Vu la procédure suivante :
Par une première requête, enregistrée sous le n° 1700098, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 novembre 2016 du ministre de la justice rejetant son recours gracieux contre la décision du 20 septembre 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse refusant de faire droit à sa demande de prolongation d'activité et d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation et de sa demande de prolongation d'activité.
Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1701036, M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse l'a radié des cadres pour atteinte de la limite d'âge.
Par un jugement nos 1700098 et 1701036 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la justice du 8 novembre 2016 et l'arrêté du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 4 janvier 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu qu'il ne contestait pas le rapport sur sa manière de servir en date du 8 septembre 2015 ; dans ses conditions, compte tenu de l'absence de réponse à la mise en demeure de produire un mémoire, adressée au ministre de la justice par le tribunal, ce dernier devait être regardé comme ayant acquiescé aux faits tels que présentés par M. B... ;
- la décision du 8 novembre 2016 est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la décision du 4 janvier 2017 a été signée par une autorité incompétente et est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., capitaine pénitentiaire, relève appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 novembre 2016 par laquelle le ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique formulé le 19 septembre 2016 à l'encontre de la décision du
20 septembre 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse ayant rejeté sa demande de prolongation d'activité et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du
4 janvier 2017 par lequel le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse l'a radié des cadres pour atteinte de la limite d'âge, à compter du 28 mars 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 novembre 2016 du ministre de la justice :
2. Ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, s'il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former, à l'encontre d'une décision administrative, un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté, l'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. Les mêmes règles sont applicables en cas de recours hiérarchique.
Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre de la justice du 8 novembre 2016 rejetant le recours hiérarchique de M. B... contre la décision du
20 septembre 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse doit être écarté comme inopérant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en activité au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur ". Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 issu de l'article 69 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maintien en activité du fonctionnaire au-delà de la limite d'âge du corps auquel il appartient, sur le fondement de ces dispositions, ne constitue pas un droit, mais une simple faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, qui détermine sa décision en fonction de l'intérêt du service, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qui exerce sur ce point un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation.
4. Il ressort des termes de la décision attaquée que le refus d'accorder à M. B... la prolongation d'activité au-delà de la limité d'âge demandée est motivé par la manière de servir de l'intéressé en ce que son " comportement non professionnel (...) ne lui permet plus d'exercer les missions qui lui incombent en qualité de capitaine pénitentiaire. Un rapport circonstancié sur la manière de servir a, en outre, été rédigé et notifié à l'agent le 8 septembre 2016 ".
Si M. B... soutient qu'aucune critique ne peut être valablement formulée à l'encontre de sa manière de servir, et produit plusieurs attestations afin de l'établir, il ressort des pièces du dossier que les dernières années de sa carrière ont été marquées par une relation conflictuelle avec sa hiérarchie, ce qui n'est pas utilement contredit par l'intéressé qui produit de nombreuses pièces tendant au contraire à l'établir, notamment ses dernières évaluations. Dès lors, la décision litigieuse pouvait être prise pour ce seul motif, susceptible d'affecter le bon fonctionnement du service. Dans ces conditions, en refusant d'accorder une prolongation d'activité à M. B... au regard de sa manière de servir, le ministre de la justice n'a pas entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du
13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. M. B..., qui soutient pour la première fois en appel qu'il était victime de harcèlement moral, sans l'établir par des éléments permettant d'en présumer l'existence n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a méconnu le 1° de l'article précité ni son 2°, alors qu'il ne ressort pas des termes de la décision refusant de lui accorder une prolongation d'activité qu'elle aurait été prise par suite d'un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou d'une action en justice afin de faire cesser de tels agissements.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse :
7. Les moyens soulevés par M. B... à l'encontre de cette décision doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 12 à 14 du jugement attaqué, dès lors que celui-ci reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise à ceux-ci.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions attaquées. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 26 janvier 2021.
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N° 19MA01368