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13/10/2020 | FRANCE | N°19MA04898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 octobre 2020, 19MA04898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 1902014 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 1902014 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 janvier 2019, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", " travailleurs temporaire " ou " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à venir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé à son point 8 ;

- la décision de refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est, à tort, estimé lié par l'avis émis par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- en lui opposant la situation de l'emploi, le préfet a commis une erreur de droit au regard des articles L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 5221-21 du code du travail ;

- cette décision est entachée d'une autre erreur de droit au regard du b) du paragraphe 2.1 de l'article 2 de l'accord franco-camerounais du 21 mai 2009 ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant qu'un délai de départ volontaire de trente jours ;

- la décision implicite rejetant son recours gracieux est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-camerounais du 21 mai 2009 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né en 1993, est entré en France le 27 septembre 2014 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a, par la suite, obtenu plusieurs cartes de séjour temporaire portant la même mention. L'intéressé a sollicité, le 24 septembre 2018, un changement de statut afin d'être autorisé à séjourner en France en qualité de travailleur temporaire. Par un arrêté du 28 janvier 2019, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 19 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il demande en outre l'annulation de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de M. A.... Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité invoqués, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de l'Hérault ne s'est pas estimé lié par l'avis défavorable émis le 10 décembre 2018 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait, sur ce point, commis une erreur de droit.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...), dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte (...) porte la mention " travailleur temporaire " ; (...) / La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master (...), souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat. ".

7. Il résulte des dispositions du 9° de l'article R. 5221-3 du code du travail, auxquelles renvoie l'article R. 5221-11 du même code, que l'autorisation de travail peut être constituée notamment par la carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " délivrée en application du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article R. 5221-20 du code du travail dispose que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (...) ". Selon l'article R. 5221-21 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (...) / 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle (...) ".

8. Si M. A... soutient que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable, il ne ressort pas des pièces du dossier que le contrat de travail à durée déterminée dont il se prévaut serait assorti d'une rémunération conforme aux exigences des dispositions citées au point précédent. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions citées ci-dessus en lui opposant la situation de l'emploi pour refuser de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " qu'il avait sollicité.

9. En quatrième lieu, M. A... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité une autorisation provisoire de séjour sur le fondement du b) du paragraphe 2.1 de l'article 2 de l'accord franco-camerounais du 21 mai 2009 relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " aurait dû lui être délivrée compte tenu de sa situation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité la délivrance d'un tel titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations et dispositions.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

11. M. A... est entré en France au cours du mois de septembre 2014 afin d'y poursuivre des études supérieures. Si l'intéressé se prévaut de la présence régulière en France de deux de ses soeurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident notamment plusieurs autres membres de sa fratrie. Dans ces conditions, et en dépit du caractère sérieux de son parcours universitaire et de ses efforts d'insertion professionnelle, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cette décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En sixième et dernier lieu, compte tenu de la situation personnelle de M. A... décrite au point précédent, et alors même que l'intéressé justifie du caractère sérieux de son parcours universitaire ainsi que de la cohérence de son projet professionnel, la décision de refus de titre de séjour en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de M. A....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

14. En second lieu, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de M. A... doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 11 et 12.

Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

15. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de M. A... avant de décider de lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours.

16. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

17. Si M. A... soutient que le délai de départ volontaire de trente jours qui lui a été accordé était insuffisant pour lui permettre de terminer son année universitaire, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir qu'en s'abstenant de lui accorder un délai supérieur à trente jours, le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 janvier 2019. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant son recours gracieux doivent être rejetées. Enfin, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme D..., première conseillère,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

2

N° 19MA04898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04898
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-13;19ma04898 ?
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