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19/11/2020 | FRANCE | N°19MA01007

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 novembre 2020, 19MA01007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) de l'Ospédale a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 59 289 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissement en Corse au titre de l'exercice clos en 2016.

Par un jugement n° 1701177 en date du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a :

1°) prononcé un non-lieu sur les demandes formulées par la société de l'Ospédale à hauteur de 33 698 euros ;

2°) accordé à la société de l'Ospéd

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) de l'Ospédale a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 59 289 euros afférente à un crédit d'impôt pour investissement en Corse au titre de l'exercice clos en 2016.

Par un jugement n° 1701177 en date du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a :

1°) prononcé un non-lieu sur les demandes formulées par la société de l'Ospédale à hauteur de 33 698 euros ;

2°) accordé à la société de l'Ospédale au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos en 2016 le bénéfice du crédit d'impôt pour investissement en Corse correspondant à la prise en compte de la facture du 15 janvier 2016 de l'entreprise de maçonnerie Dinis Pereira José d'un montant de 12 443,10 euros HT, de deux factures de l'entreprise Plomberie Cassitta du 22 janvier 2016 d'un montant de 7 210 euros HT et du 7 novembre 2016 d'un montant de 7 651,63 euros HT, et de la facture du 21 octobre 2016 de la Miroiterie Orsoni d'un montant de 2 412 euros HT ;

3°) rejeté le surplus des conclusions de la société de l'Ospédale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, la SA de l'Ospédale représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il n'a pas admis l'éligibilité des autres dépenses à hauteur de 97 48,82 euros au crédit d'impôt pour investissement en Corse, soit une restitution complémentaire demandée de 19 408, 64 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les investissements rejetés par l'administration sont éligibles au crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence des sommes dégrevées pour un montant de 11 948 euros et de rejeter le surplus de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA de l'Ospédale, dont le siège est situé à Porto-Vecchio, exerce une activité hospitalière sous la dénomination de " Polyclinique du Sud de la Corse ". Ayant réalisé des investissements au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2016, elle a sollicité, le 16 mai 2017, la restitution d'une somme de 120 037 euros au titre du crédit d'impôt pour investissements réalisés et exploités en Corse, dont elle estimait pouvoir bénéficier en application de l'article 244 quater B du CGI, et correspondant à un montant de dépenses éligibles de 600 184 euros. Par décision du 1er septembre 2017, l'administration a considéré que seule une partie de ces investissements, d'une valeur de 294 126 euros, étaient éligibles au crédit d'impôt sollicité et lui a restitué la somme de 58 825 euros. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Bastia, dans le dernier état de ses écritures, après avoir abandonné ses prétentions sur des dépenses d'un montant de 9 613,88 euros, de prononcer la restitution d'une somme de 59 289 euros au titre de ce crédit d'impôt. Par un jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 33 698 euros, compte tenu du dégrèvement prononcé en cours d'instance et ordonné la restitution du crédit d'impôt correspondant à la prise en compte, au titre des investissements éligibles, de quatre factures, pour un montant total de 29 716,73 euros. La SA de l'Ospédale fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 3 juin 2019, postérieure à l'introduction de la requête, la directrice départementale des finances publiques de la Haute-Corse a accordé un dégrèvement d'un montant de 11 948 euros correspondant pour partie au crédit d'impôt sollicité par la société de l'Ospédale au titre des investissements réalisés en Corse. Dès lors, les conclusions que la société requérante présente pour obtenir le remboursement de cette somme sont devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

3. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, alors applicable : " I.-1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf (...) ". Aux termes de l'article 39 A du même code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. (...) ". Et aux termes de l'article 22 de l'annexe II du code général des impôts : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, dans les conditions fixées aux articles 23 à 25, les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport (...) Installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ; Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie ; Installations de sécurité et installations à caractère médico-social (...) ". Il résulte de ces dispositions que le dégrèvement pour investissements nouveaux est réservé aux immobilisations éligibles à l'amortissement dégressif et que, pour être amorties selon ce régime, elles doivent être de la nature de celles normalement utilisées dans leur activité productive par les entreprises industrielles.

En ce qui concerne les dépenses éligibles du fait de leur mode d'amortissement dégressif :

4. Il résulte de l'instruction que compte tenu des dépenses admises par l'administration et ayant donné lieu au dégrèvement précité au point 2 du présent arrêt, seule reste en litige au titre des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif, une facture Engie Cofely de 2 649,30 euros HT correspondant à l'achat d'un enregistreur électrique. L'administration n'a pas admis l'éligibilité de cette dépense à l'amortissement dégressif en estimant que cet équipement n'est pas de même nature que ceux relevant des " matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ". Toutefois, il ressort du descriptif technique figurant sur les mentions de la facture que cet appareil permet notamment la mesure des tensions, le calcul des puissances et le comptage des énergies, de sorte qu'il permet ainsi que le soutient la requérante de mettre à disposition de l'utilisateur toutes les mesures nécessaires pour assurer la surveillance de la distribution électrique, notamment dans les blocs opératoires équipés d'appareils de monitoring et de respiration artificielle, qui sont sensibles aux variations électriques. Par suite, alors même que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des § 30 et 90 de l'instruction référencée BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 du 12 septembre 2012 dès lors qu'un refus de remboursement de crédit d'impôt ne constitue pas un rehaussement d'une imposition primitive, l'équipement en litige utilisé dans le cadre d'une activité productrice, au sens de l'article 22 de l'annexe II précité du code général des impôts, doit être regardé comme éligible au crédit d'impôt.

En ce qui concerne les dépenses éligibles au titre des agencements et installations de locaux habituellement ouverts à la clientèle :

5. Aux termes du a. du 3° de l'article 244 quater E précité du code général des impôts, seuls les agencements et les installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle sont éligibles au crédit d'impôt. S'agissant d'une clinique, les " locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle " doivent s'entendre soit des locaux dans lesquels sont réalisées les prestations commerciales d'hôtellerie et de restauration, soit des locaux destinés à l'exercice des soins médicaux dès lors que la mise à disposition aux médecins de ces locaux constitue pour la clinique une activité commerciale.

6. Il résulte de l'instruction que la facture du 28 juillet 2016 de la société Rénovation Entretien Neuf d'un montant de 15 540 euros HT porte sur la fourniture et la pose de revêtement de sol dans les couloirs des urgences, de la radiologie, de la stérilisation, et des chambres, qui compte tenu de leur intégration dans les services de soins peuvent être regardés comme des locaux mis à disposition des personnels pour y réaliser des actes médicaux ainsi que des prestations commerciales d'hôtellerie et de restauration. Dès lors, la demande de prise en compte de cette facture au titre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts est fondée.

7. Au titre de travaux de plomberie, la société requérante demande la prise en compte d'une somme de 1 576,10 euros qui ressortirait d'une facture globale du prestataire datée du 22 janvier 2016, d'un montant total de 7 210 euros HT. Toutefois, le montant ainsi revendiqué n'apparaît que sous la forme d'une mention manuscrite apposée en bas de la première page de la facture. Dans ces conditions, à défaut d'identification précise des travaux en cause, la somme correspondante ne peut être retenue au titre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

8. S'agissant de la facture du 29 avril 2016 de la société Santini d'un montant de 8 937,32 euros HT, portant sur le remplacement du disjoncteur et du bloc différentiel du bâtiment dialyse, l'administration ayant admis les autres postes de dépenses, ne reste en litige que la somme de 495,38 euros. Le bâtiment dialyse ayant par définition vocation à accueillir les patients dialysés, donc à dispenser des soins médicaux, il y a lieu d'admettre l'éligibilité de cette dépense au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

9. La facture de la société Santini du 31 mai 2016 d'un montant de 7 505,60 euros HT a été rejetée en totalité par l'administration au motif qu'elle porte en partie sur des travaux réalisés dans le bureau du service ambulatoire et en partie aux archives de la clinique, soit en dehors de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle. Cependant, figurent sur cette facture des mentions précises concernant des interventions réalisées dans une chambre le 2 mai 2016 pour un montant de 173,02 euros HT, dans un bureau ambulatoire le 2 mai 2016 pour un montant de 285,05 euros HT dans des bureaux et un PC ambulatoire le 11 mai 2016 pour un montant de 1 178,47 euros HT qui compte tenu de l'organisation de l'activité hospitalière doivent être regardés comme les locaux du secteur de soins ambulatoires, et enfin au niveau du TGBT de l'IRM et du coffret urgence pour un montant de 1 111,68 euros HT. Dans ces conditions, l'ensemble de ces factures est éligible au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

10. S'agissant de la facture de la société Santini du 29 juin 2016 d'un montant de 5 507,24 euros HT, les mentions des interventions réalisées dans " la salle ancien don du sang ", ne permettent pas d'identifier un lieu d'accueil du public. En revanche, les travaux effectués sur l'appareillage électronique de l'endoscopie pour un montant de 417,52 euros HT, relèvent des dépenses éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

11. S'agissant enfin de la facture de la société Santini du 27 septembre 2016, pour un montant de 2 627,44 euros HT, les mentions des diverses interventions électriques réalisées au bloc endoscopie le 8 août 2016 pour un montant de 617,14 euros, au bloc endoscopie et ambulatoire le 9 août 2016 pour un montant de 249,38 euros, et aux urgences le 29 août 2016 pour un montant de 689, 31 euros HT, permettent d'établir de manière certaine qu'elles concernent l'aménagement de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, qui à ce titre sont éligibles pour un total de 1 555,83 euros au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que la société de l'Ospédale est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à admettre au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts ses dépenses réalisées à hauteur de 23 406,25 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société de l'Ospédale à hauteur de la somme de 11 948 euros.

Article 2 : La facture du 13 septembre 2016 de la société Engie Cofely d'un montant de 2 649,30 euros HT est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 3 : La facture du 28 juillet 2016 de la société Rénovation Entretien Neuf d'un montant de 15 540 euros HT est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 4 : La facture du 29 avril 2016 de la société Santini d'un montant de 495,38 euros est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 5 : La facture du 31 mai 2016 de la société Santini d'un montant de 2 748,12 euros est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 6 : La facture du 29 juin 2016 de la société Santini d'un montant de 417,52 euros HT est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 7 : La facture du 27 septembre 2016 de la société Santini d'un montant de 1 555,83 euros HT est admise au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater E du code général des impôts.

Article 8 : Il est accordé à la société de l'Ospédale au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos en 2016 le bénéfice du crédit d'impôt pour investissement en Corse correspondant à la prise en compte des sommes mentionnées aux articles 2 à 7 ci-dessus.

Article 9 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société de l'Ospédale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions de la société de l'Ospédale est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à la société de l'Ospédale et ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme B... et Mme A..., premières conseillères.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

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N° 19MA01007

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01007
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CANARELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-19;19ma01007 ?
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