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31/12/2020 | FRANCE | N°18MA05079-18MA05090

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 décembre 2020, 18MA05079-18MA05090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Champs Cosmos a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 9 février 2017 par laquelle le préfet de l'Aude s'est opposé à deux projets de parcs éoliens soumis à déclaration en vertu de l'article L. 512-8 du code de l'environnement dénommés " Fitou 3 Est " et " Fitou 3 Ouest " sur le territoire de la commune de Fitou, d'autre part, de l'autoriser à réaliser ces deux projets.

Par un jugement n° 1701692 du 2 octobre 2018, le tribunal administrati

f de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Champs Cosmos a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 9 février 2017 par laquelle le préfet de l'Aude s'est opposé à deux projets de parcs éoliens soumis à déclaration en vertu de l'article L. 512-8 du code de l'environnement dénommés " Fitou 3 Est " et " Fitou 3 Ouest " sur le territoire de la commune de Fitou, d'autre part, de l'autoriser à réaliser ces deux projets.

Par un jugement n° 1701692 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 décembre 2018, le 28 février 2020 et le 7 août 2020, la SARL Champs Cosmos, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 9 février 2017 du préfet de l'Aude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux tiré de l'erreur de droit commise par le préfet dans l'application de l'article R. 414-24 du code de l'environnement en ce qu'il n'a pas démontré que le projet est susceptible d'avoir une incidence significative sur le site Natura 2000 ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu le principe des droits de la défense et celui du contradictoire ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur l'avis rendu par la DDTM alors même que, dès lors que l'évaluation des incidences était complète, le préfet était lié par cette évaluation, qui ne révélait pas d'incidence significative du projet sur le site Natura 2000 ;

- en ne prenant pas en compte les mesures de réduction ou de suppression des effets négatifs des projets en cause sur le site ZPS Basses Corbières telles que proposées dans l'évaluation des incidences, elle méconnaît l'article 6 de la directive " Habitats " et les dispositions de droit interne la transposant, notamment l'article R. 414-23 du code de l'environnement ;

- le préfet était tenu d'examiner si le projet, en ce qu'il a trait à la production d'énergie renouvelable, pouvait être autorisé pour raison impérative d'intérêt public majeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2018, la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 2 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 9 février 2017 du préfet de l'Aude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;

- la décision querellée est entachée d'erreur de droit s'agissant de l'application des dispositions du b) du 1° du II de l'article R. 414-24 du code de l'environnement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant la SARL Champs Cosmos et les observations de Me B..., représentant la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Champs Cosmos a été enregistrée le 28 décembre 2020 dans l'instance 18MA05079.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Champs Cosmos a déposé, le 13 décembre 2016, deux dossiers de déclaration pour un projet de réalisation de deux parcs éoliens dénommés " Fitou 3 Ouest " et " Fitou 3 Est ", composés respectivement de quatre et cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 88 mètres, sur le territoire de la commune de Fitou, dans le périmètre de la zone de protection spéciale (ZPS) " Basses Corbières ", aux lieux-dits " Sarrat del Bouis " et " La Guarrigue ". Par décision du 9 février 2017, le préfet de l'Aude, qui a regardé ces deux parcs comme une unique installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980-2 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, s'est opposé à cette déclaration. Par recours distincts, la SARL Champs Cosmos et la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée relèvent appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par la société tendant à l'annulation de cette décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En estimant, au paragraphe 11 du jugement attaqué, que le préfet de l'Aude n'a " pas commis d'erreur d'appréciation en s'opposant à la déclaration déposée par la société requérante au motif que le projet est de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000 ZPS Basses Corbières " et que " dans les circonstances de l'espèce, le projet éolien en litige serait susceptible d'avoir une incidence significative sur l'avifaune utilisant ou survolant le site ", les premiers juges ont implicitement, mais nécessairement, répondu au moyen soulevé devant eux par la SARL Champs Cosmos tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet dans l'application de l'article R. 414-24 du code de l'environnement en ce qu'il s'est contenté d'observer que le projet porte atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000 sans mentionner si le critère d' " incidence significative " prévu par cet article était bien rempli.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision querellée que, pour s'opposer au projet de la SARL Champs Cosmos, le préfet de l'Aude, après avoir visé les dispositions du II de l'article R. 414-24 du code de l'environnement et le rapport de l'inspection de l'environnement ainsi que l'analyse réalisée par le service chargé de l'instruction des permis de construire déposés par la société requérante, dont il s'est expressément approprié le sens de l'avis rendu et n'a dès lors pas procédé à une simple motivation par référence, a fondé l'opposition en litige sur le fait que l'installation déclarée est, compte tenu de son incidence significative sur le site Natura 2000 ZPS " Basses Corbières " dans lequel il doit s'implanter, de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation de ce site, en ajoutant que ce projet de parc éolien est incompatible avec les objectifs du plan national d'actions " aigle de Bonelli ", et que sa réalisation engendrerait une perte d'habitat pour les espèces répertoriées sur le site ainsi qu'un risque de collision et un possible " effet barrière " pour les espèces le survolant. Ces mentions étaient suffisantes, tant en droit qu'en fait au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, pour permettre à la SARL Champs Cosmos de comprendre et de contester les motifs de la décision opposée à sa déclaration. La circonstance selon laquelle le motif tiré de l'incompatibilité du projet avec les objectifs du plan national d'actions " Aigle de Bonelli " serait erroné en droit, à supposer même cette critique fondée, et le fait que, dans la décision critiquée, les indications relatives à cette incompatibilité ainsi qu'à la perte d'habitat, au risque de collision et à l'effet barrière sont formellement mentionnées distinctement du motif lié à l'atteinte aux objectifs de conservation du site et peuvent ainsi apparaître comme des motifs d'opposition autonomes, n'affecte pas, en l'espèce, le caractère suffisant de cette motivation.

4. En deuxième lieu, il ne résulte aucunement des énonciations du document d'orientation intitulé " développement de l'énergie éolienne dans le cadre de Natura 2000 ", qui fixe les lignes directrices de l'Union européenne concernant le développement de l'énergie éolienne conformément à la législation de l'Union en matière de protection de la nature et qui ne présente pas un caractère normatif, ni d'aucun texte, une quelconque obligation pour l'autorité administrative compétente pour autoriser ou, le cas échéant, s'opposer à un projet susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000, de communiquer au promoteur de ce projet, avant qu'il ne produise l'évaluation des incidences exigée par la réglementation, les avis qu'elle peut être amenée à recueillir auprès des autorités et services compétents en matière environnementale. Par suite, et en tout état de cause, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que, en se fondant, pour justifier son opposition au projet en litige, sur l'avis rendu le 20 janvier 2017 par le service chargé de l'instruction des demandes de permis de construire déposées par la société et sur les conclusions du rapport établi le 6 février 2017 par l'inspection de l'environnement dans le cadre de l'instruction du dossier de déclaration en litige, sans avoir communiqué ces documents à la SARL Champs Cosmos antérieurement à la réalisation de l'évaluation des incidences à laquelle elle a fait procéder, le préfet de l'Aude aurait méconnu le principe des droits de la défense et celui du contradictoire.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement :

" I.- Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) / VI.- L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-24 du même code : " I.- L'autorité administrative compétente pour approuver, autoriser ou s'opposer à un document de planification, un programme, un projet, une manifestation ou une intervention exerce cette compétence dans les conditions prévues par les dispositions des VI, VII et VIII de l'article L. 414-4 en tenant compte, pour l'appréciation de l'absence d'atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000, des éventuels effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions. / II.- Lorsque la législation ou réglementation applicable au régime de déclaration concerné ne permet pas à l'autorité administrative compétente pour instruire un dossier de déclaration de s'opposer au programme, au projet, à la manifestation ou à l'intervention qui a fait l'objet d'une déclaration, cette autorité procède, conformément au VI de l'article L. 414-4, à l'instruction du dossier dans les conditions suivantes : / 1° Dans un délai maximal de deux mois suivant la réception du dossier, l'autorité administrative compétente pour recevoir la déclaration notifie, le cas échéant, au déclarant soit : / a) Son accord pour que le document, programme, projet, manifestation ou intervention entre en vigueur ou soit réalisé ; / b) Son opposition au document ou à l'opération faisant l'objet de la déclaration soit en raison de son incidence significative sur un ou plusieurs sites Natura 2000 si les conditions fixées aux VII et VIII de l'article L. 414-4 ne sont pas réunies, soit en raison de l'absence ou du caractère insuffisant de l'évaluation des incidences ; (...) ".

6. Il résulte expressément des dispositions combinées du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement que de celles du b) du 1° du II de l'article R. 414-24 que le préfet peut s'opposer à un projet soumis à déclaration s'il résulte de l'évaluation des incidences requise que sa réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000, particulièrement lorsque l'incidence de ce projet sur un tel site apparaît significative. Si ces mêmes dispositions permettent également à l'autorité administrative de s'opposer à un projet dans le cas où l'évaluation des incidences n'a pas été réalisée ou si celle-ci se révèle insuffisante, elles ne sauraient toutefois placer cette autorité en situation de compétence liée dans les cas où ladite évaluation est réputée complète.

7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, le préfet de l'Aude a pris en considération l'avis rendu le 20 janvier 2017 par le service chargé de l'instruction des demandes de permis de construire déposées par la société, lequel a d'abord relevé, notamment au vu de l'évaluation des incidences qu'elle a produite et qui fait état de ce que 18 des 26 espèces ayant justifié la désignation de la ZPS " Basses Corbières " ont été observées sur le site d'implantation du projet " Fitou 3 ", que le secteur comptait déjà une dizaine de parcs éoliens dans un rayon de 13 kms en précisant que ces installations avaient été autorisées à une époque où les outils de gestion et de protection de la biodiversité, tels que la législation " Natura 2000 " ou le plan national d'actions " aigle de Bonelli ", n'étaient pas " opérationnels ", et que toutes les éoliennes du projet se situent dans un axe de " migration diffuse " de l'avifaune, quatre d'entre elles se situant dans un axe de " migration majeure ", et présentant donc un risque accru de mortalité par collision. Le service a particulièrement fait mention des effets du projet sur deux des espèces dites " prioritaires ", soit l'aigle de Bonelli et le cochevis de Thékla, et sur une espèce dite " à fort intérêt patrimonial ", l'aigle royal.

8. Pour la première de ces espèces, le service a rappelé que le plan national d'actions " se positionne en défaveur de telles installations dans les domaines vitaux de l'aigle de Bonelli et les zones d'erratisme " en raison du constat d'une perte d'habitat du fait d'une utilisation plus réduite de l'espace situé dans un rayon de 200 mètres autour des éoliennes, et potentiellement un évitement d'une zone de 500 mètres de rayon pouvant engendrer une chute de fécondité des couples voire une délocalisation du site de reproduction ainsi que du risque de collision notamment pour les immatures et les individus erratiques. Il a également relevé que, dans la mesure où la dimension du domaine vital d'un aigle de Bonelli s'étend entre 56 et 142 kilomètres carrés en fonction notamment de la disponibilité des ressources alimentaires, soit un cercle de rayon compris entre 4,2 kilomètres et 6,8 kilomètres, les aigles de Bonelli observés en survol au-dessus de la zone d'implantation envisagée pour le projet sont vraisemblablement ceux installés dans la zone de Sauve Plane faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de protection de biotope et que, en conséquence, " la construction du parc éolien de Fitou 3 est fortement susceptible d'engendrer des impacts négatifs sur la conservation de l'aigle de Bonelli au niveau local et de compromettre les objectifs de conservation du site Natura 2000 " Basses Corbières " et contraire aux objectifs du PNA Aigle de Bonelli ainsi qu'aux démarches locales de protection de l'espèce ".

9. S'agissant du cochevis de Thékla, le service instructeur, après avoir indiqué que les enjeux régionaux de cette espèce de passereaux, strictement méditerranéenne et comptant 300 à 350 couples nicheurs se concentrant majoritairement dans les Corbières Orientales et tout particulièrement sur les communes de Fitou et d'Opoui-Périllos, sont qualifiés de " très forts " et que sa conservation est jugée prioritaire pour la ZPS " Basses Corbières ", a relevé, comme l'a d'ailleurs fait l'évaluation des incidences, que le projet en litige est situé dans une zone de forte présence de la dite espèce. Le service instructeur a indiqué que la construction du parc éolien Fitou 3 pourrait engendrer non seulement des dérangements en phase travaux mais surtout, une perte d'habitat pouvant induire une baisse de la productivité des oiseaux, une augmentation des échecs de reproduction et par conséquent la détérioration des populations remettant ainsi en cause la possibilité d'atteindre les objectifs de conservation de la ZPS. Le service instructeur a également fait état des résultats d'un suivi ornithologique du projet " Fitou 1 ", mené de 2001 à 2009, qui a constaté une diminution des effectifs de cochevis de Thékla et qui laisse entendre qu'elle pourrait être en lien avec l'implantation du parc éolien en raison des modifications directes du milieu, de la fréquentation de la piste créée pour la maintenance du parc qui engendre des perturbations. Le service instructeur a encore indiqué, en se référant au contenu de l'évaluation des incidences produite par la SARL Champs Cosmos, qu'à cette perte d'habitat s'ajoute un risque non négligeable de collision avec les éoliennes, notamment lors des périodes de parades pendant lesquelles les oiseaux volent pendant plusieurs minutes à hauteur intermédiaire, entre 10 et 40 mètres, ce qui les expose aux pâles des petites éoliennes.

10. Enfin, s'agissant de l'aigle royal, le service instructeur a relevé que le projet est également situé au sein du domaine vital de cette espèce qualifiée de " rare et menacée à l'échelle nationale ", trois spécimens ayant été observés à trois reprises en chasse ou s'arrêtant sur un promontoire situé dans la zone d'implantation envisagée et que le projet est donc susceptible d'avoir des impacts négatifs non négligeables sur les enjeux locaux liés à cette espèce et de compromettre les objectifs de conservation du site Natura 2000 " Basses Corbières ".

11. Globalement, le service instructeur a estimé que la réalisation de ce projet engendrerait " une perte d'habitat pour les espèces utilisant le site que ce soit pour leur reproduction ou leur alimentation ", " un risque de collision accru pour les espèces survolant le site (par ex. le circaète Jean-le-Blanc qui chasse sur le site à hauteur d'éolienne) ", enfin " un possible " effet barrière " notamment pour les espèces migratrices " et qu'elle était " de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000 ZPS " Basses Corbières " au travers des incidences significatives qu'il aura sur ce site ".

12. Pour prendre la décision querellée, le préfet a également tenu compte des conclusions du rapport établi le 6 février 2017 par l'inspection de l'environnement dans le cadre de l'instruction du dossier de déclaration en litige, lequel reprend en substance l'avis précédemment mentionné rendu par la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude. Et s'appropriant ces conclusions, le préfet a lui-même constaté que " l'installation déclarée est de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000 "Basse Corbières" " et a en conséquence décidé de s'opposer à son exploitation " compte tenu de l'incidence significative du projet sur le site Natura 2000 ".

13. Au regard des données scientifiques en sa possession, et alors que l'évaluation des incidences produite par la SARL Champs Cosmos fait elle-même état, en phase d'exploitation du parc éolien projeté, d'un impact prévisible qualifié de " faible à moyen " s'agissant du risque de collision pour plusieurs espèces protégées ayant justifié la désignation de la ZPS " Basse Corbières ", soit l'aigle de Bonelli, l'aigle royal, le circaète Jean-le-Blanc, la bondrée apivore, le bruant ortolan, et d'un risque qualifié de " moyen " pour le cochevis de Thékla et le milan noir, ainsi que d'un impact prévisible qualifié de " faible à moyen " s'agissant du " dérangement / perte d'habitat " pour l'aigle de Bonelli, l'aigle royal, le bruant ortolan, le cochevis de Thékla et de " moyen à fort " pour la fauvette pitchou, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que le préfet, alors même que cette évaluation des incidences était complète au sens des dispositions de l'article R. 512-47 du code de l'environnement et que selon ce document, le projet en cause n'aurait pas d'incidences négatives notables quant aux objectifs de conservation des espèces protégées au sein de cette ZPS " Basse Corbières ", s'est opposé par la décision contestée, compte tenu de la particulière sensibilité de ces espèces, du nombre d'espèces concernées, de la nature des atteintes susceptibles de leur être portées et des obligations résultant notamment des articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement, à la réalisation de ce projet sur le fondement des dispositions du b) du 1° II de l'article R. 414-24 du code de l'environnement.

14. En quatrième lieu, la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ayant été entièrement transposée en droit interne, la société requérante ne saurait en tout état de cause utilement invoquer les dispositions de son article 6 pour soutenir que la décision en litige, qui présente un caractère non-règlementaire, est illégale en ce que le préfet n'a pas pris en compte les mesures de réduction ou de suppression des effets négatifs des projets en cause sur le site ZPS Basses Corbières telles que proposées dans l'évaluation des incidences. Par ailleurs, ni les dispositions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement, qui indiquent que l'évaluation des incidences " est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence " et qui détaille le contenu du dossier de cette évaluation, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne prévoient que l'autorité administrative compétente serait tenue de prendre en compte de telles mesures avant de décider de s'opposer à un projet en vertu des dispositions des articles L. 414-4 et R. 414-24 du code de l'environnement. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet n'aurait pas tenu compte des mesures de réduction ou de suppression des effets négatifs du projet en cause proposées dans l'évaluation des incidences, lesquelles, au demeurant, étaient très limitées s'agissant de spécifiquement de l'avifaune dès lors qu'elles consistaient seulement à retenir une variante d'implantation des éoliennes parallèlement à l'axe de migration plutôt qu'une implantation en ligne perpendiculairement à cette axe ainsi qu'un phasage des travaux en dehors de la période de reproduction des espèces protégées.

15. En dernier lieu, pour soutenir que le préfet a méconnu son office en s'abstenant d'envisager la possibilité d'autoriser le projet sur le fondement d'une " raison impérative d'intérêt public majeur " au sens des dispositions des articles L. 414-4 et R. 414-24 du code de l'environnement, la SARL Champs Cosmos se prévaut de ce que la circulaire du 15 avril 2010 relative à l'évaluation des incidences Natura 2000 prévoit que " lorsque l'évaluation des incidences d'un projet d'activité n'a pas permis de retenir une solution alternative, l'autorité décisionnaire doit déterminer si l'activité peut tout de même être autorisée pour des raisons impératives d'intérêt public majeur ". Toutefois, cette circulaire ne présente pas un caractère réglementaire et ne saurait dès lors être utilement invoquée. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation des incidences produite par la société aurait présenté une solution alternative au projet tel que celle-ci l'a envisagé. La circonstance selon laquelle ledit projet a trait à la production d'énergie renouvelable est, à cet égard, sans incidence.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Champs Cosmos et la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête présentée par cette dernière, ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par la société. Par suite, les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SARL Champs Cosmos et de la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Champs Cosmos, à la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

2

N° 18MA05079, 18MA05090

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05079-18MA05090
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS SEHILI - FRANCESCHINI - SEGALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;18ma05079.18ma05090 ?
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