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05/11/2020 | FRANCE | N°20MA00521

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 20MA00521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1705161 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 octob

re 2020, M. et Mme C..., représentés par Ernst et Young société d'avocats agissant par Me D... et Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1705161 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 2020, M. et Mme C..., représentés par Ernst et Young société d'avocats agissant par Me D... et Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer en conséquence la décharge demandée à hauteur de 29 047 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'a pas joint à cette dernière la décision du 12 novembre 2015 ; la jonction de cette décision à la réponse aux observations des contribuables ne couvre pas le défaut de motivation de la proposition ; ils se prévalent à ce titre de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 du 12 septembre 2012 ;

- l'avis d'imposition qui leur a été notifié est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas la proposition de rectification et le document récapitulant les conséquences financières du contrôle, ainsi que le prescrit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales relatif à l'avis de mise en recouvrement ;

- en ne prévoyant pas une obligation similaire à celle prévue par l'article R. 256-1 précité pour les avis d'imposition complémentaires émis à la suite d'un contrôle sur pièces opéré selon la procédure de rectification contradictoire, le 2ème alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales est contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par la Constitution, dès lors qu'il porte atteinte aux garanties fondamentales du contribuable ;

- la procédure de rectification est irrégulière par voie de conséquence de l'irrégularité de la procédure de retrait d'agrément ;

- la décision du 12 novembre 2015 n'est pas un retrait d'agrément dès lors qu'aucun agrément n'avait préalablement été délivré ; elle doit s'analyser comme le retrait de l'acte créateur de droits du 21 mars 2012 qui était un accord de principe sur le droit à l'agrément sollicité ; à tout le moins, la décision s'analyse comme un refus d'agrément dans la mesure où l'article 217 undecies II. 2 du code général des impôts relatif à l'agrément tacite ne trouve pas à s'appliquer, un accord de principe ayant été donné ;

- le retrait n'est pas intervenu à la demande de la société par actions simplifiée (SAS) Saint-Maurice IV ; il ne répond à aucune exigence résultant d'une exécution de la chose jugée ; il est intervenu après la période de quatre mois ; il ne résulte pas de la méconnaissance d'une condition mise au maintien de la décision initiale ; il est donc illégal ;

- à supposer que la décision du 12 novembre 2015 soit qualifiée de refus d'agrément, les contribuables devaient être informés de la possibilité de saisir la commission consultative prévue à l'article 217 undecies du code général des impôts ;

- à supposer qu'elle soit qualifiée de retrait, la commission consultative devait être consultée, comme le prévoit l'article 46 quaterdecies V de l'annexe III au code général des impôts ; il s'agit d'une garantie fondamentale dont le non-respect vicie la procédure et doit entraîner l'invalidation de la décision ; les contribuables devaient en outre recevoir la même information que précédemment ;

- l'administration fiscale a ajouté à la loi puisqu'elle se fonde sur le non-respect de conditions non prévues par le texte ; en effet, il n'existait aucun délai légal de construction des logements à la date de dépôt de la demande d'agrément ; la plupart des obligations posées par la loi et dont le non-respect a été invoqué par le service naissent à la date d'achèvement des travaux ; le respect des obligations fiscales ne s'impose qu'à compter de la période de location des logements et un simple retard dans les déclarations ne saurait s'apparenter à une absence totale de déclaration ; la société Siguy n'a pas renoncé à construire le programme immobilier concerné ; l'administration ne peut reprocher à la SAS Saint-Maurice IV de ne pas l'avoir informée de la situation de la société Siguy alors qu'elle dispose d'un représentant au conseil d'administration et qu'elle avait été informée de cette situation lors d'une réunion du 27 novembre 2014 ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de M. et Mme C....

Il fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, et présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont bénéficié, sur le fondement de l'article 199 undecies C du code général des impôts, d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 à raison d'investissements réalisés en Guyane par l'intermédiaire de la SAS Saint-Maurice IV dont ils sont associés. A la suite d'un contrôle sur pièces et par une proposition de rectification du 4 décembre 2015, l'administration a remis en cause cet avantage fiscal au motif que l'agrément qui avait été accordé à cette société pour la réalisation des investissements leur avait été retiré par une décision du 12 novembre 2015. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 16 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, de l'imposition supplémentaire en litige.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.

4. La proposition de rectification du 4 décembre 2015 notifiée à M. et Mme C... comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition. Elle énonce que les requérants ne pouvaient pas bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu, prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts du fait du retrait, par une décision du 12 novembre 2015, de l'agrément accordé à la SAS Saint-Maurice IV sur le fondement de l'article 217 undecies du même code. Toutefois, en se bornant à faire état, dans la proposition de rectification précitée et adressée aux intéressés, de ce retrait et à indiquer, de manière générique et non circonstanciée, les raisons de ce retrait à savoir le " non-respect des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts ", " l'inexécution de plusieurs engagements souscrits en vue d'obtenir l'agrément ", le " non-respect de plusieurs des conditions auxquelles l'octroi de cet agrément a été subordonné " et le " non-respect par l'un des bénéficiaires directs de cet agrément de ses obligations fiscales ", sans annexer cette décision de retrait ni en reproduire, même succinctement, les termes et donc les motifs de fait la fondant, la proposition de rectification ne satisfaisait pas aux exigences de motivation résultant des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Si les requérants ont finalement reçu la décision concernée qui accompagnait la réponse aux observations des contribuables en date du 13 mai 2016, l'administration n'a pas pour autant considéré qu'un nouveau délai pour présenter leurs observations courrait à l'endroit des contribuables du fait de l'envoi différé de cet élément de motivation et n'a donc pas rétabli la faculté du débat contradictoire dont la notification de la proposition de rectification insuffisamment motivée avait privé M. et Mme C.... Dans ces conditions, les intéressés ne peuvent être regardés comme ayant disposé en temps utile des informations leur permettant de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation en application des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, les appelants ont été privés des garanties attachées à la procédure contradictoire et l'imposition en litige est donc intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et à demander, par suite, la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1705161 du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

5

N° 20MA00521

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00521
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-02-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement). Proposition de rectification (ou notification de redressement). Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-05;20ma00521 ?
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