Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2000828 du 28 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 17 février 2020 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA01558 le 3 avril 2020, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 avril et 20 novembre 2020, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 février 2020 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est entaché de contradiction de motifs et de " dénaturation de moyen d'annulation " ; d'une part, le magistrat désigné ne pouvait à la fois annuler la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une insuffisance de motivation et écarter le même moyen soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ; d'autre part, il s'est contredit en jugeant à la fois que le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que sa fille pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le jugement a annulé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français qui n'a pas été expressément prise par le préfet ;
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance, au regard des stipulations de l'article 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des droits des enfants d'entretenir des relations personnelles et familiales avec leurs ascendants en France au sens des dispositions de l'article 371-4 du code civil ;
- il n'a pas fait usage du pouvoir qu'il tient de la loi pour assurer à l'enfant, et en particulier l'enfant handicapé, la protection prévue par la convention internationale relative aux droits de l'enfant et son préambule ;
- il a commis une erreur de droit dans sa réponse au moyen d'annulation tiré de l'absence de prise en compte de l'état de santé de l'enfant malade au sens du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce jugement a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du même code et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il est également constitutif d'une discrimination à raison de l'état de santé et du handicap de l'enfant ;
- ce jugement est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant au sens de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des circonstances de nature à faire obstacle à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas statué, dans l'arrêté litigieux, sur l'intérêt supérieur des enfants au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et s'est directement prononcé sur la question de savoir si ces stipulations étaient méconnues par la décision contestée ;
- il ne s'est pas davantage prononcé sur le moyen tiré du détournement de procédure commis par le préfet en retenant au titre de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français les seules décisions de refus de titre de séjour qui lui ont été opposées en 2012 et 2014, alors qu'une décision implicite de refus de séjour est née du silence gardé pendant quatre mois sur sa demande présentée le 3 octobre 2017 ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français mentionne des éléments de fait erronés ;
- elle est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et n'a pas été prise à l'issue d'un examen complet de sa situation ;
- la décision viole, au regard des stipulations de l'article 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les droits des enfants d'entretenir des relations personnelles et familiales avec leurs ascendants en France au sens des dispositions de l'article 371-4 du code civil ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle, professionnelle et familiale en France ;
- il se prévaut de la circulaire NOR INTK 1229185C du 28 novembre 2012 ;
- le préfet n'a pas pris en compte sa situation particulière, notamment la pathologie de sa fille, et ne s'est pas prononcé sur son droit au séjour en qualité de parent d'un enfant malade ; il a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de son préambule et de celui de la déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959, dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants et en particulier celui de sa fille handicapée ;
- elle viole également les dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- aucun des articles de l'arrêté attaqué ne mentionne une interdiction de retour pour une durée déterminée ;
- il n'est pas précisé dans quel cas entre sa situation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni la durée de l'interdiction ;
Sur la mesure d'assignation à résidence :
- elle doit être annulée pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.
Par une intervention, enregistrée le 29 octobre 2020, l'association Conseil Ecoute Handicap 06 demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n° 20MA01558 par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par M. A... C....
La requête et les mémoires ont été communiqués au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA01815 le 14 mai 2020, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 28 février 2020 ;
2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour ait statué au fond ;
3°) d'ordonner, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, que la décision soit exécutoire dès qu'elle aura été rendue ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- eu égard en particulier à sa situation familiale et celle de sa fille atteinte d'autisme sévère, l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables pour lui-même ;
- les moyens de la requête au fond figurant dans le mémoire joint en annexe présentent un caractère sérieux.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., de nationalité égyptienne, né le 28 avril 1974, a fait l'objet d'un arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... C... relève appel du jugement du 28 février 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a uniquement accueilli ses conclusions aux fins d'annulation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français précitée.
2. Les affaires enregistrées sous les n°s 20MA01558 et 20MA01815 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 20MA01558 :
En ce qui concerne l'intervention de l'association Conseil Ecoute Handicap 06 :
3. L'association Conseil Ecoute Handicap 06 ne justifie pas, en l'espèce, d'un intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est irrecevable.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... est présent de manière habituelle sur le territoire français depuis son mariage le 19 décembre 2012 à Marseille avec une ressortissante algérienne, avec laquelle il a eu deux enfants nés à Nice respectivement le 4 avril 2014 et le 5 octobre 2015. En outre, sa fille Anya, âgée de cinq ans à la date de la décision contestée, souffre d'un trouble du spectre de l'autisme, pathologie diagnostiquée dès l'âge de deux ans et pour laquelle elle a bénéficié d'une prise en charge pluridisciplinaire dès 2017 au centre d'action médico-sociale précoce relevant du centre hospitalier de Cannes. Un certificat médical daté du 28 mars 2019 indique notamment que l'enfant bénéficie actuellement d'une prise en charge hebdomadaire associant psychothérapie, psychomotricité, suivi socio-éducatif et que ses deux parents l'accompagnent régulièrement au centre. Elle est par ailleurs partiellement scolarisée en maternelle avec l'appui d'une assistante de vie scolaire. Deux certificats du praticien la suivant au centre hospitalier précité en date des 25 novembre 2019 et 18 février 2020 attestent du suivi de l'enfant au centre médico-psychologique " les Violettes " depuis au moins le 13 septembre 2019 au rythme de quatre demi-journées par semaine d'hospitalisation de jour. Il ressort également d'un certificat du 1er avril 2020 émanant du même praticien, que l'enfant souffre de troubles d'" autisme infantile sévère ", lui conférant le statut d'enfant handicapé et nécessitant la présence d'une tierce personne en continu. L'ensemble de ces dispositifs ont contribué à améliorer son état, qui demeure préoccupant, alors qu'Anya présente un âge où la réalisation des soins appropriés a une incidence décisive sur son développement futur. Par ailleurs, M. A... C... établit, par la production de bulletins de salaires quasiment sans discontinuer depuis septembre 2013, exercer une activité salariée en qualité de commis de cuisine ou de boucher, l'intéressé versant à cet égard, un contrat à durée indéterminée au sein de la SARL Boucherie de Fabron conclu le 1er août 2016, au titre duquel il perçoit une rémunération d'environ 1 800 euros par mois. Par suite, eu égard au suivi médical stable dont bénéficiait sa fille à la date de la décision attaquée ainsi que des conséquences sur son état de santé en cas de changement d'environnement, et de la circonstance que M. A... C... subvient seul aux besoins de sa famille, l'appelant est fondé à soutenir que la mesure d'éloignement que lui a notifiée le préfet des Alpes-Maritimes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
5. Par voie de conséquence, les décisions du même arrêté par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a fixé le pays de destination et a assigné à résidence M. A... C..., dont les conclusions aux fins d'annulation présentées en première instance étaient assorties du moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et étaient ainsi recevables contrairement à ce que faisait valoir le préfet devant le tribunal administratif, sont privées de base légale et doivent être annulées.
6. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination et la mesure d'assignation à résidence qui ont été notifiées à M. A... C..., n'implique pas par elle-même la délivrance d'un titre de séjour à ce dernier. Par suite, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 20MA01815 :
9. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement présentées par M. A... C..., dans sa requête enregistrée sous le n° 20MA01815, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces dernières conclusions, ainsi que celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de l'association Conseil Ecoute Handicap 06 présentée dans la requête n° 20MA01558 n'est pas admise.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement contesté, ainsi que celles aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, présentées par M. A... C... dans sa requête n° 20MA01815.
Article 3 : Les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant l'assignation à résidence de M. A... C..., contenues dans l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 février 2020, sont annulées.
Article 4 : Le jugement n° 2000828 du 28 février 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. A... C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 20MA01558 et n° 20MA01815 de M. A... C... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20MA01558, 20MA01815
mtr