La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2020 | FRANCE | N°18MA04652

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 18 décembre 2020, 18MA04652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1806363 du 13 septembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2018, M. A..., représ

enté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2018 du magistrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1806363 du 13 septembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de réexamen de sa situation, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 24 de la loi relative aux citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se référant à ses écritures en défense de première instance.

Par ordonnance du 6 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2019.

Un mémoire a été enregistré le 7 décembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité comorienne, a été interpellé le 2 août 2018 par les services de police en situation irrégulière sur le territoire français. Par l'arrêté en litige du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par le jugement dont M. A... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. A... déclare être entré en France en 2015. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la mesure d'instruction ordonnée par la Cour sur ce point, qu'il est uni par un pacte civil de solidarité (PACS) depuis le 18 mars 2016 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire depuis décembre 2010 constamment renouvelée depuis cette date et qu'elle est désormais titulaire, par la dernière décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 mai 2018, d'une carte de résident lui donnant vocation à résider durablement en France. Deux enfants sont nés le 23 février 2016 et le 23 septembre 2017 en France de cette union. Il ressort des pièces du dossier que le requérant partage une communauté de vie avec sa compagne et ses enfants. Dans ces conditions, M. A... établit avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, et alors même que le requérant n'a jamais demandé de titre de séjour depuis son arrivée en France et qu'il ne fait valoir aucune intégration socio-professionnelle en France, le préfet a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision d'éloignement en litige ne méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté du 2 août 2018 en litige par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, la décision portant absence de délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône procède au réexamen de la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'il a engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 13 septembre 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 500 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-12 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

5

N° 18MA04652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04652
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BOUYADOU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-18;18ma04652 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award