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19/11/2020 | FRANCE | N°19MA01433

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 novembre 2020, 19MA01433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le directeur de contrôle fiscal Sud-Est a, en application des articles R. 199-1 du livre des procédures fiscales, soumis d'office au tribunal administratif de Marseille, la réclamation présentée par M. A... D... par laquelle ce dernier a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802016 en date du 23 janvier 2019,

le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le directeur de contrôle fiscal Sud-Est a, en application des articles R. 199-1 du livre des procédures fiscales, soumis d'office au tribunal administratif de Marseille, la réclamation présentée par M. A... D... par laquelle ce dernier a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802016 en date du 23 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2019, M. D... représenté par le cabinet d'avocat Delambre et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'il a bien encaissé la somme de 32 676 euros en 2013, provenant de la société civile immobilière Le Hameau du Coulon, rien ne démontre qu'il s'agirait de recettes non déclarées par la société Alpilles Durance Bâtiment, ni même d'un désinvestissement, dès lors que la proposition de rectification adressée à la société n'a pas réintégré cette somme dans les bénéfices de la société ;

- il n'est pas le bénéficiaire des revenus distribués à hauteur de 32 676 euros en 2013 ; le gérant de la société, désigné comme maître d'affaire par l'administration fiscale doit être regardé comme ayant appréhendé ces revenus ;

- l'administration a constaté un crédit de 21 318,99 euros dans son compte correspondant à un apport en compte courant d'associé ; or, il ne dispose d'aucun compte courant d'associé ;

- les diverses dépenses supportées par la société Alpilles Durance Bâtiment, ont été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise et ne revêtent pas un caractère personnel ;

- les virements de diverses sommes effectués par la société Alpilles Durance Bâtiment sur son compte bancaire ne constituent pas des revenus distribués mais des remboursements de dépenses incombant à la société, qu'il a personnellement avancées ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors qu'il n'a pas appréhendé les sommes en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. D....

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Alpilles Durance Bâtiment, créée le 1er janvier 2010, qui exerce une activité de travaux de maçonnerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité engagée par avis du 17 février 2014, au titre des exercices clos en 2011 et 2012 en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, et en taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Les opérations de contrôle ont abouti au rejet de la comptabilité le 23 juin 2014, au rehaussement de résultats passibles de l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'à des rappels de TVA. A l'issue de la vérification de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, l'administration a opéré un contrôle sur pièces des déclarations de M. D..., associé de la SARL Alpilles Durance Bâtiment et a imposé entre ses mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus qui lui ont été réputés distribués par cette société. Par une réclamation soumise d'office au tribunal administratif de Marseille en application des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. D... a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. M. D... relève appel du jugement du 23 novembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ayant rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". En cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 31 juillet 2014 adressée à la SARL Alpilles Durance Bâtiment, que l'administration, après exercice de son droit de communication le 26 juin 2014 auprès de la SCI Le Hameau du Coulon, cliente de la société Alpilles Durance Bâtiment, a constaté que cette dernière avait omis d'inscrire sur ses documents comptables et d'encaisser sur ses comptes bancaires, des chèques émis par la SCI Le Hameau du Coulon en rémunération de ses prestations pour un montant total de 106 000 euros en 2012 et 32 676 euros en 2013. Après avoir exercé son droit de communication le 4 septembre 2014 auprès de l'agence lyonnaise de banque CIC de Bagnols sur Cèze, l'administration a obtenu communication des copies des chèques ayant servi au paiement des factures de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, et a constaté que M. D... avait encaissé sur son compte bancaire personnel la totalité de ces chèques émis par la SCI Le Hameau du Coulon. L'administration a alors réintégré ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers imposables sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. M. D... conteste ces impositions, en soutenant que, s'il a bien encaissé la somme de 32 676 euros en 2013, rien ne démontre qu'il s'agirait de recettes non déclarées par la société Alpilles Durance Bâtiment ni même d'un désinvestissement, dès lors que la proposition de rectification adressée à la société n'a pas réintégré cette somme dans les bénéfices de la société. Cependant, dès lors qu'il n'est pas contesté que la somme en cause a été encaissée par M. D..., elle doit être regardée comme un revenu distribué à son profit au cours de l'exercice concerné, au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, alors même qu'il n'a pas été établi d'impôt sur les sociétés à la charge de l'entreprise et sans qu'il soit besoin de rechercher si l'exercice a été bénéficiaire ou déficitaire. Par ailleurs si M. D... soutient ne pas avoir appréhendé ces distributions, au motif que c'est son père, M. G., gérant de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, qui a appréhendé ces revenus, dès lors qu'il a été désigné selon la proposition de rectification adressée à la SARL Alpilles Durance Bâtiment, comme maître de l'affaire par l'administration fiscale, toutefois, l'administration a apporté la preuve de l'encaissement des chèques en cause par le requérant et non le maître d'affaire. En outre, si le requérant soutient que les rehaussements en litige auraient été imputés sur les revenus de capitaux mobiliers de M. G. par proposition de rectification du 30 mars 2015, ce moyen manque en fait dès lors qu'aux termes de ladite proposition de rectification, les seules recettes omises distribuées à M. G. sont d'un montant de 104 701 euros et correspondent au titre de l'année 2012 à la différence entre la somme de 210 701 euros de factures non comptabilisées et celle de 106 000 euros précisément appréhendée par M. A... D.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les encaissements sur son compte bancaire à hauteur de 106 000 euros en 2012 et de 32 676 euros en 2013, ont été regardés comme des revenus distribués à son profit au sens de l'articles 109 1-2° du code général des impôts.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, que la SARL Alpilles Durance Bâtiment a pris en charge diverses dépenses de son associé, M. D..., correspondant à des dépenses d'assurance habitation, d'eau, d'électricité, de télécommunications afférents à sa résidence personnelle, à divers achats de matériaux, notamment des consommables pour matériel informatique, imprimante et papeterie (papier photo, toner, encre) ainsi que des dépenses d'entretien et de carburant d'engins ou de véhicules lui appartenant, pour un montant total de 1 893,93 euros en 2012 et 12 457 euros en 2013. L'administration a estimé que ces dépenses, en raison de leur objet, étaient étrangères à l'intérêt de l'entreprise et constitutives d'un acte de gestion normale, et a imposé les sommes correspondantes sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts en tant que revenus distribués entre les mains de M. D.... Pour contester la qualification de revenus distribués, l'appelant soutient que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt directe de l'entreprise et se rattachent à une gestion commerciale normale dans la mesure où le siège administratif de la société était situé à son domicile personnel à Châteauneuf-de-Chabre (Hautes-Alpes) où la société employait une secrétaire et disposait d'un bureau et d'une pièce d'archivage tandis que le " siège social " situé à Cabannes (Bouches-du- Rhône) correspondait à une société de domiciliation, et que le " siège opérationnel " était fixé à Violes (84), les chantiers de la société étant localisés dans ce département. Cette situation explique, selon M. D..., les nombreuses factures de consommables et les dépenses de consommation énergétiques multi fluides. Toutefois, M. D... ne justifie d'aucun contrat de mise à disposition de locaux dans son domicile personnel. Par ailleurs, le contrat de travail produit de la secrétaire comptable est daté du 14 novembre 2013 et ne peut dans cette mesure justifier l'activité administrative au domicile du requérant sur toute la période contrôlée. En outre, les factures d'eau, d'électricité, et de télécommunications ne portent pas l'identité de l'entreprise mais sont établies au nom de M. D.... Si le requérant soutient également que la prise en charge des frais en litige constituerait la contrepartie de la mise à disposition de matériels de chantier par convention du 28 février 2010, d'une part, ladite convention dont l'identité du signataire au nom de la SARL Alpilles Durance Bâtiment n'apparaît pas sur le document et n'a pas fait l'objet d'un quelconque enregistrement particulier, n'est pas suffisamment probante, d'autre part, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'une corrélation entre les dépenses en cause prises en charge par la SARL Alpilles Durance Bâtiment et l'activité de cette dernière. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré les sommes respectives de 1 893,93 euros et 12 457 euros dans ses bases d'imposition au titre de l'année 2012 et 2013.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté plusieurs virements sur le compte bancaire personnel de M. D..., par la SARL Alpilles Durance Bâtiment, pour un montant total de de 11 718,23 euros en 2012 et 31 586,05 euros en 2013, comptabilisés comme constituant des paiements de fournisseurs divers. Si M. D... soutient que ces versements seraient intervenus en remboursement de dépenses de personnel, de gas-oil, et de fournitures variées, incombant à la SARL Alpilles Durance Bâtiment, qu'il a personnellement avancées, les documents qu'il produit ne suffisent pas à démontrer l'existence des avances qu'il allègue avoir consenties à la société, ni que les sommes correspondantes se rapporteraient au remboursement de frais engagés pour le compte de la société Alpilles Durance Bâtiment. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale a, à tort, regardé les virements en litige, d'un montant total de 11 718,23 euros en 2012 et 31 586,05 euros en 2013, comme constituant pour M. D..., un revenu distribué, au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

6. En quatrième lieu, M. D... persiste en appel à contester le rehaussement de ses revenus imposables correspondant au constat par l'administration d'une somme de 21 318,99 euros au crédit de son compte courant d'associé. Toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que ce rehaussement a fait l'objet d'un dégrèvement intervenu le 14 mars 2018, à hauteur de 9 594 euros de droits et 4 643 euros de pénalités. Le requérant ne conteste pas le jugement sur ce point.

Sur les majorations et les intérêts appliqués :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier l'application d'une telle majoration.

8. En premier lieu, pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. D... a été assujetti, l'administration a retenu que le requérant, associé de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, ne pouvait ignorer, compte tenu de l'importance des sommes encaissées sur ses comptes bancaires personnels, à hauteur de 106 000 euros en 2012 et 32 676 euros en 2013, les chèques émis par la société Le Hameau Du Coulon. Il ne pouvait davantage ignorer, en sa qualité de bénéficiaire, la nature des avantages indûment consentis par le paiement par la SARL Alpilles Durance Bâtiment des factures pour son compte personnel à hauteur de 1 893,93 euros en 2012 et 12 457 euros en 2013, pas plus qu'il ne pouvait ignorer avoir perçu des virements opérés par la SARL Alpilles Durance Bâtiment à son profit, sur ses comptes bancaires personnels, sans qu'ils soient justifiés ou déclarés à l'impôt sur le revenu, compte tenu de leur répétition (dix-neuf virements en 2012 et trente-huit en 2013), de l'importance des sommes en cause (11 718,23 euros en 2012 et 31 586,05 euros en 2013) et de sa qualité d'associé. En se bornant à solliciter la décharge des pénalités par voie de conséquence de la décharge des impositions principales, M. D... ne conteste pas sérieusement le bien-fondé de ces majorations. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe qu'en s'abstenant, dans ces conditions, de porter les sommes correspondantes dans ses déclarations de revenus, M. D... a manifesté une intention délibérée d'éluder l'impôt. Elle a pu, dès lors, légalement assortir les rehaussements en cause de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts.

9. En second lieu, les cotisations supplémentaires des impositions en litige ont été assorties des intérêts de retard. M. D..., qui ne soulève aucun moyen propre à l'égard de cette pénalité, n'est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, à en demander la décharge.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige seront rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme C... et Mme B..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

2

N° 19MA01433

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01433
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-19;19ma01433 ?
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