La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2020 | FRANCE | N°19MA00113

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 octobre 2020, 19MA00113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 19 juillet 2016 déclarant d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers exposés à un risque majeur d'inondation sur le territoire des communes d'Aubais et de Gallargues-le-Montueux et prononçant la cessibilité des terrains nécessaires en vue de la mise en sécurité des occupants, en tant qu'il porte sur sa propriété.

Par un jugement n° 1603864 du 13 novembre 2018, le tribunal administr

atif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 19 juillet 2016 déclarant d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers exposés à un risque majeur d'inondation sur le territoire des communes d'Aubais et de Gallargues-le-Montueux et prononçant la cessibilité des terrains nécessaires en vue de la mise en sécurité des occupants, en tant qu'il porte sur sa propriété.

Par un jugement n° 1603864 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 19 juillet 2016 déclarant d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers exposés à un risque majeur d'inondation sur le territoire des communes d'Aubais et de Gallargues-le-Montueux et prononçant la cessibilité des terrains nécessaires en vue de la mise en sécurité des occupants, en tant qu'il porte sur sa propriété ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le respect de la mesure de publicité prévue par les dispositions de l'article R. 112-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas établi ;

- l'expropriation de son bien n'est pas d'utilité publique dès lors que son habitation dispose d'un niveau refuge et n'est pas isolée, que la mise en place d'une trappe de toiture par le propriétaire était moins onéreuse que l'expropriation, dont le coût est au demeurant sous-évalué, que le piedmont sur lequel la maison est édifiée est constitué d'un massif rocheux qui ne peut être emporté par une crue ; que l'hypothèse d'une crue soudaine est exclue, qu'aucun obstacle ne s'oppose à un éventuel hélitreuillage ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'acquisition envisagée est plus coûteuse que l'installation d'une trappe en toiture de sa propriété ;

- le préfet a méconnu le principe d'égalité des usagers devant la loi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est nu-propriétaire d'un bien immobilier faisant office de résidence secondaire, situé au lieu-dit plaine de la Roque, dans la commune d'Aubais. Il relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 19 juillet 2016 déclarant d'utilité publique l'expropriation de biens immobiliers exposés à un risque majeur d'inondation sur le territoire des communes d'Aubais et de Gallargues-le-Montueux et prononçant la cessibilité des terrains nécessaires en vue de la mise en sécurité des occupants, en tant qu'il porte sur sa propriété.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 112-15 du code de l'environnement : " Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, l'avis prévu à l'article R. 112-14 est, en outre, rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans au moins toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération projetée doit avoir lieu. Cette mesure de publicité peut être étendue à d'autres communes. / Son accomplissement incombe au maire qui doit le certifier. ".

3. Par arrêté du 13 avril 2015, le préfet du Gard a prescrit une enquête conjointe préalable à la déclaration d'utilité publique en vue de l'expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur d'inondation sur le territoire des communes d'Aubais et de Gallargues-le-Montueux, et à une enquête parcellaire en vue de délimiter les immeubles à acquérir, du

18 mai 2015 au 8 juin 2015, et a, par arrêté du 14 mars 2016, prescrit une nouvelle enquête parcellaire en vue de l'expropriation d'un bien exposé à un risque naturel d'inondation. Si

M. D... soutient que les mesures de publicité prévues par les dispositions précitées n'ont pas été réalisées, il ressort des pièces du dossier qu'il a été procédé à l'affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête publique du 7 mai au 8 juin 2015, dans le délai et pour la durée prévue par les dispositions précitées, ainsi que l'établit le certificat d'affichage de la maire de la commune d'Aubais en date du 8 juin 2015.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. (...) ". Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

5. Il ressort des pièces du dossier que le bien de M. D..., appartenant à un groupe de maisonnettes et construit à l'aplomb d'une falaise calcaire plongeant dans le Virdoule, est situé à proximité immédiate du lit de ce fleuve, à la confluence avec le ruisseau de Lissac, dans une zone d'écoulement important en cas de forte crue, dont la probabilité est élevée du fait de la forte exposition de cette zone aux " épisodes cévenols " ayant conduit à plusieurs reprises à la reconnaissance de catastrophe naturelle après les crues torrentielles des

8 et 9 septembre 2002, ainsi que les inondations des 8 et 9 septembre 2005, des

29 et 30 septembre 2007 et du 29 septembre 2014. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que les habitations dont l'expropriation a été déclarée d'utilité publique présentaient un risque grave pour les vies humaines en l'absence d'étage pouvant servir de niveau refuge et en raison d'une situation d'isolement dans le lit majeur d'un cours d'eau. L'appelant conteste cette appréciation, dès lors que son habitation comporte une mezzanine susceptible de constituer une zone refuge et qu'elle n'a pas été atteinte par les eaux lors de la crue de septembre 2002, que d'une part, il a depuis l'édiction de l'arrêté attaqué équipé son habitation d'une trappe permettant un hélitreuillage en cas d'inondation, et que, d'autre part, une crue susceptible d'inonder son habitation à une hauteur telle que l'hélitreuillage devienne nécessaire est prévisible et le risque pour la vie humaine évitable dès lors que de tels événements sont précédés de très fortes pluies et que l'habitation, résidence secondaire, n'est habitée que ponctuellement.

6. Toutefois, la circonstance que l'habitation en cause ne ferait l'objet que d'une occupation temporaire, ne peut être regardée comme étant de nature à diminuer le risque, dès lors que la montée des eaux peut être extrêmement rapide, que le chemin d'accès à l'habitation est impraticable en cas de crue, et que l'habitation peut toujours être vendue et occupée de manière permanente. Il n'est pas contesté, ensuite, qu'à la date de l'arrêté attaqué la mezzanine de la maisonnette, qui n'était équipée ni d'un balcon ni d'une trappe d'évacuation, ne pouvait être regardée comme une zone refuge au sens du plan particulier de prévention des risques d'inondation du moyen Vidourle, arrêté le 3 juillet 2008. Enfin, s'agissant de la possibilité d'un hélitreuillage des habitants de la maison pris aux piège, les risques d'une telle opération, pour les occupants comme pour les secours, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du préfet du Gard selon laquelle, d'une part, l'habitation est isolée, dès lors que son accès par voie terrestre est impossible en cas de crue et d'autre part, la réussite d'une opération d'hélitreuillage, dans des conditions climatiques extrêmes, et en présence d'obstacles tels que zone boisée et câbles électriques, est très aléatoire. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait, en retenant que son habitation présentait un risque pour la vie humaine, entaché l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Ensuite, dès lors que les moyens de sauvegarde et de protection des populations prévus par les dispositions de l'article L. 561-1 consistent en des aménagements collectifs, tels des digues ou des bassins de rétention, dont l'estimation à la somme de deux millions d'euros n'est pas contestée et visent à empêcher ou limiter les dommages occasionnées par une crue, et non à permettre l'évacuation des biens concernés, M. D... ne saurait soutenir que la réalisation d'une trappe d'évacuation dans son habitation est moins onéreuse que le montant cumulé des indemnités d'expropriation, le bilan financier s'appréciant de manière globale.

8. Il résulte des points 4 à 7 qu'eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la protection de la population contre le risque d'inondation, l'atteinte portée à la propriété privée et le coût de l'opération ne sont pas de nature à retirer à l'expropriation contestée son caractère d'utilité publique. L'appelant ne peut, dès lors, utilement critiquer l'arrêté en cause sur la base du principe d'égalité des citoyens devant la loi.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par le requérant ne peuvent dès lors être accueillies.

D É C I D E :

Article 1er : : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience publique du 30 septembre 2020, où siégeaient :

M. Badie, président,

M. Ury, premier conseiller,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 15 octobre 2020.

2

N° 19MA00113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00113
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-02-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Existence. Eaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-15;19ma00113 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award