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22/12/2020 | FRANCE | N°19MA03414

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 décembre 2020, 19MA03414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 16 août 2016 et du 18 janvier 2017 par lesquelles le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident de 10 ans.

Par un jugement n° 1703052 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juillet 2019 et le 11 août 2020,

M. B... C..., représenté par Me D...,

demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2019 du tribunal administratif de Montpelli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 16 août 2016 et du 18 janvier 2017 par lesquelles le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une carte de résident de 10 ans.

Par un jugement n° 1703052 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juillet 2019 et le 11 août 2020,

M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler les décisions du 16 août 2016 et du 18 janvier 2017 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident de 10 ans, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de délivrance d'une carte de résident dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le recours contre la décision du 26 août 2016 est recevable ;

- le jugement qui présente une numérotation qui passe du point 6. au point 8. est incomplet et par suite, doit être annulé ;

- en ce qui concerne la décision du 26 août 2016 :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- en lui opposant seulement le manque de ses ressources le préfet a méconnu l'article

L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 18 de la convention relative aux droits des personnes handicapées est méconnu ;

- en ce qui concerne la décision du 16 janvier 2017 :

- faute de saisir le maire de sa commune de résidence pour avis, la procédure est viciée par méconnaissance de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu par le préfet de l'Hérault qui ne démontre pas son défaut d'intégration républicaine ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de la condition d'intégration républicaine dès lors qu'il vit en France depuis 20 ans et qu'il a répondu correctement à

6 réponses sur 12.

Par une décision du 30 avril 2019 M. C... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que recours initial contre la décision du 26 août 2016 est irrecevable, et pour le surplus, que les moyens du requérant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux droits des personnes handicapées ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, né le 18 août 1976 à Taghbalt (Maroc), qui est entré irrégulièrement en France en 1996, a bénéficié le 8 décembre 2009 d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " valable un an renouvelé chaque année, au motif d'une prise en charge médicale pour des soins de longue durée auxquels il ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine. Par une décision du 11 août 2014, annulée par un jugement n° 1405965 du

1er avril 2016 du tribunal administratif de Montpellier, le préfet de l'Hérault a, une première fois, rejeté la demande de carte de résident présentée par M. C... le 30 juin 2014, puis une deuxième fois par une décision du 11 août 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1506650 du 21 septembre 2017 du même tribunal. Par une décision du 26 août 2016, le préfet de l'Hérault a, dans le cadre de l'injonction qui lui avait été faite de réexaminer la demande de carte de résident de M. C... par le jugement du 1er avril 2016, rejeté cette demande. Par décision du 16 janvier 2017, le préfet de l'Hérault a également rejeté son recours gracieux.

M. C... relève appel du jugement n° 1703052 du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

26 août 2016 et de la décision du 16 janvier 2017 prise sur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du jugement attaqué que celui-ci présente un point numéroté 6. et ensuite un point numéroté 8. Le point 7, devant être inséré entre ces deux numéros, qui traite de l'un des motifs du jugement et qui ne figure pas dans l'ampliation adressée par le tribunal à M. C..., constitue le support nécessaire de son dispositif. Ce jugement est donc affecté par l'absence de plusieurs phrases qui rend impossible la compréhension du raisonnement des premiers juges. En outre, l'examen du dossier de première instance ne permet pas de s'assurer que la minute du jugement présenterait de celui-ci une version compréhensible. Par suite, M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 26 août 2017 :

5. Premièrement, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...) ". D'une part, il résulte des dispositions précitées que la carte de résident ne peut pas être délivrée au titulaire d'une carte de séjour temporaire si ses ressources ne sont pas au moins égales au salaire minimum de croissance. D'autre part, ces dispositions ne permettent à l'administration de ne prendre en compte que les ressources propres du demandeur, sans y adjoindre les prestations dont il peut bénéficier au titre de l'aide sociale. Les dispositions précitées de l'article L. 314-8 doivent être interprétées comme excluant la prise en compte non seulement des prestations qu'elles mentionnent mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée aux articles

L. 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale et l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du même code.

6. Pour rejeter la demande de carte de résident présentée par le requérant, le préfet de l'Hérault a relevé que M. C..., qui perçoit l'allocation aux adultes handicapés, ne disposait pas de ressources propres au moins équivalentes au salaire minimum de croissance. Ce faisant, c'est sans erreur de droit, et sans se sentir lié par l'absence de ressources propres de M. C..., que le préfet a considéré que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par l'article

L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance de la carte de résident. Par suite, et alors qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a procédé à un examen réel et complet de la situation personnelle de l'intéressé, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaît l'article

L. 314-8 du code précité.

7. Deuxièmement, les stipulations de l'article 18 de la convention relative aux droits des personnes handicapées disposent que : " 1. Les Etats Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit de circuler librement, le droit de choisir librement leur résidence et le droit à une nationalité, et ils veillent notamment à ce que les personnes handicapées : (...) b) Ne soient pas privées, en raison de leur handicap, de la capacité d'obtenir, de posséder et d'utiliser des titres attestant leur nationalité ou autres titres d'identité ou d'avoir recours aux procédures pertinentes, telles que les procédures d'immigration, qui peuvent être nécessaires pour faciliter l'exercice du droit de circuler librement ; ".

8. M. C... soutient que la décision attaquée, fondée sur l'insuffisance de ses ressources en raison de la non prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est intervenue en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 18 de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Comme indiqué plus haut, les dispositions de l'article L. 314-8 doivent être interprétées comme excluant la prise en compte non seulement des prestations qu'elles mentionnent mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée aux articles L. 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale et l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles

L. 821-1 et suivants du même code. Le refus de délivrance du titre de séjour de résident de longue durée, à un bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour, n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressé, et ne porte donc pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne saurait être regardé comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour. Par suite, eu égard à la portée des stipulations précitées, le moyen sus-analysé ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'administration, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet de l'Hérault du 26 août 2016.

En ce qui concerne la décision du 16 janvier 2017 :

10. Aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat. Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative ".

11. Il est constant que le préfet de l'Hérault s'est abstenu de saisir pour avis le maire de Montpellier, préalablement à l'édiction de la décision en litige, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. C... a nécessairement été privé d'une garantie. Cette irrégularité est de nature à entrainer l'annulation de l'acte attaqué.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'annulation de la décision attaquée, eu égard au motif sur lequel elle se fonde, implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la demande de M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à cet examen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

14. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées à celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que

Me D..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros devant être versée directement à cet avocat.

.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703052 du 12 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 16 janvier 2017 du préfet de l'Hérault est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de certificat de résidence présentée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me D..., au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2020.

2

N° 19MA03414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03414
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-22;19ma03414 ?
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