA01821