Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1700828 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a accordé à M. A... la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 20 mars 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions supplémentaires sur les revenus au titre des années 2012 et 2013 ;
3°) d'annuler la condamnation de l'Etat au versement de frais d'instance au profit de M. A....
Il soutient que M. A... ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 octies du code général des impôts dans le cadre de l'exercice de son activité de kinésithérapeute, au motif qu'il n'a fait que reprendre l'activité préexistante de MM. Gobin, Vivona, Azzaro, Grimaldi et Poizac.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, ainsi qu'un mémoire en production de pièces, enregistré le 8 septembre 2020, M. A..., représenté par la Selarl Lexalto agissant par Me F..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation de la décharge accordée par le tribunal et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le moyen invoqué par le ministre n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerce une activité de masseur-kinésithérapeute, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 résultant de la remise en cause, par l'administration fiscale, de l'abattement en faveur des activités implantées en zone franche urbaine prévu par l'article 44 octies du code général des impôts dont il avait bénéficié sur ces deux années à hauteur de 20 % des bénéfices réalisés. Par un jugement n° 1700828 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des impositions précitées. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.
Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :
2. Aux termes de l'article 44 octies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines (...), sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. (...) pour les entreprises de moins de cinq salariés, ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %,60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. / V. (...) / L'exonération ne s'applique pas aux contribuables qui créent une activité dans le cadre d'un transfert, d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes exercées dans les zones franches urbaines ou qui reprennent de telles activités, sauf pour la durée restant à courir, si l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié du régime d'exonération prévu au présent article. (...) ".
3. Ces dispositions instituent une exonération temporaire d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés au profit des contribuables qui créent ou exercent des activités dans certaines zones franches urbaines. Il résulte des dispositions du I de l'article 44 octies du code général des impôts que le bénéfice du régime de faveur qu'elles instituent au profit des contribuables dont les activités sont implantées en zones franches urbaines est subordonné, pour les contribuables n'y exerçant pas leurs activités au 1er janvier 1997, date de délimitation de ces zones, à la création d'activités dans une de celles-ci avant le 31 décembre 2001.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
5. Il résulte de l'instruction, notamment du justificatif de l'enregistrement de son établissement au registre SIRENE le 1er octobre 2001, d'une attestation de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône datée du 8 septembre 2020, d'une attestation de la caisse de retraite des auxiliaires médicaux Carpimko du 4 septembre 2020, ainsi que de diverses attestations de professionnels de santé exerçant dans le 16ème arrondissement de Marseille, versés au dossier d'appel, que M. A... exerce, depuis le 1er octobre 2001, son activité de masseur-kinésithérapeute au sein d'un cabinet situé au n° 87 de la rue Condorcet à Marseille (13016), en zone franche urbaine. A la suite du contrôle sur pièces dont il a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération explicitée au point 1, au motif qu'il avait, non pas créé une activité en zone franche urbaine, mais seulement repris l'activité exercée initialement par MM. Gobin, Vivona, Azzaro, Grimaldi et Poizac qui, pour trois d'entre eux, avaient pu bénéficier de cette exonération à compter du 1er janvier 1997, date de création de la zone franche urbaine, jusqu'au 31 décembre 2011. A cet égard, l'administration s'est uniquement fondée sur une convention d'intégration de M. C... datée du 17 décembre 2010, qui mentionne qu'en application d'une " convention d'intégration " du 5 janvier 2004, M. A... a acquitté la somme de 46 688 euros en contrepartie d'un droit de présentation à la clientèle de MM. Gobin, Vivona, Azzaro, Grimaldi et Poizac. Toutefois, et d'une part, cette dernière convention n'est pas produite par l'administration alors que le requérant nie son existence même et qu'il soutient sans être contesté qu'un tel acte, s'il avait été conclu, aurait fait l'objet d'un enregistrement auprès des services fiscaux de sorte que l'administration aurait été en mesure de le produire. D'autre part, il résulte de l'instruction que si M. A... exerce son activité au sein de la société civile de moyens (SCM) Kinés Saint-André, dont les associés sont précisément MM. Gobin, Vivona, Azzaro, Grimaldi et Poizac, et dans laquelle il est entré le 5 janvier 2004, en vertu d'une convention de cession de parts sociales signée le même jour et produite à l'instance, il n'a bénéficié à cette occasion d'aucun droit de présentation à la patientèle des autres associés. En outre, comme le relève le requérant, et ainsi que cela ressort des statuts de la SCM précitée, cette dernière est uniquement constituée en vue de mettre en commun les moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice, à titre individuel, de leur activité de kinésithérapeute par chacun des associés. M. A... soutient d'ailleurs, sans être sérieusement contesté, qu'il bénéficie bien d'une patientèle propre qu'il s'est constituée lui-même, dès l'accomplissement des formalités administratives d'enregistrement. Cette affirmation est en outre corroborée par la circonstance que son chiffre d'affaires a été en constante progression depuis le démarrage de son activité, puis, à compter de son entrée au sein de la SCM, de même que celui des autres associés, demeurés dans la société, et qui n'ont par conséquent pas pu lui avoir cédé une partie de leur clientèle. Enfin, la seule circonstance que, par actes du 15 janvier 2004, des fonds de commerce de cabinet de kinésithérapie ont été acquis auprès de MM. Grimaldi et Vivona n'est pas de nature à infirmer ce constat, alors surtout qu'il résulte de l'instruction que ces derniers ont continué à exercer leur activité de kinésithérapeute. Par suite, c'est à tort que l'administration a pu considérer que M. A... avait repris l'activité préexistante de kinésithérapie exercée par MM. Gobin, Vivona, Azzaro, Grimaldi et Poizac et a, pour ce motif, remis en cause le bénéfice à son profit du régime d'exonération des bénéfices prévu par l'article 44 octies du code général des impôts qu'il avait sollicité au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Sur les frais de justice :
7. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. A....
8. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. D... A....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
2
N° 19MA01320
mtr