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17/11/2020 | FRANCE | N°18MA01524

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 17 novembre 2020, 18MA01524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Model, l'association " Les amis de la cinquième escadre ", M. D... J... et la SCI Céline, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange, en tant qu'il désigne les parcelles cadastrées section AR n

106, chemin de Meyne Claire, appartenant à la SCI Model, et section AR n° 110 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Model, l'association " Les amis de la cinquième escadre ", M. D... J... et la SCI Céline, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange, en tant qu'il désigne les parcelles cadastrées section AR n° 106, chemin de Meyne Claire, appartenant à la SCI Model, et section AR n° 110 lieudit avenue de la gare, appartenant à la SCI Céline.

Par un jugement n° 1600687 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de la SCI Model et autres.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 avril 2018, les 18 et 25 septembre et 23 octobre 2019, la SCI Model et autres, représentés par Me C..., dans le dernier état de ses écritures, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange, en tant qu'il désigne les parcelles cadastrées section AR n° 106, chemin de Meyne Claire, et section AR n° 110 lieudit avenue de la gare ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de la légalité externe :

- l'acte déclaratif d'utilité publique du 20 mars 2006 est signé par une autorité incompétente, dès lors qu'il ne s'agit pas du préfet de Vaucluse ;

- l'arrêté du 19 mai 2015 portant ouverture d'une enquête parcellaire préalable à l'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de l'opération envisagée, entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet, a été signé par une autorité incompétente;

- l'arrêté du 16 décembre 2015 est signé par une autorité incompétente, en la personne de Mme G... E... ;

- l'arrêté du 18 mars 2016 qui prolonge la déclaration d'utilité publique a été signé par des autorités incompétentes ;

- l'arrêté de cessibilité ne mentionne pas l'ensemble des parcelles à exproprier en méconnaissance de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'arrêté n'a pas été notifié à l'intégralité des propriétaires ; l'arrêté n'a pas été notifié à la SCI Model dès lors que l'administration ne justifie pas de la production d'un pli revêtu de la mention " N'habite pas à l'adresse indiquée " adressé à la société, ainsi qu'à M. J... et à l'association " Les amis de la 5ème escadre " ;

- le dossier soumis à enquête publique est incomplet faute de présenter le coût des études et des travaux d'aménagement, ainsi que de la valeur de la parcelle de la SCI Model ;

- l'article R. 131-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été méconnu, faute de publicité de l'enquête publique ;

- l'annonce de l'ouverture d'une enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique en 2006 n'a pas été publiée dans un journal à diffusion nationale alors qu'il s'agit d'une opération d'importance nationale ;

- l'arrêté du 12 juillet 2004 portant ouverture de l'enquête publique ne mentionne pas la personne expropriante, ce qui l'entache d'illégalité ;

- les délibérations des conseils municipaux d'Orange et de Piolenc des 19 janvier et 23 février 2005 relative à l'aménagement litigieux sont entachées d'insuffisances procédurales, et n'ont pas porté sur l'objet du projet ;

- l'appréciation sommaire des dépenses a été sous-estimée, il était donc nécessaire d'engager une nouvelle procédure d'enquête publique avant de prendre l'arrêté de cessibilité contesté.

S'agissant de la légalité interne :

- l'emprise du projet ne correspond pas à celle figurant au dossier soumis à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, la parcelle cadastrée AS n° 139 n'y étant pas mentionnée ;

- l'arrêté est entaché d'illégalité par voie de conséquence du défaut d'utilité publique de l'opération ; les sociétés Carrefour de grande distribution, Gemelli de concession automobile et Loxam qui prend à bail une parcelle de la SCI Céline sont impactées par ce projet, ainsi que le musée aéronautique d'intérêt national lié à la SCI Model.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juin et 9 octobre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la Cour de rejeter la requête présentée par la SCI Model et autres.

Elle soutient que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 15 octobre 2020 présenté par la ministre de la transition écologique n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

- le code de l'environnement ;

- le décret nº 84-617 du 17 juillet 1984 relatif à l'application de l'article 14 de la loi

n° 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SCI Model et les autres appelants.

Considérant ce qui suit :

1. Par décret du 20 mars 2006, dont les effets ont depuis été prolongés jusqu'au 22 mars 2026 par décret du 18 mars 2016, les travaux de construction de la déviation de la route nationale 7 à Orange, entre le giratoire des Pradines et le giratoire du Coudoulet, ont été déclarés d'utilité publique, le caractère de route express étant conféré à cette déviation et le plan local d'urbanisme de la commune de Piolenc étant mis en compatibilité. Par arrêté du 19 mai 2015, le préfet de Vaucluse a ouvert une enquête parcellaire préalable à l'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de l'opération envisagée, entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet. Par arrêté du 16 décembre 2015, le préfet de Vaucluse a déclaré cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange. La SCI Model et autres relèvent appel du jugement n° 1600687 du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse, en tant qu'il déclare cessibles les parcelles cadastrées section AR n° 106, chemin de Meyne Claire, et section AR n° 110 lieudit avenue de la gare.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne le moyen invoqué par voie d'exception tiré de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique :

S'agissant des moyens tirés de la compétence :

Quant à la compétence du signataire de l'arrêté du 12 juillet 2004 prescrivant l'ouverture des enquêtes publiques conjointes préalables à la déclaration d'utilité publique des travaux de la déviation de la route nationale 7 à Orange, entre le lieudit Saint-Christophe (PR 21 + 065) au nord et le giratoire du Coudoulet (PR 27 + 845) au sud, à l'attribution du caractère de route express à cette déviation et à la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Piolenc :

2. Aux termes de l'article R. 11-14-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le préfet, après consultation du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête, précise par arrêté : 1° L'objet de l'enquête, la date à laquelle elle sera ouverte et sa durée qui ne peut être inférieure à un mois, ni excéder deux mois, sauf prorogation d'une durée maximum de quinze jours décidée par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête ; 2° Le siège de l'enquête où toute correspondance relative à l'enquête peut être adressée ; 3° Les lieux, jours et heures où le public pourra consulter le dossier d'enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ; ces jours comprennent au minimum les jours habituels d'ouverture au public du lieu de dépôt du dossier et peuvent en outre comprendre plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés ; 4° Les noms et qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête et de leurs suppléants éventuels ; 5° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ; 6° Le ou les lieux où, à l'issue de l'enquête, le public pourra consulter le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur " ;

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par M. B... K..., préfet du Vaucluse, qui était compétent pour se faire. Le moyen tiré de ce que la compétence du signataire de cet arrêté n'est pas établie, doit être écarté comme manquant en fait.

Quant à la compétence de l'auteur du décret du 20 mars 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la déviation de la route nationale 7 à Orange, entre le giratoire des Pradines (lieudit Saint-Christophe) et le giratoire du Coudoulet, conférant le caractère de route express à cette déviation et portant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Piolenc :

4. Premièrement, aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". En vertu de l'article R. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable : " L'utilité publique, dans les cas autres que ceux énumérés à l'article R. 11-2, est déclarée : 1° Par arrêté du préfet du lieu des immeubles faisant l'objet de l'opération lorsque l'opération se situe sur le territoire d'un seul département ; 2° Par arrêté conjoint des préfets intéressés, lorsque l'opération concerne des immeubles situés sur le territoire de plusieurs départements. Elle est prononcée par arrêté du ministre responsable du projet, pour les opérations poursuivies en vue de l'installation des administrations centrales, des services centraux de l'Etat et des services à compétence nationale. ".

5. Deuxièmement, en vertu de l'article R. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable : " Sont déclarés d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat : 1° Les travaux de création d'autoroutes et de routes express (...). ".

6. Le projet de la déviation de la route nationale 7 à Orange, en vue de la création d'une route express entre le giratoire des Pradines et le giratoire du Coudoulet, entre dans le champ des exceptions précitées de l'article R. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le premier ministre, qui dispose du pouvoir réglementaire, n'était pas compétent pour déclarer cette opération d'utilité publique, et le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, chargé de l'exécution de ce décret, pour le contresigner. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la régularité des délibérations des conseils municipaux des communes d'Orange et de Piolenc des 19 janvier et 23 février 2005 portant sur la procédure d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du projet de route express :

7. Premièrement, si les requérants soutiennent que les délibérations des conseils municipaux des communes d'Orange et de Piolenc respectivement des 19 janvier et 23 février 2005 sont entachées d'insuffisances procédurales, ce moyen, non assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.

8. Deuxièmement, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'un conseil municipal doive préalablement approuver l'engagement d'une opération d'utilité publique engagée par et pour l'Etat. Ainsi, si les requérants font valoir que les délibérations susmentionnées, qui au demeurant n'ont pas été produites au débat, portent uniquement sur l'attribution de caractère de route express à la déviation de la route nationale 7 à Orange et non sur l'objet du projet d'aménagement contesté, consistant en la réalisation des travaux de construction et de déviation et la route nationale 7 et aux expropriations nécessaires à celle-ci, le moyen tiré de ce que ces délibérations seraient intervenues au terme d'une procédure irrégulière, est inopérant.

S'agissant de la légalité de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 12 juillet 2004 prescrivant l'ouverture des enquêtes publiques conjointes préalables à la déclaration d'utilité publique des travaux de la déviation de la route nationale 7 à Orange, entre le lieudit Saint-Christophe (PR 21 + 065) au nord et le giratoire du Coudoulet (PR 27 + 845) au sud, à l'attribution du caractère de route express à cette déviation et à la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Piolenc :

9. Les requérants font valoir que l'arrêté du préfet de Vaucluse du 12 juillet 2004 ne mentionne pas l'autorité publique expropriante, et que cette irrégularité est de nature à vicier l'ensemble de la procédure d'enquêtes par manque d'information du public.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 12 juillet 2004 ne contient aucune indication quant à l'identité de l'autorité publique expropriante. Cependant, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposent une telle mention. Ensuite, l'identité de la personne expropriante est clairement mentionnée dans plusieurs des pièces insérées dans le dossier d'enquête publique. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à faire valoir que cette irrégularité a été de nature à vicier l'information du public, et par suite, que la déclaration d'utilité publique, comme d'ailleurs l'arrêté de cessibilité attaqué, ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

S'agissant des mesures de publicité :

11. Premièrement, aux termes de l'article R. 131-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l'article R. 131-4 est rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l'article R. 112-16. (...) L'accomplissement de cette mesure incombe au maire et doit être certifié par lui (...) Le même avis est, en outre, inséré en caractères apparents dans l'un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l'article R. 112-14. ".

12. Deuxièmement, en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, seules les enquêtes portant sur des " opérations d'importance nationale " doivent donner lieu à publication dans deux journaux à diffusion nationale de l'avis d'enquête.

13. Il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête publique et parcellaire a été publié à deux reprises dans le Journal " Vaucluse Matin " diffusé dans le département, et affiché. L'opération en cause revêt, eu égard à son caractère localisé sur la commune d'Orange et ses environs, une importance limitée, et non une importance nationale, même si la déclaration d'utilité publique de cet aménagement a été décidée par le décret du 20 mars 2006.Elle ne justifiait donc pas une diffusion dans un journal national comme exigé par l'article R. 11-14-7.

14. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante publicité de l'avis d'enquête au regard de la nature du projet doit être écarté.

S'agissant de l'appréciation sommaire des dépenses :

15. En vertu du 5 du I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation d'utilité publique, le dossier mis à la disposition du public lors de l'enquête publique doit contenir une appréciation sommaire des dépenses liées à la réalisation des travaux et aux acquisitions foncières nécessaires à l'opération envisagée. L'obligation faite à l'expropriant d'indiquer au dossier soumis à enquête publique l'appréciation sommaire des dépenses a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages envisagés ont, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, un caractère d'utilité publique.

16. Il ressort des pièces du dossier que le coût de l'opération a été estimé à 69 637 620 euros dont 55 495 840 euros pour le poste travaux à la date du 23 mars 2004 d'approbation de l'opération de déviation. Le dossier de demande de prorogation des effets du décret du 20 mars 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de la construction de la déviation de la RN 7 à Orange actualise les coûts de ce projet par application des indices de construction et de l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % à 20 %, au montant de 98,9 millions d'euros en valeur 2014. Il est indiqué que le coût des travaux augmente de 24,9 % et que sont ajoutées des mesures environnementales pour 5 millions d'euros, ce qui représente une augmentation totale de 28,1 % du coût avancé lors de la déclaration d'utilité publique. Le coût des travaux porte principalement sur les trois postes que sont le renforcement des sols compressibles non prévu initialement pour un surcoût d'environ 6,5 millions d'euros, ensuite un dimensionnement adapté du dispositif de collecte " hydrauliques/assainissements " pour tenir compte de la modification de la doctrine sur les crues de référence pour un budget d'environ 5 millions d'euros et enfin, des raccordements routiers supplémentaires liés aux demandes de la mairie d'Orange. Les mesures environnementales permettent de réduire les impacts du projet sur la faune et la flore par rapport aux éléments présents dans l'étude d'impact associée au dossier d'enquête de 2006. Ainsi, l'augmentation du poste des travaux pour 28,1 % hors actualisation due à des exigences nouvelles et impérieuses, ne révèle pas qu'à l'époque de l'enquête, le coût de l'opération a fait l'objet d'une sous-évaluation manifeste. Par suite, l'appréciation sommaire des dépenses permettait de connaître le coût total réel du projet et notamment des dépenses de travaux tel qu'il pouvait raisonnablement être apprécié à l'époque de son élaboration. Dès lors, cette appréciation répondait aux prescriptions du 5 du I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

17. Ainsi qu'il vient d'être dit, dès lors que l'appréciation correspondait au coût total des travaux raisonnablement estimé à la date de l'enquête publique, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la nécessité de renouveler l'enquête n'est pas établie.

S'agissant de l'utilité publique de l'opération :

18. Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la RN 7, qui est une route urbaine à deux voies, est l'axe principal de desserte de l'agglomération d'Orange et le seul itinéraire en rive gauche du Rhône autorisant le délestage de l'autoroute A 7 en situation de surcharge. Sa fréquentation est très élevée puisque qu'elle dessert la zone Sorgues / Le Pontet / Avignon et en 2014, la circulation moyenne journalière annuelle sur la portion de la RN 7, objet de l'opération, est d'environ 18 000 véhicules par jour, pour une estimation de 11 000 véhicules par jour au stade de l'enquête publique. La circonstance que la croissance effective du trafic soit en retrait par rapport aux projections initialement réalisées n'est pas de nature à infirmer le constat que la RN 7 est largement inadaptée à ses multiples usages, dès lors que le trafic constaté en 2014 demeure très élevée, et justifie la création d'une déviation à même de capter à sa mise en service la même proportion de trafic que celle estimée lors de l'enquête publique soit environ 55 % du trafic. Le projet de réduire les nuisances constatées en centre-ville et dues au passage de véhicules légers et lourds permettra d'améliorer le cadre de vie des résidents et de requalifier l'existant. L'opération du contournement d'Orange présente donc un intérêt général. Par ailleurs, comme il l'a été dit au point 16, l'augmentation justifiée du coût de l'opération envisagée de 28,1 % par rapport à son montant initial actualisé, n'est ni manifestement sous-évaluée, ni déraisonnable. En outre, si les requérants font valoir que l'opération préjudicie gravement aux intérêts de l'hypermarché Carrefour, par un arrêt n° 18MA01634 du 3 novembre 2020 Société Immobilière carrefour, la présente Cour a rejeté la requête de cette société possédant un hypermarché sur le territoire concerné visant à l'annulation du décret du 20 mars 2006 prolongé déclarant d'utilité publique l'opération litigieuse. Enfin, les requérants soutiennent que l'opération porte atteinte aux intérêts économiques de la société Gemelli, de la SCI Céline et de la société Loxam, et qu'elle implique la disparition d'un musée aéronautique. Toutefois, si les atteintes à plusieurs commerces et industries et à l'existence d'un musée aéronautique sont importantes, elles ne sont pas excessives au regard du droit de propriété et des activités économiques, dès lors que des indemnités viennent compenser les personnes expropriées et qu'il n'est pas contesté que le musée aéronautique en cause peut être déménagé. Ainsi, les requérants n'établissent pas, eu égard à l'importance de l'opération et compte tenu des mesures compensatoires, que les inconvénients du projet seraient de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de cessibilité :

S'agissant de la compétence du signataire de l'arrêté du 19 mai 2015 prescrivant l'ouverture d'une enquête parcellaire sur le territoire de la commune d'Orange en vue des acquisitions foncières nécessaires à la réalisation, des sections 1 et 2 de la déviation de la RN 7, situées entre la route départementale 975 et le giratoire des Crémades :

20. Comme il a été dit par les premiers juges, par arrêté n° 2015061-0001 du 2 mars 2015 régulièrement publié, le préfet de Vaucluse a donné délégation de signature à Mme G... E..., secrétaire générale de la préfecture de Vaucluse, à l'effet de signer notamment, en toutes matières, tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de Vaucluse, à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département, des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté du 19 mai 2015 doit être écarté.

S'agissant de la compétence du signataire de l'arrêté de cessibilité du 16 décembre 2015 :

21. Aux termes de l'article R. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en vigueur : " Au vu du procès-verbal prévu à l'article R. 131-9 et des documents qui y sont annexés, le préfet du département où sont situées les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire les déclare cessibles, par arrêté (...) "

22. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par

M. F... I..., préfet de Vaucluse, lequel était compétent pour ce faire. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la composition du dossier d'enquête parcellaire :

23. Aux termes de l'article R. 131-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - Lorsque les communes où sont situés les immeubles à exproprier se trouvent dans un seul département, l'expropriant adresse au préfet du département, pour être soumis à l'enquête dans chacune de ces communes, un dossier comprenant :/ 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ;/ 2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens (...) ". L'article R. 151-4 du code de la voirie routière dispose : " Lorsqu'il y a lieu à expropriation, l'enquête parcellaire est effectuée dans les conditions prévues au III du livre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Toutefois, le dossier soumis à enquête comprend, outre les documents énumérés à l'article R. 131-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, une notice accompagnée des plans précisant les dispositions prévues pour assurer le désenclavement des parcelles que la réalisation de la route doit priver d'accès (...) ".

24. Les articles précités n'exigent pas que le dossier soumis à une enquête parcellaire mentionne des éléments portant sur le coût des études et des travaux d'aménagement, et sur le coût d'acquisition des parcelles, mais seulement un plan parcellaire et la liste des propriétaires des immeubles à exproprier. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la notification du dossier d'enquête parcellaire :

25. Il résulte des dispositions des articles R. 131-3 et R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que l'expropriant doit notifier le dépôt du dossier d'enquête parcellaire aux propriétaires des immeubles à exproprier figurant sur la liste mentionnée au 2° de l'article R. 131-3 et dont le domicile est connu d'après les renseignements qu'il a pu recueillir auprès du service du cadastre ou du conservateur des hypothèques ou par tout autre moyen. Ces dispositions n'imposent pas à l'expropriant de procéder à de nouvelles recherches lorsque la notification au domicile ainsi déterminé revient avec la mention "non réclamé", auquel cas la notification est réputée avoir été régulièrement faite à ce domicile, ou avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée", auquel cas l'affichage en mairie se substitue régulièrement à la formalité de notification individuelle.

26. Il ressort des pièces du dossier que le service a notifié à la SCI Model et à la gérante de celle-ci, Mme H... J..., le dépôt du dossier d'enquête parcellaire à la seule adresse connue de l'administration. Le pli recommandé (AR n° 2C 075 990 9749 7) ayant été retourné en portant la mention " destinataire inconnu à cette adresse ", une copie de la notification a été affichée en mairie. Par suite, le moyen de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

27. Au cas d'espèce, l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité piblique n'exigeait la notification du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie d'Orange qu'aux propriétaires des parcelles concernées, et non à l'association " Les Amis de la cinquième escadre " et son président, M. D... J..., qui ne sont qu'occupants de la parcelle dont la cessibilité est envisagée. Le moyen tiré du défaut de notification régulière sera écarté comme inopérant.

S'agissant de l'absence de mention de l'intégralité des parcelles :

28. Il résulte des dispositions de l'article 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, que l'arrêté de cessibilité doit porter sur la totalité du périmètre délimité par l'acte portant déclaration d'utilité publique qui le précède. Si les requérants soutiennent que l'arrêté de cessibilité attaqué est incomplet, ils ne désignent pas les parcelles qui devraient figurer dans celui-ci. Par suite, ce moyen sera écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la compatibilité de l'arrêté de cessibilité avec l'emprise du projet :

29. D'une part, dès lors que la parcelle cadastrée AZ n° 139 appartient à un tiers, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir qu'elle ne serait pas incluse dans le projet déclaré d'utilité publique. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le périmètre des immeubles concernés par l'opération d'utilité publique est différent de l'état parcellaire.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Model et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Leur requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

31. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent les requérants, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Model et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Model, à l'association " les amis de la cinquième escadre ", à M. D... J..., à la SCI Céline et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet du Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

N° 18MA01524 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01524
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : COQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-17;18ma01524 ?
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