Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1801655 du 9 avril 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du préfet du Gard du 29 mars 2018 et enjoint à cette autorité de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de trois mois suivant sa notification.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 mai et le 16 octobre 2020, le préfet du Gard demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 avril 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Il soutient que le refus de séjour litigieux ne contrevient ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet du Gard ne sont pas fondés ;
- l'arrêté litigieux contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B..., qui a au demeurant obtenu l'aide juridictionnelle en première instance, a fait l'objet d'une décision d'admission totale à l'aide juridictionnelle par décision du 11 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Gard relève appel du jugement du 9 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 29 mars 2018 portant refus de séjour de M. B..., de nationalité marocaine, lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois suivant sa notification et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais de procédure.
2. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né en 1979, et son épouse, qui vit en France depuis plus de 20 ans, se sont rencontrés sur le territoire français, se sont mariés au Maroc le 5 décembre 2008 et sont parents d'une petite fille, née à Alès le 29 juillet 2010, scolarisée dans cette même commune et qu'ils élèvent ensemble depuis sa naissance. Il ressort également de ces mêmes pièces que Mme B..., titulaire d'une carte de résidente valable jusqu'en 2024 et d'un contrat à durée indéterminée depuis le mois de février 2018 à raison de 25 heures hebdomadaires, est la mère de trois enfants de nationalité française issus d'une précédente union, nés en 1993, 1996 et 2000, dont elle a, avec l'aide de son époux, assuré l'entretien et l'éducation, a ainsi vocation à résider en France, notamment avec sa dernière fille. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la décision de refus de séjour contestée empêche M. B... de résider régulièrement aux côtés de son enfant, à l'éducation duquel il n'est pas contesté qu'il participe, et porte ainsi une atteinte à l'intérêt supérieur de cette dernière au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Gard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 29 mars 2018, lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois suivant sa notification et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais de procédure.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Gard est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Gard, à M. B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.
Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
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N° 20MA01827