Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti, à hauteur de 32 107 euros au titre de l'année 2013 et de 18 615 euros au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1802969 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont le montant sera ultérieurement indiqué à la Cour.
Il soutient que :
- ses observations du 5 janvier 2017, en réponse à la proposition de rectification du 14 novembre 2016, sont constitutives d'une réclamation dont l'administration n'a pas tenu compte ; par ce courrier, il lui indiquait qu'il avait fait l'objet d'une double imposition dès lors qu'il avait déclaré au titre des revenus 2016 les sommes taxées au titre des distributions de la part de la société à responsabilité limitée (SARL) COREP au titre des années 2013 et 2014 ;
- il a bénéficié, par vote de l'assemblée générale de la société COREP du 27 janvier 2016, d'une distribution de dividendes de 206 167,51 euros affectés, à hauteur de 31 957 euros au paiement à la source des prélèvements sociaux y afférents, et son compte courant a été apuré ; ces dividendes ont été soumis à l'impôt sur les revenus de l'année 2016 ;
- les impositions supplémentaires mises en recouvrement au titre de 2013 et 2014 constituent une double imposition du revenu de 206 168 euros, objet de la décision de distribution de dividendes actée le 27 janvier 2016, et sont par conséquent contraires à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles revêtent un caractère manifestement excessif, confiscatoire et disproportionné ;
- il se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 19 septembre 1957, reprise notamment à la documentation de base 4-J 1212 du 1er novembre 1995 et au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 du 12 septembre 2012, par laquelle l'administration admet de ne pas imposer comme revenus distribués les sommes que le contribuable établit avoir remboursées à la société distributrice, cette instruction subordonnant cette tolérance à la condition que " le remboursement ait été effectivement opéré à une date antérieure à celle de la réception par la société de l'avis de vérification dudit exercice ou en cas de contrôle inopiné, antérieurement au passage du vérificateur " ; selon le Conseil d'Etat, la doctrine exprimée dans la note du 19 septembre 1957 peut même être invoquée dans le cas où le remboursement est antérieur à la mise en recouvrement de l'impôt ; par analogie, une telle tolérance doit être appliquée dans le cas d'une régularisation opérée par les associés par une décision de distribution de dividendes prise antérieurement à toute procédure de rectification et accompagnée du paiement de l'impôt correspondant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de M. B....
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) COREP, dont M. B... est gérant et associé à hauteur de 50 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'occasion de laquelle le service vérificateur a constaté que le compte 467 " débiteurs créditeurs divers ", que M. B... utilisait comme un compte courant d'associé, était débiteur au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014. L'administration fiscale a donc imposé entre les mains de l'intéressé les sommes mises à disposition sur ce compte, dont il a affirmé être le bénéficiaire, sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts, à hauteur de 78 713 euros en 2013 et 48 802 euros en 2014. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2019 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret ; (...) ".
3. En application des dispositions précitées, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts au 31 décembre de l'année en cause. D'une part, il est constant qu'à la date du 31 décembre 2013, M. B... bénéficiait d'une somme de 78 713 euros mise à sa disposition par la société COREP, imposable en vertu des dispositions précitées de l'article 111 a. du code général des impôts. D'autre part, M. B... a été taxé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des mêmes dispositions, à raison de la somme de 48 802 euros correspondant à la différence arrondie entre le solde débiteur de ce compte figurant au 31 décembre 2014, soit celle de 246 611,88 euros, et celui figurant au 31 décembre 2013, soit celle de 197 809,51 euros.
4. M. B... soutient que la société COREP a procédé, en 2016, à une distribution de dividendes à son profit de 206 167, 51 euros, correspondant au montant du solde débiteur du compte courant en litige au 31 décembre 2014, afin de régulariser les prélèvements opérés en 2013 et 2014. Il fait valoir que cette distribution n'a donné lieu au versement d'aucune somme, que les prélèvements sociaux y afférents ont été liquidés en janvier 2016, que son compte courant a été apuré et que la distribution a été déclarée par lui au titre de ses revenus de l'année 2016. Il en déduit que le maintien de l'imposition en litige au titre des années 2013 et 2014 aboutit à une double imposition sur les mêmes sommes.
5. Cependant, il résulte des principes énoncés au point 3 que ces revenus de capitaux mobiliers constitués par les soldes débiteurs du compte courant d'associé de M. B... au titre des exercices clos des 31 décembre 2013 et 2014 sont imposables au titre des années au cours desquelles l'intéressé en a eu la disposition en vertu du principe de l'annualité de l'impôt issu des articles 12 et 156 du code général des impôts. La circonstance que l'opération de régularisation menée par la société COREP, décrite au point 4, puisse aboutir à une nouvelle imposition au titre de l'année 2016 est sans incidence sur le bien-fondé de la rectification contestée qui porte sur des années antérieures et sur une base imposable distincte. De surcroît et en tout état de cause, M. B... n'établit pas que, dans les sommes imposées à l'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014, figureraient les dividendes dont la distribution a été régularisée en 2016 selon l'acte voté par l'assemblée générale ordinaire le 27 janvier 2016. Enfin, la circonstance qu'aucune somme n'a été appréhendée ni mise à disposition de M. B... au titre de la distribution opérée en 2016, qui n'est, en tout état de cause, pas établie, est également sans incidence sur le bien-fondé des impositions complémentaires au titre des années 2013 et 2014. Par suite, les impositions supplémentaires litigieuses sont justifiées au regard de la loi fiscale.
6. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". L'imposition ou taxation d'une personne ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole. Toutefois, l'obligation financière née du prélèvement d'un impôt ou d'une taxe peut porter une telle atteinte si elle revêt un caractère confiscatoire ou si elle impose une charge manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
7. Les impositions en litige, qui ont été légalement établies ainsi qu'il a été exposé au point 5, ne présentent pas un " caractère manifestement excessif et confiscatoire, parfaitement disproportionné par rapport aux opérations réalisées ", de sorte qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'invocation de la doctrine fiscale :
8. M. B... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 19 septembre 1957, reprise notamment à la documentation de base 4-J 1212 du 1er novembre 1995 et au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 du 12 septembre 2012, par laquelle l'administration admet de ne pas imposer comme revenus distribués les sommes que le contribuable établit avoir remboursées à la société distributrice, cette instruction subordonnant cette tolérance à la condition que " le remboursement ait été effectivement opéré à une date antérieure à celle de la réception par la société de l'avis de vérification dudit exercice ou en cas de contrôle inopiné, antérieurement au passage du vérificateur ".
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ". Si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. Par suite, M. B..., qui indique lui-même ne pas avoir remboursé les sommes inscrites au débit de son compte courant d'associé au sein de la société COREP, n'est pas fondé à demander l'application de cette doctrine, laquelle est d'interprétation stricte et ne peut donc être transposée au cas d'espèce, c'est-à-dire celui d'une régularisation opérée par les associés par une décision de distribution de dividendes prise antérieurement à toute procédure de rectification et accompagnée du paiement de l'impôt correspondant.
10. Il résulte de tout de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la présente requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance, au demeurant non chiffrées, doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
6
N° 20MA00323
fa