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15/12/2020 | FRANCE | N°19MA01128

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 décembre 2020, 19MA01128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de la métropole Aix-Marseille-Provence, trois parcelles estimées nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté d'Empaillères sur le territoire de la commune de Saint-Victoret (13730) comprenant la parcelle cadastrée AI 95 dont ils sont propriétaires.

Par un jugement n° 1606705 du 10 janvier 2019, le

tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. et Mme C....

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de la métropole Aix-Marseille-Provence, trois parcelles estimées nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté d'Empaillères sur le territoire de la commune de Saint-Victoret (13730) comprenant la parcelle cadastrée AI 95 dont ils sont propriétaires.

Par un jugement n° 1606705 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. et Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 mars 2019 et les 2 juillet, 3 août et

5 septembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Candon, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de la métropole Aix-Marseille-Provence comme nécessaire à la réalisation de la zone d'aménagement concerté d'Empaillères sur le territoire de la commune de Saint-Victoret (13730), la parcelle cadastrée AI n° 95 dont ils sont propriétaires.

Ils soutiennent que :

- l'article 1er du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été méconnu ;

- l'article L. 311-2 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- l'article R. 122-5 2 du code de l'environnement a été méconnu ;

- le principe d'égalité a été méconnu ;

- le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable sur l'inclusion dans le périmètre d'expropriation de leur parcelle AI n° 95, ce qui entache d'irrégularité l'arrêté attaqué ;

- l'état parcellaire soumis au commissaire enquêteur est entaché d'une erreur sur la nature de leur parcelle qui est bâtie et non en terrain nu, ce qui vicie la procédure d'enquête parcellaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février et 20 août 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, demande à la Cour de rejeter la requête présentée par M. et Mme C....

Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Burtez-Doucede, demande à la Cour de rejeter la requête présentée par M. et Mme C..., et de mettre à la charge des appelants la somme de 3 000 euros de frais d'instance.

Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 septembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au

25 septembre 2020 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 25 septembre 2020 pour la métropole Aix-Marseille-Provence n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

- et les observations de Me Reboul, substituant Me Burtez-Doucede, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

Une note en délibéré présentée pour la métropole Aix-Marseille-Provence a été enregistrée au greffe le 7 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 novembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) d'Empaillières sur le territoire de la commune de Saint-Victoret. Par arrêté du 10 mars 2016, le préfet a déclaré cessibles, au bénéfice de la métropole Marseille-Aix-Provence, les parcelles nécessaires à la réalisation de la ZAC, dont la parcelle cadastrée AI n° 95, appartenant à M. et Mme C.... Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 9 août 2016, M. et Mme C... ont demandé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 mars 2016. Par jugement du 10 janvier 2019 dont ils font appel, ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Premièrement, aux termes de l'article R. 131-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - Lorsque les communes où sont situés les immeubles à exproprier se trouvent dans un seul département, l'expropriant adresse au préfet du département, pour être soumis à l'enquête dans chacune de ces communes, un dossier comprenant : 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ; 2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens (...) ".

3. Deuxièmement, l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose : " A l'expiration du délai fixé par l'arrêté prévu à l'article R. 131-4, les registres d'enquête sont clos et signés par le maire et transmis dans les vingt-quatre heures, avec le dossier d'enquête, au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles de l'éclairer. Pour cette audition, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. ". Il résulte de ces dispositions que l'avis du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête porte sur l'emprise des ouvrages projetés et préalablement identifiés en vue de la réalisation de l'opération projetée.

4. Troisièmement, aux termes de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 ".

5. Quatrièmement, aux termes du premier alinéa de l'article 7 du décret n° 55-22 du

4 janvier 1955 susvisé : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines ". Il résulte de ces dispositions, eu égard à l'objet et à la portée de l'arrêté déclarant cessibles les parcelles nécessaires à un projet déclaré d'utilité publique, que cet acte ou, le cas échéant, ses annexes, doivent permettre d'identifier les parcelles concernées et leurs propriétaires. En outre, l'arrêté de cessibilité et l'état annexé doivent faire apparaître la nature et la consistance précise et exacte des parcelles déclarées cessibles.

6. Il résulte de l'instruction, que, sur la parcelle de M. et Mme C..., est érigée une construction, répertoriée au plan cadastral de la commune de Saint-Victoret depuis l'année 2009, et qui se compose d'un bâtiment à usage d'habitation de 140 m² implanté sur un terrain de

4 444 m², relié aux réseaux d'assainissement et électrique, et que les intéressés justifient recevoir des avis d'imposition à la taxe foncière et à la taxe d'habitation, à raison de sa propriété et de son occupation. Il est constant que cette construction à usage d'habitation bâtie a été érigée en méconnaissance du permis de construire délivré le 7 septembre 2010 pour un entrepôt, et que le dossier d'enquête parcellaire a répertorié la parcelle AI n° 95 comme un terrain en nature de terre. Le commissaire enquêteur, dans son rapport d'enquête parcellaire du 16 novembre 2015, a d'ailleurs relevé l'anomalie résultant de l'état parcellaire qui mentionne un terrain nu alors que celui-ci est bâti. Il a rendu un avis favorable à l'issue de l'enquête parcellaire, assorti de deux " conditions suspensives " portant sur la parcelle AI n° 95, tirées d'une part, de la nécessité de respecter le principe de non expropriation des parcelles bâties appliqué dans le cadre de la procédure litigieuse qui n'a visé aucune des parcelles bâties inscrite dans le périmètre de l'opération, et d'autre part, de la nécessité de corriger l'état parcellaire pour y intégrer la construction de 140 m².

7. Il ne résulte d'aucune disposition légale que le commissaire-enquêteur désigné dans une enquête parcellaire puisse donner un avis avec des " conditions suspensives " ou des réserves à la différence du commissaire enquêteur désigné dans le cadre d'une enquête portant sur l'utilité publique d'une opération. Il s'ensuit qu'au cas d'espèce, la circonstance que l'avis ainsi émis ne serait pas totalement favorable est sans incidence, le code de l'expropriation d'utilité publique n'attachant aucune conséquence à l'existence d'un éventuel avis défavorable donné par le commissaire enquêteur au stade de l'enquête parcellaire.

8. Toutefois, il est constant qu'une erreur entache la désignation de la nature de la parcelle des requérants, qualifiée de terrain nu et non de terrain bâti, tel qu'inscrit au cadastre. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. et Mme C... sont fondés à soutenir qu'en retenant que l'état parcellaire indiquant un terrain nu n'est pas inexact dès lors que la construction qui y est érigée l'a été en méconnaissance du permis de construire alors délivré, les premiers juges ont fait une application erronée du 2 de l'article R. 131-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui exige que la liste des propriétaires soit établie notamment à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre, lesquels font mention de la nature de l'immeuble en cause. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, il s'ensuit que l'arrêté du 10 mars 2016 du préfet des

Bouches-du-Rhône qui déclare cessible cette parcelle en nature de terre, alors que l'état cadastral relatif à cette parcelle mentionne qu'elle porte un bâtiment, a été pris à l'issue d'une procédure d'enquête parcellaire irrégulière, sans que puisse y faire obstacle le caractère illégal ou non de cette construction. Par voie de conséquence, M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté de cessibilité attaqué en tant qu'il déclare cessible la parcelle AI n° 95.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation du jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ainsi que de l'arrêté de cessibilité attaqué en tant qu'il déclare cessible la parcelle AI n° 95.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme C..., qui ne sont pas la partie perdante, la somme que demande la métropole Aix-Marseille-Provence, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606705 du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de la métropole Marseille-Aix-Provence, les parcelles nécessaires à la réalisation de la ZAC, est annulé en tant qu'il désigne la parcelle cadastrée AI n° 95, appartenant à M. et Mme C....

Article 3 : Les conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à Mme G... C..., à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

2

N° 19MA01128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01128
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-01-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Enquêtes. Enquête parcellaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-15;19ma01128 ?
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