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22/10/2020 | FRANCE | N°20MA00586

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 octobre 2020, 20MA00586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler les arrêtés du 27 décembre 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, décidé son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour lui permettre d'enregistrer sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 eur

os au titre des frais d'instance.

Par un jugement n° 1910950 du 9 janvier 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler les arrêtés du 27 décembre 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, décidé son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour lui permettre d'enregistrer sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance.

Par un jugement n° 1910950 du 9 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2020 sous le n° 20MA00586, M. F... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance.

Il soutient que :

- la décision contestée a été prise en violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 3-1 de la convention de New York ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 7 et 10 du règlement (UE) n° 604/2013 puisque, dès lors que son épouse a été admise à présenter une demande d'asile, la France est l'Etat responsable de l'examen de sa propre demande ;

- la décision de remise aux autorités italiennes est illégale en ce qu'elle est caractérisée par une absence d'examen sérieux des garanties que ce pays accorde aux demandeurs d'asile, alors que le gouvernement italien ne cesse de manifester son hostilité aux réfugiés et que l'insuffisance des conditions d'accueil ont été à maintes reprises dénoncées par diverses associations et organisations non gouvernementales.

La requête a été adressée le 27 mars 2020 au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance n° 20MA00618 du 21 avril 2020, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a décidé qu'il serait sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la présente requête.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian, relève appel du jugement du 9 janvier 2020 en tant que, par celui-ci, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 décembre 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, décidé son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

2. Aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 : " Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. "

3. Les pièces produites aux dossiers de première instance et d'appel établissent suffisamment que, comme il le soutient et contrairement à ce qu'ont retenu le préfet et le premier juge, M. F... B... est l'époux de Mme C... B..., avec laquelle il a eu un enfant né à Marseille le 22 octobre 2019. Ainsi, et dès lors qu'il est constant que Mme C... B... a été admise à présenter en France une demande de protection internationale selon la procédure normale sur laquelle il n'avait pas encore été statué à la date à laquelle M. B... a lui-même déposé une demande d'asile, et que les intéressés ont manifesté le souhait de voir leurs demandes de protection internationale traitées en même temps en France, le requérant est fondé à soutenir que la décision contestée par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 10 du règlement UE n° 604/2013.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 9 janvier 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille ainsi que celle de l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B... une autorisation provisoire de séjour en vue de lui permettre de déposer une demande de protection subsidiaire dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais du litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me E..., conseil de M. B..., sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1910950 du 9 janvier 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 décembre 2009 ordonnant la remise de M. F... B... aux autorités italiennes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. F... B... une autorisation provisoire de séjour en vue de lui permettre de présenter une demande de protection subsidiaire dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me E... sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F... B..., à Me A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 où siégeaient :

- M. D..., président de chambre,

- Mme G..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

4

N° 20MA00586

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00586
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jean-François ALFONSI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-22;20ma00586 ?
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