Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... I... et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler d'une part, la délibération du 26 octobre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Avignon a créé l'emploi de responsable du pôle muséal, directeur du musée Calvet et d'autre part, la décision nommant Mme B... dans l'emploi de responsable du pôle muséal, directrice du musée Calvet.
Par jugement n° 1603979 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du 26 octobre 2016 du conseil municipal d'Avignon en tant qu'elle porte création d'un emploi de directeur du musée Calvet en charge de la gestion des collections du musée Calvet et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, la commune d'Avignon, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a annulé la délibération du 26 octobre 2016 en tant qu'elle porte création d'un emploi de directeur du musée Calvet en charge de la gestion des collections du musée Calvet ;
2°) de rejeter la demande de MM. I... et de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de MM. I... et de M. D... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que la Fondation Calvet aurait dû être appelée en la cause pour répondre au moyen d'ordre public invoqué par le tribunal tiré de l'incompétence du conseil municipal pour créer l'emploi en litige ;
- à titre principal, le conseil municipal n'était pas incompétent pour procéder à la création de l'emploi de directeur du musée municipal Calvet ;
- en tout état de cause, la commune pouvait légalement mettre à disposition de l'établissement public autonome Fondation Calvet un fonctionnaire municipal sur l'emploi permanent litigieux ainsi créé, en application des articles 61 et 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article 35-1 du décret n° 88-145 ;
- le moyen tiré de ce que le conseil d'administration du musée Calvet aurait dû être préalablement consulté est dépourvu de précisions suffisantes ;
- il est inopérant dès lors que la délibération en litige n'a pas ni objet ni pour effet de nommer une directrice de la Fondation Calvet ;
- il est aussi infondé dès lors que la délibération en litige ne méconnaît pas les articles I et IV du règlement du musée Calvet de 1832 ;
- le moyen tiré de ce que l'article 6 du règlement de 1832 exige une liste triple de candidats est imprécis et inopérant ;
- il est infondé, dès lors que la commune a créé depuis un musée municipal ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du testament du sieur Calvet du 10 janvier 1810 est dépourvu de précisions suffisantes ;
- les conclusions dirigées contre la nomination de Mme B... ont été rejetées à bon droit comme irrecevables par le tribunal ;
- le moyen tiré de ce que le conseil d'administration n'a pas présenté une triple liste de candidats est inopérant et infondé ;
- le moyen tiré de ce que cette nomination a été prise par une autorité incompétente est dépourvu de précision suffisante ;
- par la voie de l'exception, cette décision subséquente de la délibération en litige n'est pas dépourvue de base légale ;
- à titre subsidiaire, l'illégalité de cette nomination devra conduire au report des effets dans le temps de son annulation partielle.
Par lettre du 24 mai 2019, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 4 juillet 2019 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été enregistré le 18 juillet 2019 pour MM. I... et de M. D..., postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la commune d'Avignon et Me C... représentant MM. I... et D....
Une note en délibéré a été produite le 8 décembre 2020 pour MM. I... et D....
Une note en délibéré a été produite le 10 décembre 2020 pour la commune d'Avignon.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération en litige du 26 octobre 2016, le conseil municipal de la commune d'Avignon a décidé de créer un emploi de responsable du pôle muséal, directeur du musée Calvet. Par la décision litigieuse subséquente, Mme B... a été nommée sur le poste ainsi créé. MM. I... et de M. D..., membres du conseil d'administration du musée Calvet et exécuteurs testamentaires du testament du sieur Calvet, ont demandé l'annulation de cette délibération et de cette décision. Par le jugement dont la commune d'Avignon relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté pour irrecevabilité leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision nommant Mme B... sur l'emploi créé le 26 octobre 2016 et a annulé la délibération du 26 octobre 2016 en tant seulement qu'elle créée l'emploi de directeur du musée Calvet et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour procéder à l'annulation partielle de la délibération en litige, les premiers juges se sont fondés sur le moyen, qu'ils ont soulevé d'office, tiré de l'incompétence du conseil municipal de la commune d'Avignon pour créer l'emploi de directeur du musée Calvet, dès lors que le musée Calvet présentait le caractère d'un établissement public communal juridiquement distinct de la commune d'Avignon. La circonstance que le musée Calvet n'a pas été appelé en la cause n'est pas susceptible d'affecter la régularité du jugement attaqué, dès lors que cet établissement public, s'il s'estime lésé par ce jugement, pourra former tierce opposition à cette décision juridictionnelle en application de l'article R. 832-1 du code de justice administrative. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions principales de la commune :
3. Pour annuler la délibération du 26 octobre 2016 du conseil municipal en tant qu'elle créée l'emploi de directeur du musée Calvet, les premiers juges ont estimé que, si l'emploi de "responsable du pôle muséal les musées d'Avignon" entrait dans le champ des compétences territoriales de la commune d'Avignon, en revanche ce conseil n'était pas compétent pour créer un emploi de "directeur du musée Calvet" en charge de la gestion des collections de ce musée qui constitue un établissement public communal autonome.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du testament du docteur Esprit Calvet du 18 janvier 1810, du décret impérial du 9 avril 1811 et du règlement intérieur du musée Calvet dressé par le Conseil d'Etat le 19 mars 1823, que le "musée Calvet" devenu "Fondation Calvet", est soumis quant à son administration à des règles particulières établies par la volonté du testateur et qu'il présente, quelle que soit sa dénomination, le caractère d'un établissement public administratif communal juridiquement distinct de la commune, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif de Nîmes dans son jugement définitif n° 1200898 du 20 décembre 2012. La délibération attaquée, qui vise notamment à renforcer les liens entre les différents musées, fondations et collections d'art avignonnais et de mutualiser les ressources de ces établissements artistiques, crée à la tête de ce pôle "les musées d'Avignon" un poste de responsable de pôle. Elle prévoit aussi que ce responsable du pôle exercera simultanément les fonctions de "directeur du Musée Calvet". Si la commune soutient que les premiers juges ont opéré une confusion entre la "Fondation Calvet", établissement public autonome et le "Musée Calvet", à savoir le service municipal des musées placé sous l'autorité du maire qui gère, entre autres musées, le fonctionnement du musée Calvet proprement dit, la délibération en litige précise expressément, contrairement à ce que soutient la commune, que le directeur du musée Calvet sur le poste ainsi créé aura en charge la gestion des collections de ce musée Calvet, ce qui ne peut être regardé comme un simple contrôle du fonctionnement de ce musée. La circonstance que la commune pouvait légalement recruter un de ses agents ou un agent contractuel pour être mis à disposition de l'établissement public "la Fondation Calvet" sur l'emploi permanent litigieux ainsi créé, en application des articles 61 et 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, est sans incidence sur la légalité de la délibération en litige qui crée l'emploi de directeur du musée Calvet. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le conseil municipal de la commune d'Avignon n'était pas compétent pour créer l'emploi de directeur de ce musée Calvet.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Avignon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la délibération du 26 octobre 2016 du conseil municipal d'Avignon en tant qu'elle porte création d'un emploi de directeur du musée Calvet en charge de la gestion des collections de ce musée.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires de la commune :
6. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
7. Toutefois, d'une part, l'annulation rétroactive de la délibération créant l'emploi sur lequel Mme B... a été recrutée n'emporte pas par elle-même annulation de son contrat. Certes, ce contrat étant dépourvu de base légale, son exécution ne peut se poursuivre. Cependant, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. L'administration est tenue de lui proposer une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Dès lors, compte tenu des droits attachés au contrat de recrutement de Mme B..., l'annulation de la délibération litigieuse ne portera pas une atteinte excessive à ses intérêts privés.
8. D'autre part, un agent irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ses fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée. Dans ces conditions, le caractère rétroactif de l'annulation de la délibération litigieuse n'est, en tout état de cause pas de nature à porter une atteinte excessive au service public communal des musées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de MM. I... et de M. D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Avignon est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Avignon, à M. H... I... et à M. F... D....
Copie en sera adressée à Mme E... B....
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme Simon, président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
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N° 18MA05139