Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du
16 mai 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de sa reconduite, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1902299 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 juin 2019 et le 29 janvier 2020,
M. F... A... D..., représenté par Me Ajil, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2019 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mai 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui accorder une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'absence de mention de la date et de l'heure ainsi que du lieu de notification de l'arrêté vicie la procédure dès lors que cette décision ne devient exécutoire d'office qu'à l'expiration du délai de quarante-huit heures à compter de sa notification ; faute de l'indication d'un délai borné, l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inapplicable ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige méconnaît les articles L. 311-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Une mise en demeure de défendre a été adressée au préfet des Alpes-Maritimes le
17 octobre 2019.
Par ordonnance du 5 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 août 2020
à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le
26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Ury a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., né le 31 janvier 1982 à Bizerte, de nationalité tunisienne, est entré, selon ses déclarations mais sans en apporter la preuve, régulièrement en France le
14 janvier 2017. Il relève appel du jugement du 27 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de sa reconduite, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence pour une durée de
quarante-cinq jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, la notification à l'intéressé de l'arrêté en litige a pour effet de le lui rendre opposable et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative. Ainsi, l'absence de mention de la date, de l'heure et du lieu de la notification de cet arrêté n'a pour conséquence que l'inopposabilité des voies et délais de recours. Mais elle n'est pas de nature à entacher la légalité de cet arrêté, qui au demeurant a été contesté devant le juge de l'excès de pouvoir. Par suite, le défaut de ces indications est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, et sur le bien-fondé dudit arrêté. Le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de 48 heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. Alors au surplus qu'il est constant que le requérant a contesté l'arrêté litigieux devant le tribunal administratif de Nice, le moyen tiré de ce que cet arrêté ne pourrait pas être exécuté d'office faute d'indication de la date, de l'heure et du lieu de sa notification, est sans incidence sur sa légalité.
4. En troisième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Nice par M. A... D.... Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 3 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale.
7. Il ressort des pièces du dossier que le requérant réside irrégulièrement en France avec son épouse, elle-même en situation irrégulière et de nationalité tunisienne, et leurs deux enfants mineurs nés en Tunisie, âgés de 10 et 13 ans à la date de l'arrêté attaqué.
Mme A... D... née E... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire du
22 septembre 2017, confirmée par un jugement n° 1705070-1705071 du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg et par un arrêt n° 18NC00339-18NC00340 du
18 octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy. La circonstance que les enfants de M. A... D... suivent une scolarité en France n'ouvre pas, par elle-même, droit au séjour et ce dernier n'établit pas que sa famille, eu égard notamment aux jeunes âges de ses enfants, ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine. Si le requérant est propriétaire d'un appartement en France, cette seule circonstance n'établit pas son intégration socio-professionnelle sur le territoire national, alors qu'il n'indique pas la source de ses revenus. Dans ces conditions, M. A... D..., qui a vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de trente ans, n'établit pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la mesure d'éloignement en litige.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'obligation de quitter le territoire français en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants. Il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 7, que sa famille ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine, et que ses enfants ne pourraient pas le suivre en Tunisie et y poursuivre une vie normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 précité doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
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N° 19MA02949