Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon, par deux requêtes distinctes, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes et d'autre part, de les décharger de l'obligation de payer la somme de 110 284 euros résultant d'une mise en demeure, tenant lieu de commandement de payer, du 19 janvier 2015 et de deux avis à tiers détenteur du 24 février 2015 émis par le comptable de la trésorerie du Lavandou.
Par un jugement n° 1502611, 1603910 du 1er juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un montant de 4 628 euros au titre des contributions sociales de l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 août 2019, le 4 mars 2020 et le 24 septembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2019 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et la décharge de l'obligation de payer la somme de 110 284 euros.
Ils soutiennent que :
- ils ont été privés d'un débat contradictoire et n'ont pas reçu communication de documents que détenait l'administration en violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; l'instruction BOI-CF-PGR du 12 septembre 2012 rappelle cette obligation à la charge de l'administration ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- la procédure d'imposition est irrégulière en ce que l'administration ne leur a pas indiqué qu'ils avaient le droit de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- les rectifications en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 ne sont pas fondées, dès lors que les revenus en litige ne peuvent être regardés comme des revenus distribués en application des dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts, M. B... n'en ayant pas eu la libre disposition ;
- ils n'ont pas été destinataires des avis d'imposition concernant les suppléments d'impôt sur le revenu ;
- les actes de poursuite litigieux ont été délivrés antérieurement à l'émission des avis d'imposition des 17 avril 2015 et 14 janvier 2016 ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées, l'administration ne démontre aucune manoeuvre frauduleuse.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 décembre 2019 et le 31 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société D B..., dont M. B... était actionnaire majoritaire et dirigeant de droit jusqu'au 28 février 2010, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2014. Le 19 janvier 2015, le comptable de la trésorerie du Lavandou a notifié à M. et Mme B... une mise en demeure de payer la somme de 110 284 euros. Par lettre du 18 mars 2015, ils ont formé une opposition à poursuites, qui a été rejetée par l'administration le 12 mai 2015. Par deux requêtes distinctes, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme de 110 284 euros. Ils relèvent appel du jugement du 1er juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un montant de 4 628 euros au titre des contributions sociales de l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, M. et Mme B... reprennent en appel les moyens tirés de ce qu'ils sont fondés à se prévaloir des énonciations de l'instruction BOI-CF-PGR du 12 septembre 2012 et de ce que l'administration ne leur a pas notifié, dans sa réponse aux observations du contribuable du 19 mars 2014, la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il y a lieu d'écarter ces moyens qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal respectivement aux points 8 et 10 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
4. Il résulte de l'instruction que les époux B... ont, par lettres du 6 février 2014 et du 16 avril 2014, présenté à l'administration une demande de communication de la proposition de rectification du 13 juin 2014 adressée à la société D B..., ainsi que des conséquences financières de la vérification de comptabilité de cette société. Toutefois, en vertu du principe d'indépendance des procédures, l'une étant menée à l'encontre de M. et Mme B... en matière d'impôt sur le revenu et l'autre à l'encontre de la société SA D B... en matière d'impôt sur les sociétés, l'administration n'était pas tenue de communiquer aux requérants la proposition de rectification qui a été notifiée à la société, alors qu'il n'est pas contesté que les rectifications en litige n'étaient pas fondées sur celles mises à la charge de la société. Par ailleurs, il ressort des termes de la proposition de rectification du 10 décembre 2013 adressée à M. et Mme B... que le service s'est basé, pour fonder les rehaussements en litige, sur l'analyse des comptes sociaux de la société D B... au titre de l'exercice clos en 2010 et sur un chèque que la société a émis, d'un montant de 100 000 euros, et porté en comptabilité sous l'intitulé " affectation du résultat au profit des actionnaires de l'entreprise ". Il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient demandé en vain à l'administration fiscale la communication d'une copie de ce chèque avant la mise en recouvrement des impositions en litige ou d'autres pièces concernant la société D B.... En outre, les termes de la proposition de rectification étaient suffisamment précis pour leur permettre de procéder à une telle demande. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et les aurait privés d'un débat contradictoire. Pour les mêmes motifs, l'administration fiscale n'a pas méconnu le principe du respect des droits de la défense et n'a pas manqué à son devoir de loyauté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 10 décembre 2013 adressée à M. et Mme B... mentionne clairement le montant en base des rehaussements envisagés, l'année d'imposition, la nature des rectifications opérées, les motifs de fait et de droit de ces rectifications ainsi que leurs conséquences financières. Ainsi, la motivation de la proposition de rectification comporte des éléments suffisamment circonstanciés pour permettre aux contribuables de formuler des observations de manière utile. La circonstance que la base légale ayant permis l'imposition des revenus en cause a été modifiée du fait de la substitution de base légale opérée par l'administration n'a pas pour effet d'entacher d'insuffisance de motivation la proposition de rectification adressée aux contribuables. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, comme c'est le cas en l'espèce, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.
8. En vertu de l'article 12 du code général des impôts, les sommes à comprendre dans l'assiette de l'impôt sur le revenu sont celles qui, au cours de l'année d'imposition, ont été mises à la disposition du contribuable, par voie, soit de paiement, soit d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, effectuer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de ladite année.
9. L'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition. Dans sa décision du 25 octobre 2016 rejetant la réclamation des contribuables, l'administration fiscale a substitué le a) de l'article 111 du code général des impôts au 1 de l'article 109 du même code initialement mentionné dans la proposition de rectification du 10 décembre 2013 comme base juridique des rectifications. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... détenaient jusqu'au 17 février 2010, date de cession de leurs parts sociales à M. F..., au sein de la société D B..., respectivement 7 600 actions et 40 actions sur un total de 7 700 actions. Lors de la vérification de comptabilité de la société D B..., qui a notamment porté sur l'exercice clos en 2010, il a été constaté par le vérificateur qu'un chèque, émis le 15 février 2010, signé par M. B..., d'un montant de 100 000 euros avait été porté en comptabilité sous l'intitulé " affectation du résultat au profit des actionnaires de l'entreprise ". M. et Mme B... étaient donc toujours associés à la date d'émission du chèque et M. B... disposait toujours de la signature sur le compte bancaire de la société. Il n'est pas utilement contesté par les requérants que le versement de la somme a eu lieu effectivement le 15 octobre 2010 au profit des actionnaires et que ces derniers ont donc disposé, à cette date, de la somme de 99 000 euros, calculée à concurrence de leur participation au capital social de la société. En outre, il ressort d'une lettre du 24 décembre 2010 adressée par le conseil des requérants à un confère que la somme en litige a bien été versée par la société D B... à M. et Mme B... au cours de l'année 2010. A cet égard, est sans incidence la circonstance que cette somme avait initialement été placée sur le compte CARPA (Caisse des règlements pécuniaires des avocats) du conseil de M. B.... Dès lors, ainsi que le fait valoir l'administration, la somme en litige correspond à un acompte sur les bénéfices distribuables de la société au titre de l'exercice 2009, les requérants ayant, en leur qualité d'actionnaires, bénéficié des dividendes d'actions avant même l'approbation des comptes de l'exercice 2009 par l'assemblée des nouveaux actionnaires. L'administration doit donc être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'appréhension par M. et Mme B... de la somme de 99 000 euros. Par suite, l'administration était fondée à l'imposer en application du a) de l'article 111 du code général des impôts dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, cette substitution de base légale ne privant les requérants d'aucune garantie de procédure, notamment celle que constitue la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
10. Par ailleurs, la mention par le directeur des finances publics, dans ses écritures enregistrées le 28 mai 2019 au greffe du tribunal administratif, du c) de l'article 111 du code général des impôts n'est qu'une erreur de plume et l'administration, qui n'avait donc pas à informer les requérants d'une nouvelle substitution de base légale n'a ainsi pas manqué à son devoir de loyauté.
En ce qui concerne les pénalités :
11. M. et Mme B... reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré dont les rehaussements mis à leur charge ont été assortis en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, ne sont pas fondées. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 15 de son jugement.
Sur les actes de poursuite :
12. Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du code général des impôts (...) ". L'article 1663 du code général des impôts dispose que : " 1. Les impôts directs, produits et taxes assimilés, visés par le présent code, sont exigibles trente jours après la date de la mise en recouvrement du rôle (...) ". Ces dispositions ne sont applicables que si le contribuable a été, avant la date d'exigibilité ainsi déterminée, avisé de la mise en recouvrement du rôle contenant l'imposition à laquelle il a été assujetti.
13. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires réclamées à M. et Mme B... ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2014 par voie de rôle. L'administration fiscale a adressé aux requérants une mise en demeure, tenant lieu de commandement, en date du 19 janvier 2015 de payer la somme de 110 284 euros ainsi que deux avis à tiers détenteur du 24 février 2015. Il ressort des termes même de la décision de rejet de la réclamation préalable du 26 octobre 2016 que l'avis d'imposition du 31 juillet 2011 émis à la suite du dépôt de la déclaration des revenus de l'année 2010, a été complété et remplacé par l'avis du 17 avril 2015. Si l'administration fait valoir que cet avis d'imposition complémentaire a été envoyé aux requérants sous pli simple à l'adresse connue du service et n'est pas revenu à l'expéditeur et que ces derniers sont ainsi réputés l'avoir reçu, il est constant que cet avis d'imposition émis le 17 avril 2015 est postérieur aux actes de poursuite en litige. Par suite, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que la somme de 110 284 euros résultant de la mise en demeure, tenant lieu de commandement de payer, du 19 janvier 2015 et des avis à tiers détenteur du 24 février 2015 n'était pas exigible.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est au demeurant suffisamment motivé, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 110 284 euros.
D É C I D E :
Article 1er : M. et Mme B... sont déchargés de l'obligation de payer la somme de 110 284 euros résultant d'une mise en demeure, tenant lieu de commandement de payer, du 19 janvier 2015 et de deux avis à tiers détenteur du 24 février 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :
- Mme E..., présidente de la Cour,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
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N° 19MA04060
jm