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15/10/2020 | FRANCE | N°19MA03110

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 octobre 2020, 19MA03110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Pacifica et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils, ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Cotignac à verser à la SA Pacifica, subrogée dans les droits et actions de l'EARL G... père et fils, la somme de 185 850 euros et à l'EARL G... père et fils la somme de 66 497,23 euros hors taxe au titre des préjudices financiers et matériels qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1603691 du 9 mai 2019, le tribunal admin

istratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Pacifica et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils, ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Cotignac à verser à la SA Pacifica, subrogée dans les droits et actions de l'EARL G... père et fils, la somme de 185 850 euros et à l'EARL G... père et fils la somme de 66 497,23 euros hors taxe au titre des préjudices financiers et matériels qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1603691 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Cotignac à verser les sommes de 185 850 euros et de 66 497,23 au titre des préjudices financiers et matériels ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cotignac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée en raison du défaut d'entretien de la voie dont elle est responsable, ainsi que le prévoient les articles D. 161-4 du code rural et de la pêche maritime et L. 2321-2-20° du code général des collectivités territoriales ;

- aucune faute ne peut être reprochée à la victime.

Par un mémoire, enregistré le 28 avril 2020, et un nouveau mémoire enregistré le 23 septembre 2020, la SA Pacifica, représentée par Me H..., conclut à l'annulation du jugement attaqué, à la condamnation de la commune de Cotignac à lui verser la somme de 185 850 euros au titre des sommes versées à son assurée et demande que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande incidente est recevable et elle a intérêt à agir ;

- la société G... était usager du chemin rural ;

- la commune de Cotignac est responsable en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;

- la victime n'a pas commis de faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2020, la commune de Cotignac, représentée par la SELARL Abeille et Associés agissant par Me E..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant des préjudices soit réduit à de plus justes proportions et, en tout état de cause, demande au tribunal de mettre à la charge des requérants une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des assurances ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me H..., pour la SA Pacifica, et de Me C..., substituant Me E..., pour la commune de Cotignac.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 mai 2019, rejetant sa demande de condamnation de la commune de Cotignac afin de réparer les dommages qu'elle a subis à la suite d'un accident de son véhicule automoteur de récolte de vigne.

2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité, maître de l'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime.

3. Il résulte de l'instruction, notamment des constatations contradictoire opérées le 26 novembre 2013 par l'expert de l'Earl ainsi que des clichés photographiques pris le jour même de l'accident, le 16 septembre 2013, que l'automoteur de récolte de vignes au volant duquel se trouvait M. D... G..., salarié de la société G... Père et fils, alors qu'il circulait, vers 7 heures 15, sur le chemin rural dénommé chemin de Correns, à Cotignac, a basculé en contre bas de la voie en raison de l'effondrement de l'accotement de la chaussée et s'est renversé sur la parcelle située en dessous. Selon les dires des représentants de l'Earl, et ce déroulement des faits n'est pas sérieusement contesté, la présence de branches d'un chêne empiétant de l'autre côté de la voie, a conduit M. G..., le conducteur de l'engin agricole, à emprunter le bas-côté, en dehors de l'enrobé, sur une bande de terre au-dessus d'un mur de soutènement, lequel s'est alors effondré sur environ 15 mètres. Dans ces conditions, le lien de cause à effet entre l'ouvrage public constitué par le chemin de Correns et le dommage doit être regardé comme établi.

4. En premier lieu, la commune de Cotignac à laquelle incombe l'entretien du chemin, pour s'exonérer de sa responsabilité, se prévaut de ce que l'élagage d'un arbre dépassant d'une propriété privée sur le chemin rural ne relevait pas de sa compétence. Cependant, selon les dispositions de l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime, lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence et l'article D. 161-24 du même code, lui impose de faire élaguer, si besoin d'office, les arbres qui présenteraient un danger pour un chemin rural. Or, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'après un procès-verbal contradictoire du 10 janvier 2014 établi à la demande de l'assureur de la commune, les branches d'un chêne situé sur la propriété privée appartenant débordaient sur un bon tiers du chemin de Correns. Il ne résulte pas de l'instruction que cet obstacle soit apparu dans des délais ne permettant pas à la commune de Cotignac de prendre les mesures nécessaires à le faire disparaître ou à signaler ce danger. Dès lors, la commune de Cotignac n'établit pas, ce qui lui incombe, que l'ouvrage public constitué par le chemin de Correns faisait l'objet d'un entretien normal.

5. En deuxième lieu, toutefois, les accotements des voies publiques ne sont pas normalement destinés à la circulation et l'administration n'est pas tenue de signaler aux usagers les dangers qu'ils courent en les empruntant. La circulation sur l'accotement d'une voie publique ne saurait être exceptionnellement justifiée que par la nécessité démontrée de permettre un croisement avec un autre véhicule dans le cas où ce dernier, notamment en raison de l'étroitesse de la voie, exige qu'avec toutes les précautions utiles, l'un des véhicules empiète sur cet accotement.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier, que l'accident est dû à un défaut de maîtrise du véhicule, lequel a été déporté pour empiéter sur l'accotement, par l'effet d'une manoeuvre dont le risque a été mal évalué. Ainsi, le conducteur qui revenait vers son exploitation agricole par le chemin de Correns, dont il n'est pas contesté qu'il l'empruntait de manière habituelle, en engageant l'automoteur en dehors de la partie goudronnée, n'a pas apporté à la conduite de l'engin la prudence qu'appelaient l'importance d'un tel véhicule, la largeur de la voie et l'état du bas-côté. Il a, par suite, commis une faute de nature à exonérer entièrement la commune de Cotignac de sa responsabilité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils et celles de la SA Pacifica, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Doivent également être rejetées, les conclusions non chiffrées de la commune de Cotignac présentées au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) G... père et fils et les conclusions de la SA Pacifica sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cotignac présentées au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL G... père et fils, à la SA Pacifica, et à la commune de Cotignac.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient :

- M. B..., président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

N° 19MA03110 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03110
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-01-02 Travaux publics. Notion de travail public et d'ouvrage public. Ouvrage public.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LORENZON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-15;19ma03110 ?
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