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05/11/2020 | FRANCE | N°19MA03404

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 19MA03404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1304806 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2015 et le 27 juillet 2016, M. et Mme B..

., représentés par Me F..., ont demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1304806 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2015 et le 27 juillet 2016, M. et Mme B..., représentés par Me F..., ont demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutenaient que :

- la création de la société civile (SC) Valmer ne répond pas à un but exclusivement fiscal ;

- cette société ne présente pas un caractère fictif ;

- les produits de la cession de titres de la société Alpes Investissement par la SC Valmer en 2006 ont fait l'objet de réinvestissements à caractère économique à hauteur d'environ 50 % du prix de la cession de ces parts sociales ;

- aucun transfert de fonds au sens de l'article 1649 A du code général des impôts n'a été réalisé vers le Maroc ;

- l'article 9 de la convention entre la France et le Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions stipule que les revenus des biens immobiliers ne sont imposables que dans l'Etat où ces biens sont situés ;

- le déficit foncier constaté en 2006 du fait de leur investissement immobilier réalisé à Grasse peut bénéficier des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts ;

- la révocation du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts ne saurait entraîner nécessairement des sanctions pour abus de droit ;

- les pénalités qui leur ont été infligées pour abus de droit, sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts doivent être déchargées en application de la loi pénale plus douce ;

- la sanction de l'abus de droit résultant de l'interprétation donnée par la jurisprudence méconnaît le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et celui de la présomption d'innocence consacré par l'article 9 de la même déclaration ;

- elle viole également les articles 6 § 2 et 7 § 1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacrent respectivement la présomption d'innocence et le principe de légalité des délits et des peines ;

- les autres pénalités doivent également être déchargées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2015, le ministre chargé du budget a conclu au rejet de la requête.

Il faisait valoir que les moyens soulevés par les requérants n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 15MA02553 du 13 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par une décision n° 411474 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 avril 2017 en tant qu'il s'est prononcé sur la remise en cause du sursis d'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport de titres par les époux B... à la société Valmer en 2006 et sur les pénalités correspondantes, et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Les parties ont été informées, le 24 juillet 2019, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par deux mémoires, enregistrés le 26 août 2019, M. et Mme B..., représentés par Me F..., maintiennent leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, formulent des conclusions tendant au prononcé de la décharge des impositions, en droits et pénalités, résultant de la remise en cause du sursis d'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport de titres à la société Valmer en 2006, et portent leur demande, présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la somme de 8 000 euros.

Ils confirment leur moyen tiré de ce que l'opération par laquelle ils ont placé la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport à la société civile Valmer des actions de la société Alpes Investissement en sursis d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts ne poursuivait pas un but exclusivement fiscal par application littérale des dispositions de cet article, contraire à l'intention du législateur, et n'était dès lors pas constitutive d'un abus de droit.

Ils soutiennent en outre que, s'agissant des pénalités, le Conseil d'Etat a, en matière de pénalité de 80 % prévue en cas d'exercice d'une activité occulte, reconnu l'erreur de bonne foi du contribuable qui recouvre une hypothèse où ce dernier, du fait des incertitudes quant au caractère imposable de l'activité exercée, a pu, par erreur, ne pas déclarer cette activité et les revenus qu'il en a retiré ; un tel raisonnement pourrait être transposé en l'espèce aux pénalités pour abus de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête des époux B....

Il fait valoir qu'il entend se référer à ses moyens soulevés dans son mémoire en défense du 17 octobre 2018 adressé au Conseil d'Etat dans le cadre du pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêté précité n° 15MA02553 de la cour administrative de Marseille, qu'il joint en annexe, et à ses précédentes écritures devant la Cour de céans.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement du président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me F... représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2006 et 2007. Par une proposition de rectification du 15 décembre 2009, l'administration fiscale a notamment remis en cause, selon la procédure de l'abus de droit, le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value réalisée en 2006 concernant l'apport par M. B... à la société civile (SC) Valmer de titres de la société Alpes Assainissement et a assorti cette rectification des pénalités de 80 % prévues à l'article 1729 du code général des impôts. Les époux B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par un arrêt du 13 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement. Par une décision du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation formé par les époux B..., a annulé cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la remise en cause du sursis d'imposition de la plus-value précitée et sur les pénalités correspondantes, et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour.

I. Le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, - comme c'est le cas en l'espèce en l'absence de saisine du comité de l'abus de droit fiscal -, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

4. En vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2006, les dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts relatives à l'imposition des plus-values de cession, " (...) ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable. L'acquisition par la société de biens appartenant au contribuable ne peut être regardée comme un réinvestissement à caractère économique dès lors qu'elle permet à celui-ci d'appréhender tout ou partie du produit de cession des titres ayant fait l'objet de l'opération d'apport.

6. La SC Valmer, qui a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a été créée le 20 septembre 2006 par M. B..., qui a apporté au capital de cette société les cent trente-deux actions qu'il détenait dans la société Alpes Assainissement. Cet apport, évalué à 3 771 240 euros, s'est traduit par l'attribution à M. B... de 99,77 % des parts de la SC Valmer. M. et Mme B... ont placé la plus-value réalisée à l'occasion de cette opération d'apport en sursis d'imposition sur le fondement des dispositions précitées de l'article 150-0 B du code général des impôts. Par un acte du 2 novembre 2006, enregistré le 30 novembre 2006, la SC Valmer a cédé l'ensemble des actions de la société Alpes Assainissement à la société Sud-Est Assainissement, filiale du groupe Veolia Assainissement, pour un montant de 3 771 430 euros, cette opération ne révélant aucune plus-value taxable. Par une proposition de rectification du 15 décembre 2009, le service a remis en cause le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value sur l'apport, par M. B..., à la SC Valmer, de titres de la société Alpes Assainissement dont il était dirigeant, en considérant que l'interposition de la SC Valmer, soumise à l'impôt sur les sociétés par option, avait pour seul but de permettre à l'intéressé de bénéficier de l'exonération de la plus-value dès lors que l'apport n'avait aucune vocation à être remployé dans le cadre de réinvestissements à caractère économique.

7. Au préalable, et d'une part, M. et Mme B... soutiennent que la création de la société Valmer n'avait pas un but purement fiscal puisque son objet était de centraliser les investissements économiques existants et à venir de M. B.... Cependant, un tel constat ne saurait faire échec par lui-même à l'application des principes exposés ci-dessus au point 3 du présent arrêt. En l'espèce, l'opération d'apport de titres effectuée par M. B... au bénéfice de cette société qu'il contrôle entièrement, suivie de la cession quasi immédiate de ces titres, a permis à l'intéressé de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres, tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l'apport. Par suite, une telle opération peut ainsi recevoir la qualification d'abus de droit, sauf si, comme le font valoir les requérants, une part significative du produit de la cession a été réinvestie dans une activité économique, ce qui est examiné aux points 8 et suivants du présent arrêt. D'autre part, si les époux B... estiment que l'administration fiscale s'est fondée à tort sur le caractère fictif de la société Valmer alors qu'il s'agit d'une société civile dont l'objet est de prendre des participations dans d'autres sociétés, il résulte cependant de l'instruction que l'administration, qui s'est bornée à faire état de l'absence de moyens humains et matériels de cette société à l'appui de sa démonstration de l'existence d'un montage fiscal, n'a pas entendu écarter la création de cette société comme fictive.

En ce qui concerne l'acquisition d'un terrain à Mison :

8. En l'espèce, les époux B... font valoir que l'acquisition par la société Valmer, en juin 2007 d'un terrain situé à Mison, au prix total de 154 000 euros, constitue un réinvestissement de nature économique dès lors qu'ils projetaient d'y implanter une activité industrielle de traitement des déchets. L'acte notarié d'acquisition du 27 juin 2007 produit au dossier mentionne que le terrain a vocation à accueillir un bâtiment industriel pour lequel un certificat d'urbanisme a été accordé le 11 juin 2007 et que l'acquéreur a déclaré vouloir y implanter une activité de traitement des déchets. Les requérants ajoutent que la rentabilité du projet dépendait de la possibilité de réaliser une installation de production électrique photovoltaïque et que la modification des conditions tarifaires d'achat par la société Electricité de France (EDF) a conduit la société à différer la réalisation de ce projet. Cependant, et d'une part, ne figure au dossier aucune pièce de nature à attester du sérieux de celui-ci, comme notamment une étude de faisabilité, une étude environnementale dans le cadre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), ni même une étude sur le projet d'installation de production électrique. D'autre part, il n'est pas davantage justifié de l'évolution tarifaire de la production d'électricité dont les époux B... se prévalent et qui aurait seule causé l'échec du projet. Dans ces conditions, le projet concerné ne témoigne pas de tentatives sérieuses et documentées de réinvestissement dans une activité économique, qui n'ont pu aboutir pour des circonstances indépendantes de leur volonté. Par suite, l'acquisition du terrain concerné par la SC Valmer ne saurait être regardée comme procédant d'un réinvestissement à caractère économique.

En ce qui concerne les prises de participations de la SC Valmer dans d'autres sociétés :

9. Si M. et Mme B... ont cédé le 20 avril 2009 à la SC Valmer les parts qu'ils détenaient dans la société à responsabilité limitée (SARL) Belvoir, la SARL Image Inn et la SARL Les Balcons de Montcheny, ces cessions ne peuvent être regardées comme un réinvestissement économique dès lors qu'elles ont permis aux contribuables d'appréhender la trésorerie de la société Valmer.

10. Les époux B... soutiennent en outre que le 29 novembre 2013, la SC Valmer a acquis sept parts sociales sur les quarante composant le capital de la société Voltaix dont l'objet social est la réalisation d'opérations de promotions immobilières. Cependant, cette prise de participations dans la SARL Voltaix, effectuée huit ans après la cession des parts de la société Alpes Assainissement, ne peut être regardée comme intervenue dans un délai raisonnable.

11. En revanche, la prise de participations initiale, à hauteur de 10 % pour un montant de 100 euros, dans le capital de la SARL Les Balcons de Montcheny, créée en 2008 et ayant pour objet la promotion immobilière, et celle, à hauteur de 50 % pour un montant de 500 euros, dans le capital de la SARL Shony, créée en 2007, avec pour objet la prise de participations dans toute société civile ou commerciale, constituent, dans les circonstances de l'espèce, des investissements dans une activité économique. Il en est de même de la participation à hauteur de 19 800 euros, soit 33 % du capital social, dans la société Dynamic Développement dont l'objet est une prise de participations dans toutes entreprises relevant du champ de compétence des associés et que la SC Valmer a créée le 25 août 2008 avec d'autres actionnaires. Il en résulte que les prises de participations dans ces sociétés par la SC Valmer doivent ainsi être regardées comme des réinvestissements à caractère économique à hauteur de la somme totale de 20 400 euros.

En ce qui concerne les prêts et avances consentis à diverses sociétés :

12. D'une part, le placement, par la société bénéficiaire de l'apport, du produit de la cession des titres apportés, sur un compte courant ouvert dans les écritures d'une société dans laquelle elle a pris une participation, revêt un caractère patrimonial, en l'absence de circonstances particulières de nature à lui conférer un caractère économique.

13. D'autre part, un prêt par la société bénéficiaire de l'apport, consenti à partir du produit de la cession des titres apportés, peut, au regard notamment de la qualité de l'emprunteur, de son objet et de ses modalités, s'analyser comme un investissement à caractère économique.

S'agissant des prêts et avances consentis à la SARL Belvoir :

14. La SARL Belvoir, dont M. et Mme B... possédaient 24 % des parts sociales, a pour objet social l'acquisition, la prise à bail de terrains en vue de l'implantation de parcs résidentiels de loisirs, de camping et de toutes activités touristiques ainsi que l'exploitation commerciale de ceux-ci. Cette société avait pour projet de créer un parc résidentiel de loisirs sur un ancien camping situé à Méounes-les-Montrieux, projet initié en 2005 et qui aurait subi de nombreux retards liés à des difficultés dans l'obtention des autorisations d'urbanisme nécessaires, pour finalement aboutir à la délivrance d'un permis d'aménager en février 2016.

15. Les époux B... se prévalent d'un prêt d'un montant de 240 000 euros qui a été consenti à la société Belvoir par la SC Valmer le 7 août 2008, dont la finalité était selon eux de compenser des pertes et un débit bancaire de 1 016 595 euros au 5 juillet 2008, de telle sorte qu'il avait bien pour objet de maintenir les actifs de la société et la survie du projet économique. Cependant, si ce prêt figure bien à l'actif du bilan de la SC Valmer au titre des exercices clos en 2008 et en 2009, les époux B... ne produisent aucun contrat de prêt écrit en fixant l'objet et la durée. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de l'assemble générale ordinaire du 28 août 2008 de la société Belvoir que la 5ème résolution de cette assemblée ne fait pas état d'un prêt consenti par la société Valmer mais d'un apport de M. B.... Dans ces conditions, et alors que les premiers investissements, notamment l'achat du terrain et divers travaux ont été réalisés à la suite de la création de la société et avant l'octroi du prêt en litige - ainsi que cela ressort de la lecture des bilans de la société Belvoir, qui révèle que le terrain d'implantation du projet figurait déjà à l'actif au 31 décembre 2007 et que les autres immobilisations corporelles s'élevaient à cette date à 233 299 euros - et que le projet a été ensuite bloqué pendant de nombreuses années, ce prêt ne saurait être regardé comme ayant eu pour objet le maintien ou le développement de l'activité de la SARL Belvoir.

16. Les requérants font également état d'avances en compte courant d'associés qui auraient été accordées par la société Valmer à la société Belvoir, portant le total des fonds prêtés à 453 787 euros au 31 décembre 2014, soit, si l'on exclut le prêt précité de 240 000 euros, un montant d'avances égal à 213 787 euros. Si le bilan de la SARL Belvoir au 31 décembre 2008 ne fait pas apparaître d'avances en provenance de la société Valmer, il comporte en revanche, sur le compte courant ouvert au nom de cette société, un montant respectif de 247 380 euros au 31 décembre 2009 et de 444 187 euros au 31 décembre 2010. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 12 du présent arrêt, de telles avances sont présumées avoir un caractère patrimonial. Dans ces conditions, compte tenu des investissements déjà effectués avant 2009 par la société Belvoir et en l'absence de réalisation du projet, il ne résulte pas de l'instruction que ces avances ont été consenties en vue de développer l'activité économique de la société Belvoir, notamment en permettant le financement de travaux, l'acquisition d'éléments d'actif ou la constitution d'un stock.

17. Par suite, il en résulte que les sommes prêtées ou avancées par la SC Valmer à la SARL Belvoir ne peuvent être regardées comme des investissements à caractère économique effectués par la société Valmer.

S'agissant des prêts et avances consentis à Mme G..., à la SARL Image Inn et à la société civile de construction vente (SCCV) Maintenon :

18. La SARL Image Inn, qui a été créée le 9 juin 2006 soit, avant la création de la société Valmer, a notamment pour objet social la gestion et l'exploitation de résidences de tourisme et de résidences de services sous toutes leurs formes. La société Valmer en est devenue associée ultérieurement, suite au rachat des parts détenues par M. B... dans cette société en 2009. Dans le cadre d'un projet de construction d'une résidence de tourisme, dont la SARL Image Inn devait assurer la gestion, a été créée le 22 septembre 2006 la société civile de construction vente (SCCV) Maintenon entre notamment la société Image Inn et Mme G....

19. Selon les requérants, la cession du terrain d'assiette du projet par leurs propriétaires était conditionnée à l'octroi, par l'un des autres associés direct ou indirect de la SCCV Maintenon, d'une avance à Mme G... égale à la part du prix du terrain correspondant à ses droits dans le capital de la société Maintenon. Les époux B... affirment qu'ainsi, la société Valmer a, suite à cet accord, consenti le 16 octobre 2006, en vue de l'acquisition du terrain d'assiette du projet, un prêt de 305 000 euros à Mme G... qui a été formalisé par un acte écrit fixant un taux d'intérêt de 5 % et une durée de trente-six mois, remboursable en une seule fois à son terme échu le 20 octobre 2009. La société Valmer a également octroyé un prêt de 105 000 euros à la société Image Inn le 16 octobre 2006, sans le formaliser mais dans des conditions similaires, selon les requérants, à l'exception du taux, à celles du prêt accordé à Mme G.... Les intéressés soutiennent que ces prêts ont permis de financer l'acquisition du terrain d'assiette du projet qui est intervenue le 7 novembre 2006 au prix de 600 000 euros et que les sommes correspondantes ont été libérées sur le compte du notaire. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ces prêts ont été consentis les 16 et 20 octobre 2006, soit avant la cession par la société Valmer des parts apportées par M. B... de la société Alpes Assainissement, intervenue le 2 novembre 2006, de sorte qu'ils ne peuvent constituer un réinvestissement économique du produit de cette cession. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'acte notarié du 7 novembre 2006, postérieur à la cession, ne comporte aucune précision quant à l'origine des fonds utilisés par l'acquéreur. Si le relevé de compte de la SCCV Maintenon chez le notaire en charge de la vente du terrain fait apparaître un versement de 410 000 euros de la société Valmer pour le compte de la société Maintenon en date du 6 novembre 2006, soit postérieurement à la cession, le lien avec les fonds prêtés n'est pas établi. Enfin, le prêt consenti à la société Image Inn est en outre antérieur à la date à laquelle la société Valmer est devenue associée de cette société et le prêt consenti à Mme G... à titre personnel, formalisé par un écrit, ne fait figurer aucun objet, de sorte qu'il ne peut être relié avec certitude à l'opération immobilière précitée. Dans ces conditions, les prêts consentis respectivement à Mme G... et à la SARL Image Inn de montant respectifs de 305 000 euros et 105 000 euros ne sauraient s'analyser comme des investissements à caractère économique.

20. M. et Mme B... soutiennent également que, s'agissant du même projet, la société Valmer a consenti un prêt de 100 000 euros à la SCCV Maintenon le 16 juillet 2007, date qui coïnciderait avec le démarrage programmé des opérations de construction, lequel, en pratique, n'a pas eu lieu à cette date. Ils ajoutent que ce prêt faisait suite à un appel de fonds complémentaire de 750 000 euros auprès des associés à la demande de la banque de la SCCV, que la société Valmer a octroyé pour le compte de la société Image Inn. Cependant et d'une part, les intéressés ne produisent aucun contrat permettant de connaître les modalités du prêt et la destination des fonds. D'autre part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société Valmer n'était pas associée de la SCCV Maintenon et aucun élément du dossier ne permet de relier le prêt précité à la réalisation du projet de création d'une résidence hôtelière. Il en est de même d'un prêt d'un montant de 9 000 euros accordé par la SC Valmer à la SCCV Maintenon le 31 décembre 2011, soit plus de cinq ans après la cession des parts de la société Alpes Assainissement.

21. Enfin, si les époux B... se prévalent des avances consenties à la société Image Inn en compte courant d'associé à hauteur de la somme de 325 010 euros au 31 décembre 2014, ils ne justifient pas de ce montant avec une précision suffisante dès lors que les bilans de cette société produits au dossier ne font apparaître, sur le compte courant de la société Valmer que la somme de 229 000 euros au 31 décembre 2007, celle de 259 010 euros au 31 décembre 2008 et celle de 269 010 euros au 31 décembre 2008. En outre et surtout, les époux B... ne font état d'aucun élément de nature à renverser la présomption d'investissement à caractère patrimonial de telles avances, et à démontrer que ces dernières auraient été utilisées pour développer le projet de résidence de tourisme porté par la société Maintenon, quand bien même la société Image Inn aurait à son tour consenti des avances en compte courant d'associé à la SCCV Maintenon.

22. Par suite, il en résulte que les sommes prêtées ou avancées par la SC Valmer à Mme G..., à la SARL Image Inn et à la SCCV Maintenon ne peuvent s'analyser comme des investissements à caractère économique effectués par la société Valmer.

S'agissant des avances consenties à la SARL Voltaix :

23. Ainsi qu'il a été exposé au point 10 du présent arrêt, la SC Valmer a pris en 2013 des participations dans la SARL Voltaix, qui a pour objet la promotion immobilière. Si les époux B... se prévalent de l'avance en compte courant d'associé de 250 000 euros consentie à cette société par la société Valmer en 2014 afin, selon eux, de financer l'acquisition du terrain d'assiette de futurs logements, un telle avance n'a, en tout état de cause, pas été effectuée dans un délai raisonnable par rapport à la cession des parts de la société Alpes Assainissement. Par suite, elle ne saurait être prise en compte au titre des réinvestissements à caractère économique opérés par la SC Valmer.

S'agissant des avances consenties à la SARL Shony :

24. La SARL Shony, dont le capital est détenu pour moitié par la SC Valmer, a été créée le 7 mars 2007 et a pour objet social la prise de participations dans toute société civile ou commerciale. Les époux B... font valoir que cette société avait pour projet de détenir une participation dans une société de transport, Dynamic Environnement, et que le 18 avril 2007, une avance de 404 790 euros a été consentie à la SARL Shony par la SC Valmer pour permettre l'acquisition d'actions de cette société de transport.

25. Il résulte de l'examen des bilans des deux sociétés que figure, à l'actif du bilan de la société Valmer au 31 décembre 2007, une créance détenue sur la société Shony de 379 502 euros et, au passif du bilan de la société Shony aux 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009, le même montant au compte courant de la société Valmer. En outre, il ressort de l'examen des bilans de la société Shony que cette dernière ne disposait pas de liquidités permettant de rembourser l'avance de la SC Valmer aux 31 décembre 2007, 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009. Compte tenu de la concordance des dates et des montants entre l'avance ainsi consentie et l'achat des actions de la société Dynamic Environnement, intervenue le 18 avril 2007, ainsi que de la proximité de cette opération avec la date de création de la société Shony, les époux B... sont fondés à soutenir que cette avance, qui est justifiée à hauteur d'un montant de 379 502 euros, a permis à la société Shony d'acquérir des éléments d'actif et constitue, par suite, un investissement à caractère économique d'une partie du produit de la cession des parts apportées à la société Valmer par M. B....

S'agissant des avances consenties à la SARL Les Balcons de Montcheny :

26. Les époux B... font valoir que la SC Valmer a apporté, par le biais d'avances en compte courant d'associé, à la SARL Les Balcons de Montcheny, créée le 7 mars 2008, détenue à hauteur de 10 %, puis de 50 %, par la société Valmer et qui a pour objet la promotion immobilière, une somme globale de 493 587 euros au 31 décembre 2009. Cette société avait pour projet la réalisation d'un lotissement à Montcheny, en procédant à l'acquisition d'un terrain qu'elle a ensuite aménagé et divisé en lots.

27. L'examen des bilans de la société Les Balcons de Montcheny confirme le montant de l'avance consentie par la société Valmer au 31 décembre 2008 à hauteur de 363 587 euros mais ne fait pas apparaître celui de 493 587 euros au 31 décembre 2009, seul le montant total des avances des associés étant inscrit à hauteur de 507 394 euros. Les bilans de la société Valmer font quant à eux bien mention, à l'actif, au compte 267110 intitulé C/C Balcons de Montcheny, d'une créance de 363 587 euros au 31 décembre 2008 et de 493 587 euros au 31 décembre 2009. L'analyse des bilans de la société Balcons de Montcheny révèle en outre l'absence de disponibilités suffisantes aux 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009, pour procéder au remboursement de ces avances et qu'au 31 décembre des années 2008 et 2009, son seul actif hors créances, valeurs mobilières de placement et disponibilités, était constitué d'un en-cours de production chiffré à 389 005 euros en 2008 et à 513 375 euros en 2009. Eu égard à la concordance entre le montant des avances de la société Valmer et celui de l'actif de la société Les Balcons de Montcheny, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que ces avances ont permis à la société bénéficiaire, qui venait juste d'être créée, d'acquérir des éléments d'actif nécessaires à la réalisation de son projet de lotissement, soit principalement le terrain, au prix de 360 000 euros, et, pour le surplus, les travaux d'aménagement de ce dernier. Par suite, le montant global de 493 587 euros de l'avance que la SC Valmer a consentie à la SARL Les Balcons de Montecheny peut s'analyser, dans les circonstances de l'espèce, comme un investissement à caractère économique.

S'agissant du contrat de capitalisation souscrit par l'intermédiaire d'UBS France :

28. L'administration fiscale a relevé que l'activité de la SC Valmer en 2006 s'est limitée à la gestion de la trésorerie dont elle disposait suite à la cession du 2 novembre 2006, placée à hauteur de 2 730 000 euros sous la forme d'un contrat de capitalisation multi-supports souscrit par l'intermédiaire d'UBS France et qu'ainsi, cette somme n'avait pas été réinvestie dans une activité économique. Les époux B... estiment que c'est à tort que l'administration comme les premiers juges ont considéré que l'investissement du surplus des disponibilités dans un contrat de capitalisation ne pouvait pas être regardé comme un réinvestissement économique, en soutenant que les placements financiers destinés à garantir des emprunts utilisés pour réaliser des investissements économiques - comme c'est le cas des projets précités -, constituent eux-mêmes des investissements économiques.

29. Cependant, si les époux B... soutiennent que ce contrat de capitalisation a permis à la société Valmer de solliciter des avances sur l'épargne investie, ce qu'elle a d'ailleurs fait en obtenant des lignes de crédit dès l'année 2009, et de garantir des emprunts ayant servi à des investissements, ni le lien entre les opérations de placement et les emprunts, ni le fait que ces emprunts auraient permis le financement d'opérations économiques de la société Valmer ne sont en l'espèce établis. Par suite, le contrat de capitalisation d'un montant de 2 730 000 euros ne saurait s'analyser comme un réinvestissement à caractère économique.

En ce qui concerne la part des investissements économiques dans le produit de la cession des parts de la société Alpes Assainissement :

30. Compte tenu ce qui a été exposé aux points 8 à 29 qui précèdent, en particulier des sommes retenues au titre des prises de participations (soit la somme totale de 20 400 euros) et des avances consenties par la SC Valmer à d'autres sociétés (soit celle de 379 502 euros au titre de l'avance consentie à la société Shony et celle de 493 587 euros au titre de l'avance consentie à la société Les Balcons de Montcheny), le montant total que la société Valmer a, au cours de ses premières années d'existence, réinvesti dans une activité économique s'élève à la somme totale de 893 489 euros, ce qui représente 23,7 % du produit de la cession des parts de la société Alpes Assainissement, d'un montant total de 3 771 430 euros. Il en résulte qu'en l'absence de réinvestissement économique d'une part significative du produit de la cession, l'administration fiscale établit que l'opération d'apport à la société Valmer des titres de la société Alpes Assainissement suivi de leur cession est constitutive d'un montage destiné à bénéficier du sursis d'impôt, dans un but étranger à celui poursuivi lors de l'institution du régime fiscal, exposé aux points 4 et 5, lequel est destiné à faciliter la réorganisation des entreprises.

II. Les pénalités infligées pour abus de droit :

31. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (...) ".

32. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 18 V de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 : " I. -L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. (...) Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : (...) 1° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus en rémunération de l'apport ; 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit (...). Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2°, les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d'au moins douze mois, décompté depuis la date de leur inscription à l'actif de la société. Le non-respect de cette condition met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle cette condition cesse d'être respectée. (...) La fin du report d'imposition entraîne l'imposition de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 150-0 A, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres, en cas de manquement à la condition de réinvestissement mentionnée au 2° du présent I. (...) " ;

33. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que les dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, issues de l'article 18 V de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, ont mis fin à l'incrimination d'abus de droit en cas d'opérations d'apport-cession dont le produit n'a pas été réinvesti dans une activité économique et que, dès lors, le service ne pouvait leur infliger la pénalité pour abus de droit prévue au b) de l'article 1729 du code général des impôts sans méconnaître le principe de l'application de la loi pénale plus douce. Toutefois, si ces dispositions organisent un mécanisme d'imposition spécifique pour les opérations d'apport-cession réalisées à compter du 14 novembre 2012 en dehors de la procédure de répression des abus de droit, il ne résulte ni de la lettre du texte ni de l'intention du législateur que ces dispositions auraient pour effet d'interdire rétroactivement l'application de la pénalité prévue au b) de l'article 1729 aux situations constitutives d'un abus de droit apprécié conformément aux dispositions des articles 150-0 A et 150-0 B du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur avant l'intervention de la loi de finances rectificative pour 2012. Les dispositions de cette loi n'ont pas supprimé cette pénalité, ni n'en ont modifié le taux. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce doit être écarté.

34. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la sanction, sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, de l'abus de droit méconnaît tant le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que celui de la présomption d'innocence issu de l'article 9 de la même déclaration doivent être écartés comme irrecevables dès lors qu'ils n'ont pas été utilement invoqués dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative. En tout état de cause, dans sa décision du 22 septembre 2017, M. et Mme D..., n° 412408, le Conseil d'Etat a jugé que l'application des pénalités pour abus de droit dans les conditions résultant de l'interprétation donnée par la jurisprudence aux cas d'apports de parts sociales suivie d'une cession de ces dernières ne pose pas une question sérieuse de constitutionnalité au regard du principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

35. En troisième lieu, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Au regard de cette interprétation résultant d'une jurisprudence constante, les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et du b. de l'article 1729 du code général des impôts, en tant qu'elles instituent une majoration en cas d'abus de droit, ne présentent aucune ambiguïté en ce qui concerne la définition des infractions qu'elles sanctionnent. Elles ne portent donc pas, en tout état de cause, atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 7 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à celui de la présomption d'innocence consacré par l'article 6 § 2 de cette même convention.

36. En dernier lieu, les époux B... font valoir, en sollicitant la transposition d'un tel raisonnement aux pénalités pour abus de droit, que le Conseil d'Etat a, en matière de pénalité de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts en cas d'exercice d'une activité occulte, reconnu l'erreur de bonne foi du contribuable qui recouvre une hypothèse où ce dernier, du fait des incertitudes quant au caractère imposable de l'activité exercée, a pu, par erreur, ne pas déclarer cette activité et les revenus qu'il en a retirés. Cependant et d'une part, cette jurisprudence porte sur des pénalités distinctes de celles ici en litige, et, d'autre part, elle concerne une hypothèse différente consistant en l'absence d'accomplissement de formalités déclaratives, alors que l'abus de droit suppose une action positive, à savoir un montage effectué dans un but exclusivement fiscal afin de bénéficier indûment d'un régime fiscal de faveur institué par le législateur en vue de favoriser la restructuration d'entreprises. Enfin, et en tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., à l'époque des faits, les conditions de mise en oeuvre du mécanisme de répression des abus de droit étaient clairement établies, ainsi qu'il a été précédemment exposé au point 35.

37. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

10

N° 19MA03404

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03404
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Redressement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SOUMILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-05;19ma03404 ?
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