La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2020 | FRANCE | N°19MA02071

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 01 décembre 2020, 19MA02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistique et prestations de services, la société Inter Transit Pharma, la société Inter Transit prestations logistiques et la société Bluetrans Logistique, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'État et la société de la rocade L2 à leur verser une indemnité de 826 875,50 euros au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison des travaux réalisés pour la construction de la rocade L2, avec intérêts et capitalisation des intérêts.

Par u

n jugement n° 1606460 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistique et prestations de services, la société Inter Transit Pharma, la société Inter Transit prestations logistiques et la société Bluetrans Logistique, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'État et la société de la rocade L2 à leur verser une indemnité de 826 875,50 euros au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison des travaux réalisés pour la construction de la rocade L2, avec intérêts et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1606460 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête et condamné chacune des sociétés requérantes à payer une amende de

2 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 mai 2019, 27 décembre 2019 et

17 mars 2020, la société Logistique et prestations de services, la société Inter Transit Pharma, la société Inter Transit prestations logistiques et la société Bluetrans Logistique, représentées par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 février 2019 ;

2°) de condamner la société de la rocade L2 à leur verser une indemnité de

826 875,50 euros au titre des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison des travaux réalisés pour la construction de la rocade L2, avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société de la rocade L2 la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les travaux entrepris par la société de la rocade L2 pour le compte de l'État en vertu d'un contrat de partenariat les ont privées d'un libre accès à leurs locaux ;

- ces travaux, qui les ont obligées à déplacer leur activité dans d'autres locaux, leur ont causé un préjudice anormal et spécial, engageant la responsabilité de la société de la rocade L2, du fait des frais de loyers payés à perte, de déménagement, d'aménagement de nouveaux locaux, de procédure, du surcoût du nouveau loyer et de frais de traction supplémentaires, de frais de prestations de service et d'abonnements ;

- la condamnation à une amende pour recours abusif que leur a infligée le tribunal administratif de Marseille est infondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet 2019 et 14 février 2020, la société de la rocade L2 de Marseille, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les sociétés appelantes ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2020 par ordonnance du

20 février 2020 et reportée au 24 juin 2020 en application de l'ordonnance n° 2020-306 du

25 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de Me C..., substituant Me B..., représentant les sociétés requérantes et de Me E..., substituant Me A..., représentant la société de la rocade L2.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés Logistique et prestations de services, Inter Transit Pharma, Inter Transit prestations logistiques et Bluetrans Logistique relèvent appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société de la rocade L2 à les indemniser des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait des travaux de construction d'une rocade de contournement reliant les autoroutes A7 et A50, dénommée liaison L2 ou autoroute A507.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. En principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité. Il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

3. Les sociétés appelantes soutiennent que les travaux effectués, à compter de la fin de l'année 2014, par la société de la rocade L2, aux abords du rond-point Pierre Paraf, afin de réaliser les ouvrages d'une future bretelle de sortie, en modifiant et en interdisant la circulation sur une partie de la rue Jean Queillau, sur laquelle se situe l'accès principal au site sur lequel s'exerce leur activité, les ont considérablement gênées, et sont à l'origine de préjudices engageant la responsabilité de cette société. Elles estiment que ces travaux les ont obligées à rechercher d'autres locaux dans lesquels elles ont emménagé au mois de mai 2015, afin de préserver leur activité. Ce transfert aurait engendré des frais qu'elles évaluent à

826 875,50 euros, qu'elles demandent à la société la rocade L2 d'indemniser. Toutefois, il résulte de l'instruction que les restrictions de la circulation sur la rue Jean Queillau ont été accompagnées, dans un premier temps, de la réalisation d'une chaussée provisoire le long de la rue afin de permettre un maintien de la circulation, puis, à compter de la fermeture partielle de la rue, de la réalisation d'itinéraires de contournement afin de maintenir la possibilité d'un accès au site. Si les sociétés appelantes soutiennent que les camions ne pouvaient effectuer de manoeuvres dans ces itinéraires de contournement, elles n'établissent pas que l'activité a été interrompue de ce fait durant la période des travaux. Si les constats d'huissiers produits par les appelantes au soutien de leur demande, en date des 9 janvier et 26 mars 2015, font état d'un trafic qualifié d'" anarchique " aux abords du site et des difficultés qui en résultent pour la circulation des poids-lourds qui entrent et sortent des locaux des sociétés, ils n'établissent pas l'impossibilité d'accès à ce site ni des contraintes exagérées, et si le procès-verbal de constat du 6 octobre 2015 fait état d'un accès barré au site, il est constant qu'à cette date, l'activité des sociétés avait été transférée dans leurs nouveaux locaux situés à Vitrolles. En outre, dès lors que les sociétés avaient demandé congé à leur bailleur le 9 mars 2015, pour une prise d'effet le

31 décembre 2015, et qu'elles ont pu réaliser le déménagement de leur activité dès le

15 mai 2015 dans les locaux de Vitrolles, dont l'exercice nécessitait la réalisation préalable de nombreux aménagement et l'obtention de diverses autorisations, il n'apparaît pas que la décision de transfert de leur activité ait eu pour cause déterminante la réalisation des travaux litigieux, alors qu'il résulte de l'instruction que la taille des locaux de la rue Queillau n'était déjà plus proportionnée au volume de l'activité des sociétés au moment où ont commencé les travaux. Dans ces conditions, en l'absence de toute diminution de leur chiffre d'affaires, en augmentation constante depuis leur installation en 2007, les sociétés appelantes, qui n'invoquent aucun préjudice distinct des frais engendrés par le déménagement de leur activité, n'établissent pas avoir subi, du fait des travaux de la rocade L2, un préjudice anormal et spécial excédant les sujétions normales imposées aux riverains de la voie publique. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de ces sociétés tendant à la mise en cause de la responsabilité de la société de la rocade L2.

4. Il résulte de ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Sur la condamnation des sociétés requérantes à une amende pour recours abusif :

5. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".

6. Il ne résulte pas de l'instruction que la demande présentée par la société aurait un caractère abusif. Par suite, les sociétés appelantes sont fondées à soutenir que l'amende de 2 000 euros que le tribunal administratif de Marseille a infligée à chacune d'entre elle n'est pas justifiée et à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du 28 février 2019.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de quelqu'une des parties les sommes demandées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1606460 du tribunal administratif de Marseille du

28 février 2019 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Logistique et prestations de services, de la société Inter Transit Pharma, de la société Inter Transit prestations logistiques et de la société Bluetrans Logistique est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société de la rocade L2 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Logistique et prestations de services, à la société Inter Transit Pharma, à la société Inter Transit prestations logistiques, à la société Bluetrans Logistique et à la société de la rocade L2.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2020, où siégeaient :

M. Badie, président,

M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

2

N° 19MA02271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02071
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Absence.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables - Collectivité publique ou personne privée.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-01;19ma02071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award