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03/11/2020 | FRANCE | N°18MA01634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 03 novembre 2020, 18MA01634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société immobilière Carrefour a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 15 mars 2016, et de déclarer illégale la déclaratio

n d'utilité publique prononcée par décret en Conseil d'Etat le 20 mars 2006.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société immobilière Carrefour a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 15 mars 2016, et de déclarer illégale la déclaration d'utilité publique prononcée par décret en Conseil d'Etat le 20 mars 2006.

Par un jugement n° 1602248 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de la société immobilière Carrefour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 avril 2018, le 9 octobre 2019, le 29 novembre 2019 et le 29 septembre 2020, la société immobilière Carrefour, représentée par Me C... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse déclarant cessibles au profit de l'Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la route nationale 7 située entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet sur la commune d'Orange ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 16 décembre 2015 est illégal par voie de conséquence de l'illégalité du décret prononçant la déclaration d'utilité publique aux motifs de l'incomplétude du dossier d'enquête publique, de la sous-estimation de l'appréciation sommaire des dépenses, et du défaut d'utilité publique du projet ;

- l'arrêté du 16 décembre 2015 est illégal en raison de l'absence de désignation des parcelles expropriées la concernant.

Par une lettre du 25 avril 2018, le ministre de l'intérieur se déclare incompétent pour assurer la défense de l'Etat à l'instance au profit du ministre chargé de la transition écologique et solidaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2019, le 28 octobre 2019,

le 19 décembre 2019 et le 2 octobre 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la Cour de rejeter la requête présentée par la société immobilière Carrefour.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

- le code de l'environnement ;

- le décret nº 84-617 du 17 juillet 1984 relatif à l'application de l'article 14 de la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par décret du 20 mars 2006, dont les effets ont depuis été prolongés jusqu'au 22 mars 2026 par décret du 18 mars 2016, les travaux de construction de la déviation de la route nationale 7 à Orange, entre le giratoire des Pradines et le giratoire du Coudoulet, ont été déclarés d'utilité publique, le caractère de route express étant conféré à cette déviation et le plan local d'urbanisme de la commune de Piolenc étant mis en compatibilité. Par arrêté du 19 mai 2015, le préfet de Vaucluse a ouvert une enquête parcellaire préalable à l'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de l'opération envisagée, entre la route départementale 975 et le giratoire du Coudoulet. Par arrêté du 16 décembre 2015, le préfet de Vaucluse a déclaré cessibles au profit de l'Etat les parcelles concernées. La société immobilière Carrefour relève appel un jugement n° 1602248 du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet de Vaucluse, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 15 mars 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la déclaration d'utilité publique :

S'agissant de l'appréciation sommaire des dépenses :

2. En vertu de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le dossier mis à la disposition du public lors de l'enquête publique doit contenir une appréciation sommaire des dépenses liées à la réalisation des travaux et aux acquisitions foncières nécessaires à l'opération envisagée. L'obligation faite à l'expropriant d'indiquer au dossier soumis à enquête publique l'appréciation sommaire des dépenses a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages envisagés ont, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, un caractère d'utilité publique.

Quant aux acquisitions foncières :

3. Premièrement, il ressort des pièces du dossier que l'avis du service des domaines du 13 novembre 2001 évalue les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à l'opération projetée à la somme de 66 600 000 francs, et que l'évaluation sommaire des dépenses pour ce poste figurant dans la notice d'impact à la date du 23 août 2004 d'ouverture de l'enquête publique, a été arrêtée à la somme de 10 812 030 euros, par conversion franc/euro. La circonstance que cet avis n'ait pas été annexé au dossier d'enquête publique est sans influence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'aucune disposition légale n'oblige à y procéder. Aucune disposition législative ou règlementaire n'exige que l'autorité compétente sollicite du service des domaines un avis actualisé à la date de confection du dossier soumis à enquête publique. En produisant une courbe retraçant l'évolution du prix de l'immobilier en Vaucluse sur une période de 10 années (1991-2019), réalisée au moyen de données fournies par les notaires et l'INSEE, sans plus de précision, et en se prévalant de la seule ancienneté de l'avis du service des domaines, la société immobilière Carrefour n'établit pas qu'à la date du dossier mis à la disposition du public, le coût évalué du projet ne représenterait pas le coût réel des acquisitions. Enfin, en se fondant sur la valeur de quelques transactions immobilières postérieures à l'arrêté attaqué, la société requérante ne démontre pas que les valeurs vénales des propriétés concernées par le périmètre de l'opération auraient manifestement été sous-évaluées.

4. Deuxièmement, si la société immobilière Carrefour abandonne en appel le moyen tiré de ce que l'Etat aurait acquis des parcelles nécessaires à l'opération avant l'ouverture de l'enquête publique, elle soutient que dès lors que l'avis du service des domaines porte sur une surface de 43 hectares 48 ares et 95 centiares, soit 434 895 m², alors que le dossier du 19 février 2016 de demande de prorogation des effets de la déclaration d'utilité publique fait apparaître un périmètre de 75, 23 hectares, l'avis rendu porte sur un périmètre insuffisant, et par suite, que le coût initial des acquisitions foncières est manifestement sous-évalué. Cependant, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que l'opération routière projetée exige une surface de 75 hectares, dont 26 hectares ressortissent du domaine public étatique ou communal ou départemental. Par suite, l'estimation du service des domaines portant sur un périmètre de près de 43 hectares à acquérir, composé de terres agricoles, de terrains à bâtir, de constructions et de fonds de commerce est exacte, outre qu'elle comporte également une provision de 30% pour aléas et imprévus estimée à la somme de 15 339 877 francs. Dès lors, faute d'établir que l'anticipation budgétaire du coût des acquisitions foncières est erronée, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'enquête publique est irrégulière à ce titre.

5. Troisièmement, la société requérante relève que l'Etat ayant acquis 6,15% du foncier nécessaire au projet pour un montant de 1,8 millions d'euros ce qui représente selon elle 17% du coût estimé des acquisitions foncières, elle en déduit que les 93,85 % du foncier qui restent à acquérir représente un coût de 27,5 millions d'euros, et par suite, que les dépenses relatives aux acquisitions foncières sont supérieures de 170 % à l'estimation initiale. Cependant, comme l'ont dit à juste titre les premiers juges, le coût de quelques acquisitions foncières postérieures à l'arrêté en litige ne peut être généralisé pour permettre de déterminer le coût des acquisitions restantes à réaliser et donc un coût global des propriétés immobilières, et de faire valoir utilement une sous-estimation manifeste des acquisitions foncières.

Quant aux travaux :

6. Il ressort des pièces du dossier que le coût de l'opération a été estimé à 69 637 620 euros dont 55 495 840 euros pour le poste travaux à la date d'approbation de l'opération de déviation, le 23 mars 2004. Le dossier de demande de prorogation des effets du décret du 20 mars 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la déviation de la RN 7 à Orange actualise les coûts de ce projet par application des indices de construction et de l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % à 20%, au montant de 98,9 millions d'euros en valeur 2014. Il est indiqué que le coût des travaux augmente de 24,9% et que sont ajoutées des mesures environnementales pour

5 millions d'euros, ce qui représente une augmentation totale de 28,1% du coût avancé lors de la déclaration d'utilité publique.

7. Le coût des travaux nouveaux porte principalement sur les trois postes que sont le renforcement des sols compressibles, non prévu initialement pour un surcoût d'environ 6,5 millions d'euros, ensuite un dimensionnement adapté du dispositif de collecte " hydrauliques/assainissements " pour tenir compte de la modification de la doctrine sur les crues de référence pour un budget, et enfin des raccordements routiers supplémentaires liés aux demandes de la mairie d'Orange. Les nouvelles mesures environnementales prévues permettent de réduire les impacts du projet sur la faune et la flore par rapport aux éléments présents dans l'étude d'impact associée au dossier d'enquête de l'année 2006. Ainsi, l'augmentation du poste des travaux, hors l'actualisation due à des exigences nouvelles et impérieuses, ne révèle pas qu'à l'époque de l'enquête, le coût de l'opération a fait l'objet d'une sous-évaluation manifeste. Par suite, l'appréciation sommaire des dépenses permettait de connaître le coût total réel du projet et notamment des dépenses de travaux tel qu'il pouvait raisonnablement être évalué à l'époque de son élaboration.

8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'appréciation sommaire des dépenses répondait aux prescriptions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

S'agissant de l'évaluation socio-économique :

9. Aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1º Une notice explicative ; (...) 5º L'appréciation sommaire des dépenses ; (...) ; 7º L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret nº 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret (...) ". En vertu du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 relatif à l'application de l'article 14 de la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs : " Sont considérés comme grands projets d'infrastructures de transports : 1. La création de voies rapides à 2 x 2 voies d'une longueur supérieure à 25 km (...) 3. Les projets d'infrastructures de transport dont le coût est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'enquête publique contestée, la création d'une voie expresse n'entre dans la définition des grands travaux d'infrastructure que si sa longueur est supérieure à 25 kilomètres, ou si le coût estimé du projet est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros. Or, le projet de la déviation d'Orange porte sur une

2 x 2 voies en phase définitive de 7 400 mètres pour un coût de 69,94 millions d'euros, qui n'est pas sous-évalué. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique devait comprendre une partie consacrée à l'évaluation économique et sociale au motif que l'opération en cause entre dans la définition des grands projets d'infrastructures doit être écarté. Dès lors, la société immobilière Carrefour n'est pas fondée à soutenir que le dossier soumis à l'enquête était irrégulièrement composé.

S'agissant de l'utilité publique du projet :

11. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la RN 7, qui est une route urbaine à deux voies, est l'axe principal de desserte de l'agglomération d'Orange et le seul itinéraire en rive gauche du Rhône autorisant le délestage de l'autoroute A 7 en situation de surcharge. Sa fréquentation est très élevée puisque qu'elle dessert la zone Sorgues / Le Pontet / Avignon et en 2014, la circulation moyenne journalière annuelle sur la portion de la RN 7 objet de l'opération, est d'environ 18 000 véhicules par jour, pour une estimation de 11 000 véhicules par jour au stade de l'enquête publique. La circonstance que la croissance effective du trafic soit en retrait par rapport aux projections initialement réalisées n'est pas de nature à infirmer le constat que la RN 7 est largement inadaptée à ses multiples usages, dès lors que le trafic constaté en 2014 demeure très élevé, et justifie toujours la création d'une déviation à même de capter à sa mise en service la même proportion de trafic que celle estimée lors de l'enquête publique, soit environ 55% du trafic. Le projet de réduire les nuisances constatées en centre-ville dues au passage de véhicules légers et lourds permettra d'améliorer le cadre de vie des résidents et de requalifier l'existant. L'opération du contournement d'Orange présente donc un intérêt général. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante la variante consistant à dévier le trajet avec l'utilisation de l'autoroute A 7 au moyen des échangeurs situés au sud et au nord de la ville d'Orange ne constitue pas un aménagement de l'existant puisqu'il ne porte pas sur le trajet existant. En outre, les requérants ne sauraient utilement contester l'utilité publique de ce projet au motif que des modalités alternatives d'amélioration de la circulation routière sur les communes d'Orange et de Piolenc présenteraient, selon eux, une utilité supérieure. Enfin, comme il l'a été dit au point 6., l'augmentation justifiée du coût de l'opération envisagée de 28,1% par rapport à son montant initial actualisé qui n'est pas manifestement sous-évalué, n'est pas déraisonnable eu égard à son objet. Par ailleurs, les atteintes aux exploitations agricoles, à l'environnement, à la santé humaine, à l'économie, et l'augmentation du risque d'inondation, ne sont pas excessives, dès lors que de multiples mesures visant à réduire les effets négatifs sont prévues, et que le projet retenu a précisément et notamment pour finalité d'améliorer le trafic en centre-ville d'Orange et de fluidifier les déplacements. Ainsi, les requérants n'établissent pas que, eu égard à l'importance de l'opération et compte tenu notamment des mesures prises afin de réduire les effets dommageables pour la faune et les nuisances, notamment acoustiques, pour les riverains, les inconvénients du projet seraient de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

En ce qui concerne les vices propres de l'arrêté de cessibilité :

S'agissant de la détermination des parcelles à exproprier :

13. Premièrement, aux termes de l'article 132-2 du code de l'expropriation applicable : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 ". Deuxièmement, en vertu de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité ".

14. D'une part, il résulte des dispositions combinées précitées que lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité. D'autre part, il résulte aussi de ces dispositions, eu égard à l'objet et à la portée de l'arrêté déclarant cessibles les parcelles nécessaires à un projet déclaré d'utilité publique, que cet acte ou, le cas échéant, ses annexes, doivent permettre d'identifier les parcelles concernées et leurs propriétaires.

15. En premier lieu il est constant que, compte tenu de ce que la procédure d'expropriation concernait, s'agissant des terrains appartenant à la société immobilière Carrefour, des parties de parcelles, un document d'arpentage a été réalisé préalablement à la prise de l'arrêté de cessibilité et signé par la société Carrefour. Il ressort de ce document que la parcelle 133 a été divisée en 2 dont une destinée à être expropriée au profit de l'Etat répertoriée 450 (contenance 856 ares), une deuxième 134 divisée en 2 dont une destinée à être expropriée au profit de l'Etat répertoriée 452 (contenance 4598 ares), et une troisième 276, divisée en 3 dont 2, destinées à être expropriées au profit de l'Etat répertoriées 454 (contenance 854 ares) et 455 (contenance 422 ares). Ces parcelles ainsi dénommées sont clairement portées sur le plan parcellaire annexé au dossier d'enquête.

16. En deuxième lieu, l'article 1er de l'arrêté attaqué déclare cessibles, au bénéfice de l'Etat les parcelles, hors domaine public, désignées à l'état parcellaire (annexe 1) et au plan parcellaire (annexe 2) nécessaires à la réalisation des sections 1 et 2 de la déviation de la RN7, situées entre la route départementale 975 et le giratoire des Crémades sur la commune d'Orange. L'état parcellaire annexé, s'il ne fait pas référence à la nouvelle numérotation, indique expressément les emprises expropriées au sein des anciennes parcelles telles qu'elles correspondent très exactement aux contenances des parcelles destinées à être expropriées dans le document d'arpentage. Par ailleurs, si le plan parcellaire annexé fait référence aux parcelles appartenant à la société immobilière Carrefour sous leur ancienne dénomination, il comporte au plan graphique, les parties de ces parcelles coloriées en jaune et destinées à être expropriées. Ainsi, la déclaration de cessibilité et ses annexes permettaient d'identifier les parcelles concernées de la société immobilière Carrefour destinées à être expropriées. Au surplus, ce sont bien ces parcelles qui ont fait l'objet de l'ordonnance du juge de l'expropriation. Dans ces conditions, l'intéressée qui a été précisément informée des parcelles concernées par la procédure d'expropriation, n'est pas est fondée à soutenir que les incertitudes qui porteraient sur la désignation de ses parcelles devant être transférées à l'Etat, entachent d'irrégularité l'attaqué contesté, et à en demander l'annulation.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société immobilière Carrefour, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société immobilière Carrefour est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société immobilière Carrefour et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

N° 18MA01634 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01634
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : FRECHE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-03;18ma01634 ?
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