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26/11/2020 | FRANCE | N°19MA04810

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 26 novembre 2020, 19MA04810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 avril 2019 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français sans un délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1902022 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12

novembre 2019 et le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 avril 2019 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français sans un délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1902022 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 novembre 2019 et le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 avril 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a procédé à une substitution de base légale sans respecter le principe du contradictoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la durée de sa présence sur le territoire national et quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français ;

- la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité béninoise, relève appel du jugement du 19 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pendant trois mois.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des visas de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault s'est fondé, pour prononcer l'obligation de quitter le territoire, sur les dispositions du c) et du f) de l'article L.511-1, II, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si les premiers juges ont indiqué au point 7 du jugement que M. B... entrait dans le champ d'application du b) de cet article dès lors qu'il s'était maintenu sur le territoire national au-delà de la durée de validité de son visa, ils ont ensuite précisé qu'il était constant qu'il ne détenait pas de passeport en cours de validité et ne justifiait pas d'une adresse stable et relevait ainsi du f). Il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, le tribunal n'a pas procédé à une substitution de base légale sans avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions :

3. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 de leur jugement, dès lors le requérant reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise aux juges de première instance et que ces motifs sont suffisants et n'appellent aucune précision en appel.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire :

4. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est par suite suffisamment motivée.

5. M. B..., né le 7 avril 1989, est entré en France au mois de septembre 2009 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " puis a bénéficié en cette qualité d'un titre de séjour valable du 9 novembre 2010 au 8 novembre 2011. S'il soutient être présent sur le territoire national depuis 10 ans et y avoir transféré le centre de ses intérêts privés et professionnels, il ne justifie de sa présence habituelle qu'au mois de décembre 2016 et du mois de mai au mois d'août 2017, périodes pendant lesquelles il a exercé une activité professionnelle, et depuis le mois de janvier 2019. En outre, le requérant n'établit pas, par la production d'une seule attestation, l'ancienneté et la stabilité de sa vie commune avec son épouse, ressortissante française, alors que le mariage a été célébré le 10 juillet 2019, postérieurement à l'arrêté contesté. Par ailleurs, il ne démontre pas, contrairement à ce qu'il soutient, subvenir aux besoins de son couple ni entretenir des relations avec l'un de ses frères habitant en France. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. B... et du caractère récent de la communauté de vie avec sa conjointe, le préfet de l'Hérault n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L.31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la durée de sa présence et de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, M. B... a épousé une ressortissante française postérieurement à la décision contestée. Il ne peut dès lors utilement soutenir qu'il remplissait, à la date de l'arrêté contesté, les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article L. 313-11, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, par suite, qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " II - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) ".

8. M. B..., qui a perdu son passeport, ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration de son titre de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement. Dans ces conditions, la circonstance que l'intéressé justifie d'un domicile de manière récente n'est pas de nature à établir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (... ) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

11. La décision litigieuse fait référence notamment à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué que le requérant n'a effectué aucune démarche depuis le mois de novembre 2011 pour renouveler son titre de séjour, qu'il ne justifie pas être lié par un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française et qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision, dont les motifs attestent de la prise en compte par l'autorité préfectorale, au vu de la situation de l'intéressé, des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité est suffisamment motivée.

12. Si le requérant se prévaut de ce qu'il dispose d'un domicile stable, n'a jamais été condamné et ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement et de ce que la décision contestée le prive de la possibilité de régulariser sa situation même en cas de mariage avec sa compagne, ces éléments ne sauraient démontrer l'existence de circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2020.

2

N° 19MA04810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04810
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-26;19ma04810 ?
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