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26/01/2021 | FRANCE | N°19MA01718

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 26 janvier 2021, 19MA01718


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 février 2016 par laquelle l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a procédé au retrait de son autorisation d'user du titre de psychothérapeute, et d'enjoindre à cette agence de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1601974 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Nice a reje

té la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 février 2016 par laquelle l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a procédé au retrait de son autorisation d'user du titre de psychothérapeute, et d'enjoindre à cette agence de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1601974 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 15 avril et 13 mai 2019 et le

23 juin 2020, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler la décision du 3 février 2016 par laquelle l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a procédé au retrait de son autorisation d'user du titre de psychothérapeute ;

3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur de réexaminer sa demande d'inscription à titre dérogatoire sur le registre des psychothérapeutes dans un délai de 15 jours à compter de la notification du l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé par le président, le rapporteur et le greffier, en méconnaissance de l'article L. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal n'a pas prévenu les parties qu'il envisageait de statuer au visa d'un moyen d'ordre public tiré de la compétence liée du directeur de l'agence régionale de santé de retirer l'autorisation de faire usage du titre de psychothérapeute au motif de ce qu'il n'avait pas justifié d'une formation complémentaire effectuée avant le 1er janvier 2016 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le directeur de l'agence régionale de santé qui disposait d'une marge d'appréciation était en situation de compétence liée ; l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 et l'article 16 du décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 ont été méconnus dès lors qu'il remplit les conditions dérogatoires pour être inscrit sur la liste des psychothérapeutes ; les décisions du 22 octobre 2012 et du 3 février 2016 forment une opération complexe, il est dès lors admis à contester la légalité de ces deux actes.

Le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a été mis en demeure de défendre le 24 octobre 2019.

Une ordonnance du 30 juin 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 31 juillet 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

- le décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 ;

- l'arrêté du 8 juin 2010 relatif à la formation en psychopathologie clinique conduisant au titre de psychothérapeute ;

- l'arrêté du 9 juin 2010 relatif aux demandes d'inscription au registre national des psychothérapeutes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... fait appel du jugement n° 1601974 du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête dirigée contre la décision du

3 février 2016 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé, après avoir constaté que l'intéressé " n'avait pas transmis d'attestation de réalisation du complément de formation dans le délai imparti ", a mis un terme à l'autorisation de faire usage du titre de psychothérapeute en application de l'article 17 du décret du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute.

Sur le bien-fondé du jugement.

2. Aux termes de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique : " L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. (...) Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s'inscrire au registre national des psychothérapeutes. (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 20 mai 2010 : " L'inscription sur le registre national des psychothérapeutes mentionné à l'article 52 de la loi du 9 août 2004 susvisée est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d'un stage pratique d'une durée minimale correspondant à cinq mois effectué dans les conditions prévues à l'article 4. L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse. ". L'article 16 du même décret dispose que : " I. - Les professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du présent décret peuvent être inscrits sur la liste mentionnée à l'article 7 alors même qu'ils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme prévues aux articles 1er et 6 du présent décret. Cette dérogation est accordée par le directeur général de l'agence régionale de santé de la résidence professionnelle du demandeur après avis de la commission régionale d'inscription. ; II. - (...) La commission s'assure que les formations précédemment validées par le professionnel et son expérience professionnelle peuvent être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l'article 1er et, le cas échéant, du diplôme prévu à l'article 6. Elle définit, si nécessaire, la nature et la durée de la formation complémentaire nécessaire à l'inscription sur le registre des psychothérapeutes (...) ". 4. Aux termes de l'article 16 du décret du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute, alors applicable : " I. - Les professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du présent décret peuvent être inscrits sur la liste mentionnée à l'article 7 alors même qu'ils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme prévues aux articles 1er et 6 du présent décret. (...). ". Aux termes de l'article 17 du décret du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute, alors applicable : " Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation d'inscription sur le registre des psychothérapeutes en application de l'article 16 présentent dans le délai d'un an à compter de la publication du présent décret un dossier en ce sens dans les conditions prévues à l'article 7. Cette demande est accompagnée des pièces justificatives, notamment administratives attestant de l'exercice de la psychothérapie. A la réception du dossier complet, il est délivré à l'intéressé un accusé de réception délivré dans les conditions fixées par le décret du 6 juin 2001 susvisé. Celui-ci permet au professionnel qui utilisait précédemment le titre de psychothérapeute de continuer à l'utiliser jusqu'à l'intervention de la décision. Le silence gardé pendant plus de six mois sur une demande présentée au titre du I de l'article 16 vaut décision de rejet. Dans les cas où, en application de ces dispositions, il est demandé au candidat de justifier d'une formation complémentaire, celle-ci doit être effectuée avant le 1er janvier 2016. Si cette exigence n'est pas remplie, le directeur général de l'agence régionale de santé retire le professionnel des inscrits sur la liste des psychothérapeutes mentionnée à l'article 7. ".

3. Il résulte des dispositions précitées du décret du 20 mai 2010 que les personnes qui entendent figurer sur le registre national des psychothérapeutes sont tenues de valider une formation spécifique. Ces dispositions précisent qu'à défaut de formation, les professionnels sollicitant leur inscription à titre dérogatoire doivent établir qu'à la date de la publication du décret, ils pratiquent leur art depuis au moins cinq années, et justifier de formations précédemment validées et d'une expérience professionnelle pouvant être admises en équivalence de la formation minimale prévue à l'article 1er et, le cas échéant, du diplôme prévu à l'article 6 du même décret.

4. M. D... a, en mai 2011, dans le cadre de la procédure dérogatoire instituée par le décret du 20 mai 2010, présenté auprès de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur une demande d'inscription au registre national des psychothérapeutes, conformément à l'article 16 dudit décret. Le 24 septembre 2012, la commission régionale d'inscription a rendu un avis sur l'autorisation sollicitée par

M. D... précisant que l'intéressé " devra présenter les justificatifs de stage annoncés dans le curriculum vitae. Dans le cas contraire il devra réaliser un stage de deux mois dans un établissement de santé (...) ". Par décision du 22 octobre 2012, le directeur de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a délivré à M. D... une autorisation provisoire permettant l'utilisation du titre de psychothérapeute au motif que l'intéressé ne justifiait pas de l'accomplissement d'un stage de 500 heures au sein d'un établissement de santé, social ou médico-social tel que prévu à l'annexe du décret du

20 mai 2010. Cette décision indiquait que le requérant " devra présenter les justificatifs de stage annoncés dans le curriculum vitae au plus tard le 20 décembre 2012 " et " que dans le cas contraire il devra réaliser un stage de deux mois dans une unité de soins psychiatrique d'un établissement de santé " et ce, avant le 1er janvier 2016. Par une décision du 3 février 2016, le directeur de l'agence régionale de santé, après avoir constaté que M. D... " n'avait pas transmis d'attestation de réalisation du complément de formation dans le délai impartie " a mis un terme, à compter du 1er janvier 2016, à l'autorisation pour l'intéressé de faire usage du titre de psychothérapeute en application de l'article 17 du décret du 20 mai 2010. Pour contester cette décision, M. D... fait valoir qu'il dispose de nombreux diplômes de psychologie et de psychopathologie, qu'il a effectué un stage à l'hôpital Lenval, qu'il détient un doctorat et qu'il justifie d'une pratique professionnelle étendue depuis 20 ans.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... n'a pas transmis dans le délai qui lui était imparti au 1er janvier 2016 une attestation de réalisation du complément de formation, ou des documents permettant d'établir qu'il a satisfait à l'exigence de l'accomplissement d'un stage de 500 heures au sein d'un établissement de santé, social ou médico-social tel que prévu à l'annexe du décret du 20 mai 2010. Le directeur de l'agence régionale de Santé Provence-Alpes-Côte d'Azur , dans la décision attaquée du 3 février 2016, s'est borné à constater que M. D... ne remplissait pas les conditions de formation posées dans l'avis de la commission régionale d'inscription du 22 octobre 2012 et reprises dans sa décision du 22 octobre 2012, à savoir la production des justificatifs de stage annoncés dans son curriculum vitae avant le 20 décembre 2012 ou à défaut de cette production, l'accomplissement d'un stage de 2 mois dans une unité de soins psychiatriques d'un établissement de santé. Cependant au regard du délai écoulé de plus de trois ans entre la décision attaquée et celle de 2012, alors que M. D... était susceptible de faire état de nouvelles formations précédemment validées et d'une expérience professionnelle accrue pouvant être admises en équivalence de la formation minimale, le directeur de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur disposait en 2016 de la faculté d'apprécier la qualité de la pratique professionnelle de l'intéressé, et les arguments de l'intéressé justifiant par ses qualifications professionnelles d'un niveau équivalent à celui que doivent remplir les professionnels souhaitant s'inscrire au registre national des psychothérapeutes. Par suite, c'est à tort que, par la décision du 3 février 2016, le directeur de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est estimé en situation de compétence liée pour retirer l'autorisation en litige. Dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Nice, M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que l'annulation de la décision du 3 février 2016 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé a procédé au retrait de l'autorisation d'user du titre de psychothérapeute.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt implique que le directeur de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur réexamine la demande d'inscription au registre national des psychothérapeutes de M. D..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, l'Etat au nom duquel le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a pris la décision annulée, versera la somme de 2 000 euros à

M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1601974 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La décision du 3 février 2016 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a procédé au retrait de l'autorisation de M. D... d'user du titre de psychothérapeute en application de l'article 17 du décret du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au directeur de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur de réexaminer la demande d'inscription au registre national des psychothérapeutes de

M. D..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au directeur de l'agence régionale de la santé Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.

2

N° 19MA01718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01718
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-035 Santé publique. Professions médicales et auxiliaires médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-26;19ma01718 ?
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