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07/01/2021 | FRANCE | N°20MA00337-20MA00860

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 07 janvier 2021, 20MA00337-20MA00860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme B... C... épouse E... ont chacun demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2019 par lesquels la préfète de la Corse-du-Sud a rejeté leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901422, 1901423 en date du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 8

octobre 2019 de la préfète de la Corse-du-Sud en tant qu'il fixe le pays à destinatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme B... C... épouse E... ont chacun demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2019 par lesquels la préfète de la Corse-du-Sud a rejeté leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901422, 1901423 en date du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 8 octobre 2019 de la préfète de la Corse-du-Sud en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. E... sera reconduit d'office, et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2020 sous le n°20MA00337, Mme C... épouse E..., représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 de la préfète de la Corse-du-Sud ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est titulaire, ainsi que son époux et leurs deux enfants, d'un titre de résident de longue durée délivré par les autorités italiennes, de sorte que, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif s'agissant de son époux, qui lui a fait valoir cette circonstance le concernant en première instance, elle ne peut davantage faire l'objet d'une mesure d'éloignement dans un état non membre de l'Union européenne ; les deux membres du couple ne peuvent ainsi être séparés en application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige méconnaît les lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 14 février 2020 sous le n°20MA00860, M. E..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 décembre 2019 en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 de la préfète de la Corse-du-Sud ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le requérant invoque les mêmes moyens que son épouse dans la requête numéro 20MA00337.

La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers de longue durée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme G..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., de nationalité albanaise, relèvent appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 8 octobre 2019 de la préfète de la Corse-du-Sud en tant seulement qu'il fixe le pays de destination duquel M. E... sera reconduit d'office et rejeté le surplus de leur demande.

2. Les requêtes susvisées, qui concernent le même jugement et des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

3. Les époux E... qui soulèvent dans leurs requêtes les moyens tirés de la méconnaissance des lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012, des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, n'apportent aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Bastia sur leur argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination à l'encontre de Mme E... :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à (...) / (...) l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) ".

5. D'autre part, s'agissant d'un étranger bénéficiaire du statut de résident de longue durée-UE dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, notamment du paragraphe 1 de l'article 12 de cette directive en vertu duquel un Etat membre ne peut prendre une décision d'éloignement du territoire de l'Union européenne à l'encontre d'un étranger résident de longue durée dans un autre Etat membre que lorsque l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.

6. Il résulte de ce qui précède que, lorsqu'un étranger est titulaire d'un titre de résident de longue durée dans un Etat membre de l'Union européenne, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Dans le cas où le préfet décide, comme il lui est loisible, d'obliger un tel étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut désigner comme pays de destination un ou des pays n'appartenant pas à l'Union européenne qu'à la condition que l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique, à moins que l'intéressé renonce expressément sur ce point au bénéfice du statut de résident de longue durée en demandant son renvoi vers le pays dont il a la nationalité ou vers un autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

7. Il ressort d'une pièce versée pour la première fois en appel, qu'à la date de la décision contestée, Mme E... était titulaire d'une carte de résident de longue durée-CE délivrée par les autorités italiennes, valable pour une durée illimitée à compter du 12 mars 2014. La préfète de la Corse-du-Sud n'établit pas ni même n'allègue que l'intéressée représenterait une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre ou la sécurité publique. Dès lors, en désignant comme pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office en cas de maintien sur le territoire français à l'expiration du délai de départ volontaire, non seulement le pays dont elle a la nationalité, à savoir l'Albanie, mais également tout autre pays tiers à l'Union européenne, c'est-à-dire en excluant toute possibilité d'être renvoyée en Italie, la préfète de la Corse-du-Sud a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, que d'une part, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a seulement annulé la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre. D'autre part, Mme E... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande, en tant que celle-ci était dirigée contre la décision fixant le pays de destination, en ce qu'elle désigne comme pays de destination des pays tiers à l'Union européenne, dont l'Albanie.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt rejette les conclusions dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par ailleurs, l'annulation partielle de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E..., n'implique par elle-même aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que les époux E... réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901422 et 1901423 du tribunal administratif Bastia du 19 décembre 2019 est annulé en tant seulement qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme E... dirigées contre l'arrêté du 8 octobre 2019 pris à son encontre en tant qu'il fixe le pays de destination.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Corse-du-Sud du 8 octobre 2019 pris à l'encontre de Mme E... est annulé en tant seulement qu'il fixe comme pays de destination des pays tiers à l'Union européenne, dont l'Albanie.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., Mme B... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme G..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 janvier 2021.

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N° 20MA00337, 20MA00860

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00337-20MA00860
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : PADOVANI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-07;20ma00337.20ma00860 ?
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